Auteur/autrice : the_bridge_tank

The Bridge Tank s’associe aux Rencontres Technology for Change 2023 de l’École Polytechnique

Du 4 au 6 avril 2023 ont eu lieu à Paris les Rencontres Technology for Change, organisées par la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique. Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, est intervenu lors de la Conférence d’Ouverture, le 4 avril, dans le cadre d’une session sur la question de l’accès à l’eau et de la préservation des ressources en eau comme enjeu de développement durable.

Les Rencontres Technology for Change ont pour mission d’établir un état des lieux des liens entre technologie, société et industrie afin d’explorer différentes approches et perspectives pour un développement et une innovation technologique contribuant à un monde plus durable et inclusif. En ouverture de la Conférence s’est tenue le 4 avril dans l’enceinte du Collège de France une session intitulée « Accès à l’eau : gestion et préservation – Quelles sont les stratégies actuelles et les challenges à relever pour placer l’eau au centre des problématiques de développement durable ? », autour de:

  • Pilar Acosta – Professeure en Science de gestion, École polytechnique, IP Paris
  • Joël Ruet – Économiste, Chercheur CNRS, École polytechnique, IP Paris & Président, The Bridge Tank
  • Marie-Laure Vercambre – Directrice générale, Partenariat Français pour l’Eau

La session a abordé les grandes questions et enjeux de l’eau dans le monde actuel: quelles sont les stratégies actuelles en gestion de l’accès à l’eau ? en préservation de l’accès à l’eau ? Qu’en est-il au niveau international ?
Comment placer l’eau au centre des problématiques de développement durable ? Dans quelle mesure la technologie est-elle un levier pour relever ces défis?

Marie-Laure Vercambre a ainsi rappelé le contexte de crise mondiale de l’eau, avec une demande qui va continuer à croître de 1% par an jusqu’en 2050. L’Agenda 2030 et l’objectif 6 des ODD de l’ONU résument les nombreux défis dans la gestion et la conservation de l’eau douce: accès à l’eau potable, assainissement, qualité de l’eau, utilisation rationnelle, gestion intégrée des ressources en eau, enjeux transfrontaliers, gouvernance, préservation des écosystèmes, etc. La transversalité des enjeux de l’eau présente un défi de taille dus aux approches en silo des différents utilisateurs. Une telle approche n’est pas appropriée pour la gestion d’un bien commun mais est difficile à infléchir. Joël Ruet a quant à lui souligné que l’organisation des pratiques devait se faire sur 3 axes: 1) optimisation de la ressource, 2) préservation/conservation en considérant l’eau et ses écosystèmes, 3) renaturation.

La technologie est un levier important pour relever ces nombreux défis: transport d’eau, dessalement, traitement de l’eau, ou réutilisation. Répondre à ces enjeux nécessite également plus de données spatio-temporelles, pour lesquels des outils technologiques sont nécessaires. Joël Ruet a ainsi également rappelé l’importance de préserver les têtes de sources des fleuves, un défi de taille puisque celles-ci se trouvent le plus souvent dans des zones plus reculées. Prenant l’exemple du Massif du Fouta Djalon en Guinée, une zone montagneuse menacée par les effets du changement climatique et la pression démographique, dans laquelle se trouve les sources de grands fleuves ouest-africains, Joël Ruet a illustré cette transversalité des actions nécessaires pour la préservation des ressources en eau. Celle-ci impacte les méthodes d’exploitation agricoles et forestières, d’agroforesterie, ainsi que le besoin de création de donnée locale. L’incubation de strartups locales est un terrain d’action intéressant pour soutenir le développement de cette technologie et de ces données nécessaires à l’action de conservation. Celles-ci pourront également être mobilisées pour des mécanismes de finance verte. Ces derniers ont besoin de données pour mesurer l’impact du changement transformationnel qu’ils visent à financer.

Tribune: « Conférence de l’ONU sur l’Eau à New-York : Chronique de 3 morts annoncées »

Par Erik Orsenna, Joël Ruet, & Hamed Semega. Publié dans Atlantico le 28 mars 2023.

« Ces trois morts sont des fleuves. Ils s’appellent Sénégal, Gambie et Niger.

Ils sont aussi des noms de pays car sans eux, sans l’apport de leur eau, ces pays vont s’assécher. Et mourir.

Ces fleuves sont enfants d’un même château d’eau, un trésor de la nature, le massif forestier du Fouta Djallon. Un massif généreux de dizaines de sources pour chaque fleuve mais ravagé, chaque année davantage, et qui se meurt dans l’indifférence générale.

Comment ne pas être avec les populations locales, qui ont besoin de bois de chauffe, de nourriture, pâture pour leurs bêtes, tout autant que d’activité économique ? Comment ne pas se saisir régionalement de cet enjeu majeur pour plus de 300 millions d’Africains de l’Ouest nourris par ces fleuves ? Comment ignorer cet enjeu pour la sécurité mondiale : le Fouta Djallon est la véritable profondeur stratégique et écologique du Sahel.

La conférence sur l’eau organisée à New-York du 22 au 24 mars sera l’occasion de lancer l’alerte.

Plutôt que de simplement dresser un constat, nous choisissons la voie des solutions avec un accompagnement réel des populations locales dans leur volonté de revisite de leurs traditions territoriales : nouvelles énergies, nouvelles formes de pâturage, création de points d’eau adaptés. Une organisation différente doit pouvoir émerger, pour une meilleure protection des sources par les communautés.

Les nouvelles technologies et la data (systèmes de captages innovants, satellites d’observation, nouvelles formes d’irrigation en goutte à goutte, généralisation des pratiques agroécologiques sobres en carbone du Sahel, etc..) offrent l’opportunité du partage et de la consolidation des connaissances par de véritables plateformes. Elles doivent être prises en main non pas par des start-ups étrangères mais par les jeunes entrepreneurs africains, au sein d’incubateurs.

Le levier de passage à l’échelle de ces nouvelles dynamiques est la finance, au sens noble du terme, donc la finance « durable » (verte et bleue, ou encore l’échange « dette contre résultats environnementaux »), qui s’appuie sur ces mêmes données géo-localisées sur des centaines de sources et points écologiques.

Instances locales, entrepreneurs environnementaux régionaux, data et finance durable mondiale: c’est une nouvelle coalition transnationale qui doit s’organiser, mettant les communautés au coeur du système, pour prendre en main cette transition, avec des actions concertées entre les pays concernés et avec les organismes de bassins africains.

C’est ce plan de sauvegarde, de sauvetage même, que nous présenterons au siège de l’ONU le 24 mars et pour lequel nous espérons attirer l’attention des décideurs et de financeurs.

Dans « un village dont on ne peut que partir, la pluie ne tombe plus, elle demeure en suspens. Le fleuve est à sec », dit le beau conte du mozambicain Mia Couto, la pluie ébahie. Ne restons ni en suspens ni ébahis : l’avenir de ces trois grands fleuves africains est en jeu. »

Erik Orsenna

membre de l’Académie française, Président d’Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF)

 

Joël Ruet

économiste à l’Institut interdisciplinaire de l’innovation (i3), CNRS & Président, The Bridge Tank

 

Hamed Semega

ancien Ministre de l’eau du Mali, ancien Haut-Commissaire de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS)

Pour lire le compte-rendu de notre side event “Le Fouta Djalon: Visions & Actions pour la Sauvegarde du Chateau d’Eau de l’Afrique de l’Ouest » organisé par IAGF, The Bridge Tank et l’OMVS durant la Conférence des Nations Unies sur l’Eau 2023, cliquez ici.

Massif du Fouta Djalon: Un plan d’action et un appel à la préservation lancé aux Nations Unies

Le Massif du Fouta Djalon – château d’eau de l’Afrique de l’Ouest – se meurt. Ce trésor de la nature abrite dans ses hauts plateaux forestiers en Guinée les sources des grands fleuves Sénégal, Gambie et Niger, abreuvant ainsi une région de près de 300 millions d’habitants. Face à l’urgence de la menace qui pèse sur les écosystèmes fragilisés du Fouta Djalon, The Bridge Tank, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) et l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) ont uni leurs forces pour alerter la communauté internationale et présenter un plan d’action lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Eau 2023 à New York.

Le 24 mars, The Bridge Tank, IAGF, et l’OMVS ont organisé dans l’enceinte du siège de l’ONU un side event officiel sur le thème « Le Fouta Djalon: Visions & Actions pour la Sauvegarde du Chateau d’Eau de l’Afrique de l’Ouest » avec le soutien officiel de la France et de la Guinée, représentées respectivement par Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française et par la directrice de cabinet d’Aly Seydouba Soumah, Ministre de l’Énergie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures de la République de Guinée. Le side event a été organisé en partenariat avec l’Agence Française de Développement (AFD), le Partneriat Français pour l’Eau (PFE), le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), et le Geneva Water Hub.

Structure de la session:

  • Ouverture de la session par Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française, Erik Orsenna, Président, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) & membre de l’Académie française, et Joël Ruet, Président, The Bridge Tank
  • Présentation et état des lieux des défis dans le Fouta Djalon par Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée et Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger (ABN)
  • Le rôle des organismes de bassin et les actions en cours par Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement (AFD)
  • Un programme d’action et une discussion autour des solutions pour la sauvegarde du Fouta Djalon.

Retrouvez l’enregistrement de la session dans son intégralité sur notre chaîne YouTube.

Erik Orsenna, Bérangère Couillard & Joël Ruet
Bérangère Couillard
Ouverture de la session aux Nations Unies

Venant appuyer le soutien de la France pour ce side event onusien modéré par Sophie Gardette, Directrice, IAGF, Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française a ouvert la session par une allocution au panel.

Dans son intervention, la secrétaire d’État a introduit l’importance de préserver le massif du Fouta Djalon et son incroyable écosystème afin de protéger les grands fleuves d’Afrique de l’Ouest, soulignant au passage l’interdépendance entre la préservation des écosystèmes et la disponibilité en eau, tant en quantité qu’en qualité. Madame Couillard a également salué le travail des organismes de bassins de la sous-région, notamment l’OMVS, et leur rôle dans la gestion intégrée des ressources en eau au niveau des bassins transfrontaliers. Ce fut une occasion de rappeler à l’auditoire le rôle de la France dans le développement et la promotion de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) et d’encourager une approche multi-sectorielle, conciliant l’ensemble des acteurs puisant sur les ressources du Fouta Djalon et impactant ses écosystèmes. En conclusion, Madame Couillard a rappelé l’importance de la Convention des Nations Unies sur l’Eau et a salué le rôle précurseur du Sénégal et du Tchad, qui ont été les premiers pays hors-Europe à rejoindre la Convention.

Erik Orsenna
Bérangère Couillard & Joël Ruet
Erik Orsenna – Le cycle de l’eau et le cycle de la vie

En tant que co-hôte et co-organisateur de cet évènement, Erik Orsenna, Président des Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) & membre de l’Académie française, a lancé un appel à l’action afin de préserver les écosystèmes forestiers et fluviaux du Fouta Djalon. Face à la complexité et la diversité insaisissable de l’eau, « première de toutes les matières », M. Orsenna a insisté sur l’importance de recourir à des personnages concrets et des histoires pour communiquer les défis de la gestion et de la préservation des ressources en eau.

Les fleuves, et notamment les grands fleuves Sénégal, Gambie, et Niger dans le cas du Fouta Djalon, forment cette unité du vivant, ces personnages vivants dont l’histoire peut être racontée. Citant un de ses prédécesseurs à l’Académie française, Jacques-Yves Cousteau, M. Orsenna a noté que « le cycle de l’eau c’est le cycle de la vie. » La santé biologique, la santé économique et la santé sociale sont ainsi intimement liées.

Cette unité du cycle de l’eau et de la vie se retrouve également en Afrique: 60 % de l’eau potable consommée à Dakar et 100% de celle consommée à Nouakchott viennent du fleuve Sénégal. De plus, Erik Orsenna a fait l’expérience d’un autre théorème en se rendant sur les bords du Lac Tchad au Niger: « moins il y a d’eau dans le lac Tchad, plus il y a de terroristes ». « Et c’est pour ces deux raisons-là que nous avons décidé de lancer l’alerte sur le Fouta parce que le Fouta c’est la source de toute cette vie dans l’Ouest africain, » a conclu Erik Orsenna.

Joël Ruet – Expériences du terrain

Offrant un témoignage de son voyage dans le Fouta Djalon avec Hamed Semega, ancien haut-commissaire de l’OMVS, Joël Ruet, Président de The Bridge Tank & économiste à l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation i3t, CNRS a tout d’abord rendu hommage à M. Semega, avec qui il avait fait ce voyage et qui avait été le premier haut-commissaire à se rendre sur les sources du fleuve Sénégal. La mission sur place avait révélé que les hommes et femmes, populations locales vivant à proximité des sources, souffraient également du manque d’eau. Là où l’on ne trouve aujourd’hui plus que des flaques d’eau pittoresques, 10 ou 15 ans auparavant, ces mêmes mares étaient de taille à y voir se noyer un adulte. Il s’agit donc aujourd’hui de transformer un cercle vicieux en cercle vertueux a indiqué Joël Ruet, avant d’ajouter que « les solutions sont avec les gens, avec les communautés locales, et il est de notre responsabilité morale et humaine en tant que communauté internationale de les appuyer dans leurs initiatives. »

Soufiana Dabo
Un Fouta Djalon à l’agonie

Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée, a décrit le contexte actuel du Fouta Djalon avant de rappeler les défis et les menaces pesant sur ce massif qui abrite les sources du fleuve Sénégal, du fleuve Gambie, du fleuve Niger et d’autres plus petits fleuves. Ce territoire montagneux dans le nord de la République de Guinée et s’étendant vers le Sénégal, le Mali et la Guinée-Bissau se situe à des altitudes allant d’un peu plus de 500 à 1515 mètres, avec le Mont Loura comme point culminant. L’écosystéme unique du Fouta Djalon est aujourd’hui en danger et de nombreuses espèces endémiques, de la faune ou de la flore, se font rares.

La région est habitée par des agriculteurs et des éleveurs sédentaires dont les activités cohabitent. La pression démographique a néanmois mené à des mouvements de populations vers les sources d’eau afin de répondre aux besoins d’eau pour l’agriculture et pour la consommation quotidienne, à la fois humaine et du bétail. Cette pression sur les sources cause une diminution des quantités d’eau disponibles mais également la dégradation des abords des fleuves, impactant à la fois l’amont en Guinée et les pays et 300 millions de personnes vivant en aval.

Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger (ABN), a également noté des dégradations supplémentaires infligées au massif par l’homme. Celles-ci impliquent par exemple la fabrication des briques cuites, les coupes de bois abusives et l’exploitation minière, en particulier l’exploitation traditionnelle de l’or.

La réduction du couvert végétal et la dégradation des sols – conséquence du surpâturage et de pratiques agricoles inappropriées au contexte démographique, telles que l’agriculture sur brûlis et la réduction des temps de jachère ont également contribué à fragiliser le Fouta Djalon. Ces pratiques agricoles et forestières non durables réduisent les couverts forestiers et assèchent les sols, menaçant la stabilité des écosystèmes du Fouta Djalon. Ces dynamiques accélèrent ainsi la désertification et l’ensablement des cours d’eau et de leurs sources, réduisant également la capacité d’absorption des sols. La menace est aussi environnementale, puisque le changement climatique affecte la pluviométrie et le microclimat particulier du Fouta Djalon, avec des températures sans cesse en hausse.

« Ensemble nous devons mobiliser nos actions, énergies, consciences, et l’information autour de ce qui doit être entrepris dès maintenant pour restaurer cet écosystème […], pour amener les population à prendre conscience mais aussi à continuer leurs activités sans être en conflit avec la nature, » a conclu M. Dabo.

« Si nous n’agissons pas activement pour changer la donne et refaire vivre le massif du Fouta Djalon, le risque serait pour l’ensemble de ces pays (ndlr: les 9 pays membres de l’ABN), pour l’ensemble de ces populations en Afrique, » a quant à lui conclu M. Hamid.

Les organismes de bassin au coeur de l’action de sauvegarde

Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement (AFD) a présenté les initiatives de préservation et de gestion durable existantes et les actions déjà menées sur le terrain par l’AFD. Celles-ci sont notamment développées et menées en partenariat avec les différents organismes de bassin de la région. La présence de hauts responsables de ces organismes de bassins, avec M. Soufiana Dabo pour l’OMVS, un organisme que l’AFD appuie depuis environ 40 ans, et M. Abderahim Bireme Hamid pour l’ABN, avec laquelle l’AFD collabore depuis une vingtaine d’années, a illustré l’investissement et le rôle central de ces organismes dans la gestion des ressources hydriques et la préservation des écosystèmes de la région.

Il s’agit d’éviter la tragédie des communs et la tragédie du Fouta Djalon, a déclaré M. Goujon, citant le concept développé par Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009. Les défis dans l’action de préservation sont nombreux: manque de connaissances, de mesures, et de données sur les conséquences des changements hydrologiques,  connaissance de la ressource en déclin, ou encore besoins de nouvelles technologies et de moyens et dispositifs humains pour maintenir des réseaux de mesure.

L’action de l’AFD en partenariat avec les organismes de bassin se structure autour de projets comme le projet SCREEN avec l’OMVS, un projet de mesure altimétrique avec des technologies spatiales en collaboration avec de nombreux acteurs français (ex. CNR, IRD, BRL, et CNES). Le projet DYNOBA de dynamisation des organismes de bassin transfrontaliers en Afrique encourage le partage d’expériences entre les organismes de bassin. Le Fouta Djalon pourrait être un terrain d’application de ce partage. L’AFD travaille actuellement également à un projet d’appui aux services météorologiques nationaux de Guinée, afin de renforcer la météorologie nationale et de produire des données plus fiables.

« Il y a plusieurs niveaux auxquels il faut travailler : les niveaux institutionnels, internationaux, nationaux, le niveau local avec les populations pour avoir un impact bénéfique sur cet espace, » a conclu M. Goujon.

Un plan d’action pour le Fouta Djallon

L’objectif de ce side event était non seulement d’alerter la communauté internationale sur la situation alarmante d’un Fouta Djalon mourant mais également de présenter un plan d’action et d’axes prioritaires à mobiliser pour la préservation du massif. Joël Ruet, Président, The Bridge Tank & économiste à l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation i3t, CNRS a ainsi présenté les nécessaires composantes du plan d’action que nous proposons:

  1. Le soutien et la mobilisation des communautés locales du Fouta Djalon, en établissant par exemple un catalogue de bonnes pratiques durables combinant des méthodes agricoles & de préservation des écosystèmes traditionnelles et modernes et en sensibilisant et en formant les populations locales;
  2. Encourager la recherche et l’innovation au niveau local et régional, afin d’améliorer les connaissances et les données sur les ressources et les écosystèmes du Fouta Djallon, à travers l’incubation de start-ups technologiques, le soutien à des projets de recherche, l’ingénierie environnementale locale, le développement de solutions basées sur la nature;
  3. La volonté politique et la coopération régionale à travers la création d’une assemblée des États d’Afrique de l’Ouest, des organismes de bassin et des organisations multilatérales sous-régionales, soutenue par la communauté internationale, pour le Fouta Djallon, afin de développer un cadre de coopération régionale autour de cette ressource commune et d’assurer la durabilité sociale, sociétale et environnementale dans les hauts plateaux et dans toute la région ;
  4. La mobilisation de nouveaux mécanismes de financement vert et bleu au profit du Fouta Djalon, pour la préservation de la biodiversité et le développement des hauts plateaux avec le soutien international.

En particulier, dans la continuité des actions déjà mises en oeuvre, une action concertée de la sous-région pour la préservation du Fouta Djalon devra nécessairement faire intervenir les organismes de bassin. La question de la gouvernance a également été mise en lumière par Lionel Goujon, qui a encouragé une gouvernance à différents niveaux, impliquant les organismes de  bassin, les états et les communautés économiques sous-régionales. « Il faut aujourd’hui créer des coalitions et des plateformes de coopération, » a souligné Joël Ruet. Celles-ci devront nécessairement impliquer les communautés locales, afin de déterminer quelles mesures traditionnelles doivent évoluer et quelles connaissances traditionnelles peuvent être mobilisées comme méthodes de cultivation ou d’agroforesterie plus durables et résilientes. Selon Soufiana Dabo, il s’agit donc en priorité d’adapter et de repenser les solutions existantes.

Un outil qui jouera un rôle important dans cette démarche est l’Observatoire du Fouta Djalon mis en place par l’OMVS. Celui-ci permettra, selon M. Dabo, d’observer, d’analyser et d’agir dans le Fouta Djalon. Soufiana Dabo a ainsi lancé un appel au soutien de l’Observatoire comme centre de recherche, de réflexion et collecte de données nécessaires à l’évolution du massif. Cette évolution vise à accompagner les communautés dans leurs reconversions, soit vers d’autres activités qui auront moins d’impact sur l’écosystème du massif, soit à moderniser les activités qui sont actuellement entreprises par les populations locales. Dans le cadre de ses programmes PGIRE, l’OMVS a ainsi lancé de premières initiatives allant dans cette direction, avec notamment des projets d’aménagement agricole et de mise en place de périmètres irrigués et clôturés pour sédentariser la population. La réhabilitation de réserves piscicoles vise à faire de la pêche une source de revenus alternative.

« Il ne faut pas opposer le développement socio-économique, humain, à la nature et l’environnement, » a insisté Joël Ruet.

Enfin, une dernière communauté qu’il s’agit de mobiliser sont les jeunes diplomés des universités de la région. M. Ruet a conclu en revenant sur l’importance de l’entrepreneuriat technologique local. Le soutien d’incubateurs de jeunes entrepreneurs locaux revenant sur le terrain à la suite de leurs études offrirait les moyens humains pour faire vivre les systèmes de mesure, et de collecte de données nécessaires à toute action de préservation. Ces données pourront également être mobilisées pour des mécanismes de finance durable qui permettent, selon M. Ruet, « un changement transformationnel qui passe à l’échelle. »

Cette session se place dans un engagement de longue date en faveur de la préservation du Fouta Djalon de la part de The Bridge Tank. Au Forum Mondial de l’Eau à Dakar en mars 2022, The Bridge Tank et IAGF avaient déjà co-organisé une session spéciale sur ce même thème de la sauvegarde du massif du Fouta Djalon en partenariat avec l’OMVS et l’Organisation de mise en valeur du Fleuve Gambie (OMVG). Auparavant, Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, avait également participé à une mission de terrain dans le Fouta Djalon menée par notre board member Hamed Semega, alors haut-commissaire de l’OMVS.

The Bridge Tank au Forum BOAO pour l’Asie 2023 : Échanges sur la coopération Chine-UE et les transitions énergétiques

Du 28 au 31 mars 2023, The Bridge Tank, représenté par son président Joël Ruet, a participé au Forum de Boao pour l’Asie 2023, à Boao, Hainan, en Chine. The Bridge Tank participe à la réunion annuelle du « Davos chinois » en tant que partenaire de l’événement depuis 2018. Cette année, le Forum Boao était placé sous le thème « Un monde incertain : Solidarité et coopération pour le développement dans un contexte difficile » (An Uncertain World: Solidarity and Cooperation for Development amid Challenges).

Le Forum a permis à Joël Ruet de participer à deux sessions dédiées au dialogue entre la Chine et l’Union Européenne, avec une table ronde de PDG à huis clos, et un panel sur les chocs dans l’approvisionnement énergétique mondial, tous deux abordant spécifiquement la question des transitions énergétiques. La session plénière du forum a été marquée par les interventions du premier ministre chinois Li Qiang, de l’ancien secrétaire général des Nations unies et actuel président du forum Ban Ki Moon, ainsi que de Lee Hsien Loong, premier ministre de Singapour, et Pedro Sanchez, premier ministre de l’Espagne, qui ont notamment abordé les relations futures entre la Chine et l’UE et le potentiel de coopération.

Dialogue à huis clos entre PDG chinois et européens

La table ronde à laquelle Joël Ruet a participé a abordé les opportunités de coopération et les questions de concurrence dans un contexte de rivalité systémique entre la Chine et l’UE. La session a permis à des chefs d’entreprise français, italiens, finlandais, hongrois et allemands d’interagir avec leurs homologues chinois. Les participants incluaient notamment:

  • Justin Yifu Lin, Doyen de l’Institut de la nouvelle économie structurelle, Université de Pékin, ancien économiste en chef et ancien vice-président de la Banque mondiale
  • Li Zixue, Président et directeur exécutif, ZTE Corp
  • Zhang Yue, Président, BROAD Group
    Li Yong, Président, Chinayong Investment Group
  • Joël Ruet, Président, The Bridge Tank & Chercheur associé, Chaire Tech for Change, Ecole Polytechnique
  • Jorge Toledo, Ambassadeur de l’Union européenne en Chine
  • Denis Depoux, Global Managing Director, Roland Berger
  • Norbert Csizmadia, Président, Fondation de l’Université John von Neumann
  • Gianni Di Giovanni, Président, ENI China B.V. et Vice-président exécutif, ENI
  • Fabrizio Ferri, Directeur pour la région Asie-Pacifique, Fincantieri

À travers sa participation à cette table ronde, Joël Ruet a fait part de la situation actuelle et des opportunités en matière de transition énergétique, en particulier en ce qui concerne l’énergie nucléaire et l’hydrogène. Revenant sur les tendances actuelles, M. Ruet a noté qu’en 2022, la transition de l’UE a abouti à une stratégie de couverture à long terme gagnante, basée sur le gaz couvert géographiquement plutôt que sur le pétrole, avec à l’horizon 2030 une couverture de tous les combustibles fossiles.

En ce qui concerne le financement de la lutte contre le changement climatique, Joël Ruet a affirmé que les mécanismes financiers devaient aller au-delà de la tarification du carbone et du financement de l’atténuation. L’adaptation doit en effet être financée par des cobénéfices sur l’agriculture, l’agroforesterie, la fixation du CO2 dans les sols et la préservation de l’eau. Cela nécessite un effort conjoint pour construire une industrie de financement et de dérisquage bancaire au niveau des banques publiques et commerciales. La Chine et l’UE ont un intérêt commun non seulement à partager des idées et des modèles, mais aussi à mettre en place des programmes communs avec les pays les moins développés, a déclaré M. Ruet.

Dans une interview accordée à China Business News, Joël Ruet a souligné l’importance de ce type de tables rondes, car « les décisions commerciales sont basées sur ce type de relations et de compréhension entre les personnes ».

Table ronde sur les chocs énergétiques mondiaux

Le 30 mars, Joël Ruet s’est entretenu avec des dirigeants et experts chinois et internationaux dans le cadre d’une table ronde sur la structure actuelle de l’offre et de la demande dans le secteur de l’énergie. La discussion a porté sur la façon dont l’invasion de l’Ukraine par la Russie a remodelé le paysage de l’approvisionnement énergétique en Europe et sur la façon dont la structure énergétique mondiale a évolué depuis, en tenant compte des sanctions imposées à la Russie et des politiques de restriction de la production adoptées par les pays producteurs de pétrole au Moyen-Orient. La session a également abordé le maintien de la stabilité du marché international de l’énergie et les implications de ces changements sur les efforts de transition énergétique dans le monde.

La session, modérée par ZHONG Shi, présentateur de la chaîne CGTN, a accueilli :

  • Denis DEPOUX, Directeur général mondial, Roland Berger
  • Gianni Di GIOVANNI, Président, ENI China B.V. & Vice-président exécutif, ENI
  • MENG Zhenping, Président, China Southern Power Grid
  • Joël RUET, Président, The Bridge Tank & Chercheur associé, Chaire Tech for Change, Ecole Polytechnique
  • Ernie THRASHER, Directeur, Xcoal Energy & Resources
  • ZHONG Baoshen, Président, Longi, Chairman, Longi

Selon Joël Ruet, la crise énergétique est une opportunité pour mieux comprendre les atouts et les faiblesses des structures énergétiques actuelles, déterminer ce qui est résilient et ce qui est le plus affecté par ces chocs. « Nous devons faire de la crise une opportunité », a déclaré M. Ruet, ajoutant que « dans la transition énergétique, nous devons être inclusifs et unis ». La réaction de l’UE au cours de l’année écoulée montre qu’il ne s’agit pas seulement d’une réponse à un choc à court terme, mais qu’elle ouvre la voie à une accélération structurelle de la transition énergétique, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables ou le gaz. Le fait que plusieurs pays aient des stratégies énergétiques différentes sur le nucléaire en tant qu’énergie renouvelable, sur les utilisations de l’hydrogène ou sur les moteurs de mobilité n’a pas empêché des progrès considérables dans la taxonomie et sert de complément positif, donc de couverture, aux transitions énergétiques européennes.

Enseignements de la session plénière

Lors de la session plénière du forum de Boao, des dirigeants du monde entier ont pris la parole pour traiter des grandes questions d’actualité. Après avoir souligné que « l’agression russe a fragilisé l’ordre mondial », le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong a insisté sur le fait qu’au-delà de l’établissement de relations fortes avec la Chine, les pays asiatiques devaient se rapprocher les uns des autres, en soulignant le rôle central de l’ANASE. Faisant l’éloge du RCEP et de la dynamique transpacifique, le Premier ministre Lee a appelé l’Asie à rester une région ouverte établissant des partenariats.

Pedro Sanchez, Premier ministre de l’Espagne, a déclaré que l’Espagne, qui assumera prochainement la présidence de l’UE, souhaite contribuer au rétablissement de la paix et de la confiance. Le pays entend se concentrer sur une approche renouvelée de la mondialisation, soucieuse de son empreinte environnementale et de sa stabilité, en allant au-delà des seules préoccupations liées aux coûts. L’UE construit donc une nouvelle industrie verte et numérique et défendra ses valeurs et ses intérêts. La Chine et l’UE, bien que concurrentes, peuvent également rester partenaires tant que la souveraineté des pays est respectée et que des conditions de concurrence équitables sont maintenues. Selon le Premier ministre Sanchez, la Chine et l’UE doivent rester des partenaires sur le plan économique, mais aussi et surtout travailler ensemble pour atteindre les objectifs fixés dans l’accord de Paris, les ODD, et fournir des financements pour le développement et les risques liés à la dette pour les pays en développement.

 
Ban Ki Moon, Président du Forum de Boao
Lee Hsien Loong, Premier Ministre, Singapour
Pedro Sanchez, Premier Ministre, Espagne
Li Qiang, Premier ministre, Chine

Joel Ruet a également assisté au discours du premier ministre chinois Li Qiang devant les délégués du forum de Boao. Dans son discours, le Premier ministre Li a déclaré que « sans la paix, l’Asie n’aura pas un avenir radieux », avant d’ajouter que « les nombreuses questions auxquelles l’humanité est confrontée doivent être abordées par consensus ». Pour ce faire, Li Qiang a souligné le rôle des pays BRICS dans l’application d’une législation multilatérale, qualifiée de « plus juste et plus équitable » que le système actuel des Nations unies.

Li Qiang a déclaré que « dans un monde incertain, la voie de la prospérité de la Chine est une source de certitude », soulignant l’importance de la croissance de la Chine pour les pays en développement en général et pour l’Asie et l’économie mondiale. La trajectoire de la Chine consistera à « poursuivre l’effort d’approfondissement de la demande tout en structurant l’offre d’une manière favorable à l’investissement étranger ».

Il convient toutefois de rappeler que les investissements ont atteint leur niveau le plus bas en 2022 en raison de la politique « zéro covid » de la Chine, qui aura un impact sur les résultats économiques des deux prochaines années et qui a affaibli la confiance des investisseurs étrangers dans le marché chinois. Ce cycle à court terme devra être amorti, les perspectives à moyen terme étant plus encourageantes et servant de transition alors que la fenêtre d’opportunité démographique se referme.

Regardez l’analyse du discours du premier ministre chinois Li Qiang par Joël Ruet pour CGTN :

Hydro-diplomatie : Compte rendu de notre side event à la Conférence des Nations unies sur l’eau 2023

Lors de la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023 à New York, The Bridge Tank et Initiatives pour l’avenir des Grands fleuves ont coorganisé un side event officiel sur l’hydro-diplomatie « Towards an inclusive, pre-emptive, and positive hydro-diplomacy » (Vers une hydro-diplomatie inclusive, préventive et positive), le 23 mars. Voici un aperçu des discussions et des idées partagées lors de la table ronde : de l’hydro-diplomatie comme méthode de prévention de conflits à comment aborder la ressource, en passant par la promotion de l’intégration et de la coopération intersectorielle, le rôle de la Convention des Nations Unies sur les cours d’eau internationaux de 1997, la nécessité d’une plus grande inclusion, et bien plus encore.

Pour un bref résumé de la session, cliquez ici.

En ouverture de la session qu’il a modérée, Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, a rappelé la vocation de cette session visant à élargir la discussion et la pratique de l’hydro-diplomatie à une diversité d’acteurs, praticiens de l’eau, chercheurs, et entreprises. S’inspirant de la formule de Georges Clémenceau selon laquelle « la guerre est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux soldats », l’hydro-diplomatie est également une affaire trop sérieuse pour être laissée aux seuls diplomates. Une hydro-diplomatie renouvelée doit s’appuyer sur une compréhension renouvelée des ressources en eau, en discutant de la meilleure façon de les aborder, que ce soit en tant que bien commun ou en tant que bien public.

La session a été ouverte par Mirela Kumbaro Furxhi, ministre du tourisme et de l’environnement de la République d’Albanie. Durant son intervention, la ministre Kumbaro Furxhi a présenté le cas de la rivière Vjosa, qui a récemment été déclarée premier parc national de rivière sauvage en Europe et qui a l’ambition de devenir un parc transfrontalier avec la Grèce voisine dans les années à venir.

Une hydro-diplomatie préventive pour une paix durable

Le rôle de l’hydro-diplomatie dans le maintien et la construction de la paix était au centre de ce side event. Christian Bréthaut, directeur scientifique du Geneva Water Hub, a abordé la notion de prévention des conflits comme contribuant à la construction d’une paix durable. Son organisation, le Geneva Water Hub, considère la paix non pas comme l’absence de conflits, mais comme une forme de prévention active et d’anticipation des conflits potentiels. Les exemples de l’Afrique de l’Ouest ont montré qu’il existe de nombreuses façons de mener ce travail de prévention, par le biais de plateformes de dialogue, mais aussi par la mise en place d’institutions.

Un autre aspect essentiel de la prévention et de l’instauration d’une paix durable réside notamment dans la redistribution des bénéfices et du développement socio-économique dans l’ensemble d’un bassin fluvial. Il existe en effet de nombreux exemples négatifs de constructions de barrages et de lignes électriques allant vers la capitale, tout en négligeant les communautés locales. De telles pratiques de développement ne font qu’alimenter les tensions et l’émergence de la violence au niveau local.

Faisant écho à cette idée, Erik Orsenna, Président, Initiatives pour l’avenir des Grands Fleuves, a ainsi souligné que l’hydro-diplomatie ne visait pas seulement à prévenir les conflits entre différentes nations, mais qu’elle était de plus en plus une méthode pour prévenir les conflits internes au sein des pays. M. Orsenna a également noté la forte augmentation des conflits et des tensions ayant l’eau pour cause, citant les exemples de l’Euphrate, du Tigre, d’Israël et de la Palestine, du Nil, mais aussi du Bangladesh et du Mékong.

Erik Orsenna, Christian Bréthaut, & Suvi Sojamo
Marie-Laure Vercambre & Joël Ruet
Un nouveau regard sur la ressource pour une meilleure intégration

Les deltas des fleuves sont des régions particulièrement menacées, avec 600 millions de personnes vivant dans les deltas à travers le monde, menacées par les actions des pays en amont, a poursuivi M. Orsenna. Si le fleuve qui donne vie au delta n’est pas considéré comme un bien commun, les habitants des deltas continueront d’être menacés, a déclaré M. Orsenna.

L’eau est difficile à catégoriser en tant que bien commun ou bien public, car elle se trouve toujours un peu entre les deux, a fait remarquer M. Bréthaut. La nature de la ressource est en effet un bien commun, mais il existe différentes manières de l’aborder et de la gérer. Selon M. Bréthaut, la littérature met en évidence cette « tragédie des biens communs », car le risque de surexploitation, de rivalités entre les usages et de conflits potentiels est plus élevé pour une ressource commune comme l’eau. Toutefois, une approche différente considère l’eau comme une opportunité pour les parties prenantes de se réunir et de trouver des solutions en s’organisant ensemble.

Cette organisation des acteurs et sa dynamique intersectorielle doit prendre en compte deux dimensions, selon Christian Bréthaut :

  1. une intégration horizontale entre les différents secteurs, en sortant des silos existants pour gérer des échanges et trade-offs complexes,
  2. une intégration verticale permettant de faire le lien entre les différents récits et contextes existant dans les bassins, entre les agriculteurs et les autorités nationales par exemple, afin d’éviter les incompréhensions et les tensions internes. Pour ce faire, il est nécessaire de créer des plateformes permettant à ces différents récits d’interagir et de relier les différentes problématiques en rendant chaque cas et chaque récit visible.

Selon M. Bréthaut, l’une des clés de ce processus de dialogue et d’intégration réside dans les plateformes intermédiaires, ce que Claude Ménard, économiste canadien de renom qui a théorisé la nouvelle économie institutionnelle, a appelé les méso-institutions. Une institution telle que l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, un organisme de bassin, ne se contente pas d’établir des liens transfrontaliers, mais permet également un dialogue entre les différents niveaux institutionnels.

La dimension géographique de ce processus d’intégration et de développement des méso-institutions a également été abordée par Marie-Laure Vercambre, directrice générale du Partenariat français pour l’eau. Depuis les années 1960, l’approche française de la gestion des ressources en eau a pris le bassin hydrographique comme unité géographique de base. Le bassin hydrographique a ainsi été identifié comme étant la meilleure unité territoriale pour la gestion des rivières, des nappes phréatiques, des territoires et des populations qui y vivent. L’approche française de l’hydro-diplomatie s’est donc appuyée sur les principes de la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) que le pays a développés au niveau national, en agissant au coeur des bassins et en impliquant tous ses acteurs dans son modèle d’utilisation et de gouvernance durable: l’industrie, le secteur agricole, les villes et les collectivités locales, avec un niveau de gouvernance publique assurant l’allocation et l’arbitrage pour le bien commun.

La Convention des Nations Unies de 1997 comme fondement et langage commun

Alors que le concept de GIRE est aujourd’hui largement accepté et constitue le fondement de nombreux organismes de bassin, Marie-Laure Vercambre a fait remarquer qu’il y a cinq ans, seuls 40 % des bassins transfrontaliers bénéficiaient d’un accord transfrontalier au niveau du bassin. Parmi ceux-ci, 80 % étaient soit obsolètes, soit n’impliquaient pas tous les pays du bassin concerné. Malgré la diversité des modèles existants dans le monde, il semble donc toujours important d’avoir un traité commun, comme l’a souligné Joël Ruet, avant de donner la parole à Alyssa Offutt, chercheuse à l’Institut IHE de Delft pour l’éducation relative à l’eau

La Convention des Nations Unies sur les cours d’eau internationaux a en effet été établie en 1997, complétée par la Convention sur l’eau de la CEE-ONU, qui était à l’origine assez régionale, a indiqué Mme Offutt. La Convention fournit un langage et cadre commun pour les différents principes et normes qui peuvent ensuite être utilisés et repris dans différents accords, spécifiques à chaque bassin. L’exemple de l’obligation de ne pas causer de dommages significatifs dans le cadre de la coopération au sein des bassins laisse une liberté de définition et d’adaptation de ce qui peut être qualifié de « dommages » et de « significatifs. » Cette adaptation peut ainsi être appliquée à chaque accord en s’appuyant sur cette base commune. Cela peut être codifié dans des accords ou intégré dans les organismes de bassin et autres processus existants, a fait remarquer Mme Offutt.

Alyssa Offutt & Clémence Aubert
Suvi Sojamo et le panel
Inclusion et adaptation sociétale

La convention négociée dans les années 90 ne mentionne toutefois pas l’intégration verticale, car l’inclusion et l’intégration de personnes et de perspectives différentes dans la coopération sur les eaux transfrontalières n’étaient pas des aspects importants par rapport aux normes actuelles. Le traité sur les eaux transfrontalières de 1909 négocié entre les États-Unis et le Canada n’incluait par exemple pas les territoires souverains des populations indigènes le long de la frontière. L’ouverture du débat à d’autres voix est donc un processus assez récent, qui reconnaît la nécessité de donner aux populations les moyens de s’exprimer au nom du fleuve. L’émergence de nouveaux récits et de cadres juridiques tels que la personnalité juridique des cours d’eau reflète cette dynamique changeante. Ce processus nécessite encore l’adaptation des cadres et accords existants, a affirmé Mme Offutt.

Alors que, comme M. Ruet et M. Bréthaut l’ont fait remarquer par la suite, on aurait pu supposer que l’adaptation nécessaire concernait principalement l’évolution des données hydrologiques, géophysiques et environnementales, étant donné que les utilisations de l’eau ont évolué et que le climat a changé, l’adaptation nécessaire est également due en grande partie aux changements sociétaux et hydro-politiques. Ceux-ci reflètent la place des rivières dans nos sociétés, mais aussi la façon dont nos sociétés et notre compréhension des rivières ont évolué. Comme l’a conclu Mme Offutt, les conventions nous donnent une base de référence pour mener à bien ces changements sur ces deux plans.

Relier la diplomatie officielle et parallèle : l’approche de la Finlande en matière d’hydrodiplomatie

La Finlande a joué un rôle crucial dans l’hydrodiplomatie et dans le développement, l’adoption et la ratification des conventions sur l’eau dans le monde entier. Suvi Sojamo, Chercheuse, Institut finlandais pour l’environnement, et Conseillère principale, Water Cooperation and Peace – Finnish Water Way, a présenté quelques-unes des spécificités de l’approche dite « multi-track » et multi-sectorielle de la Finlande en matière d’hydrodiplomatie.

La création de passerelles entre les différents récits et groupes d’acteur est un élément clé de l’approche finlandaise, car son approche multi-track/multi-piste vise à faire en sorte que les experts de l’eau contribuent aux processus de prise de décision, créant ainsi une passerelle entre la communauté diplomatique de médiation pour la paix et la communauté d’experts de l’eau. Cette approche combinant la diplomatie officielle et la diplomatie parallèle est le fondement du modèle finlandais de gouvernance de l’eau et de collaboration intersectorielle.

En tant que pays relativement petit, la Finlande bénéficie de silos très faibles, d’une collaboration intersectorielle forte et d’un faible niveau de hiérarchie, a fait remarquer Mme Sojamo, ce qui a constitué un fondement solide pour le modèle finlandais. Tout en reconnaissant que les questions liées à l’eau sont toujours dépendentes du contexte social, politique, géographique et que ce modèle ne peut pas être reproduit partout de la même manière, la Finlande a partagé son expérience et son exemple d’organisation interne au niveau international. Faisant écho à l’idée que la Convention sur l’eau fournit un ensemble de principes fondamentaux et un cadre sur lequel construire de nouveaux modèles, Suvi Sojamo a indiqué que la Finlande utilisait la Convention et l’application de ses principes fondamentaux comme la pierre angulaire de ses actions de soutien à d’autres pays.

Clémence Aubert (middle)
Des entreprises contribuant à l’hydro-diplomatie

L’inclusivité signifie également mobiliser et impliquer les entreprises et les acteurs du secteur privé. Lorsqu’il s’agit d’accompagner le processus décisionnel des pays en vue de la ratification de la Convention des Nations unies sur les cours d’eau, les acteurs économiques peuvent jouer un rôle extrêmement important, a fait remarquer Marie-Laure Vercambre, car les pays veulent s’assurer que cette ratification aura un impact économique positif. L’exemple de Patagonia, une entreprise américaine activement impliquée dans le processus ayant fait de la rivière Vjosa un parc national, montre que les entreprises peuvent contribuer à l’élaboration d’accords transfrontaliers, assurer une cogestion durable et pacifique des ressources en eau et ainsi soutenir l’hydrodiplomatie. Comme l’a mentionné Alyssa Offutt, cela est d’autant plus pertinent à une époque où les entreprises sont de plus en plus sensibilisées aux questions sociales et environnementales.

L’exemple de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) présenté par Clémence Aubert, responsable du département Pilotage stratégique et Missions d’Intérêt Général de la CNR, offre un modèle dans lequel un opérateur privé unique est chargé de la gestion intégrée des ressources en eau d’un bassin fluvial, en l’occurrence celui du Rhône, en s’appuyant sur l’approche traditionnelle de la France. La CNR a été créée avec trois missions : la production et la vente d’électricité, le développement de la navigation et du transport sur le cours d’eau, et l’irrigation des terres agricoles. Une quatrième mission s’est ajoutée par la suite, à savoir la préservation de l’environnement et de la biodiversité, ainsi que les activités de loisirs et culturelles autour du fleuve.

Pour assurer l’intégration intersectorielle mentionnée précédemment, la CNR a dû agir en concertation avec toutes les parties prenantes pour chacun de ses projets. La notion de redistribution mentionnée par Christian Bréthaut comme condition préalable à une paix durable est également inscrite dans le modèle de la CNR, puisque son contrat avec l’État prévoit la redistribution d’une partie de ses bénéfices aux collectivités locales, ce qui garantit l’implication des parties prenantes dans la protection de la ressource, puisqu’elles bénéficient toutes de sa pérennité. Le modèle a prouvé sa résilience, puisque les barrages au fil de l’eau du Rhône ont permis de continuer à fournir de l’eau pour les terres agricoles, ainsi que de l’eau potable et une navigation continue même en période de sécheresse.

Au-delà de la conservation, la CNR s’est également engagée dans un vaste projet de renaturation qui a déjà permis de restaurer 120 km de cours d’eau du Rhône en reconnectant le fleuve à des zones humides et en permettant la libre circulation des sédiments qui avaient été bloqués par des constructions antérieures.

Conclusion

En conclusion de la session, les participants ont exprimé leur optimisme quant à l’avenir, car la conférence a permis de mettre en évidence et de renforcer une dynamique croissante pour faire face à la question de l’eau douce. Marie-Laure Vercambre a noté que la Conférence offrait des raisons d’être optimiste, car elle a prouvé la maturité croissante de la communauté de l’eau, mais aussi des décideurs politiques. Les nouvelles ratifications de la Convention sur l’eau sont un autre signe encourageant. Si le risque de conflits liés à l’eau est effectivement en augmentation, il existe une dynamique inverse qui voit la coopération et la prise de conscience du risque de ne pas coopérer se répandre. Une plus grande inclusion, un plus grand potentiel de dialogue, une meilleure coopération intersectorielle et multipartite sont en effet nécessaires, mais les dernières années ont montré des tendances positives, avec une meilleure compréhension et une plus grande prise de conscience de la complexité de la question de l’eau s’installant peu à peu.

Regardez la session dans son intégralité:

Hydrodiplomatie: La ministre Kumbaro Furxhi partage l’expérience de l’Albanie avec le Parc National de la Vjosa

2 semaines après la déclaration historique du gouvernement albanais de faire de la rivière Vjosa un parc national, The Bridge Tank et Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves ont eu l’honneur d’accueillir Mirela Kumbaro Furxhi, Ministre du Tourisme et de l’Environnement de la République d’Albanie, lors de notre side event sur l’hydro-diplomatie organisé dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur l’Eau 2023, le 23 mars. Retrouvez la vidéo de l’intervention de Madame la ministre dans son intégralité en bas de page.

Ce fut l’occasion pour les deux organisations, représentées par leurs présidents respectifs Joël Ruet, économiste à l’Institut de l’innovation interdisciplinaire du CNRS et Erik Orsenna, membre de l’Académie française, de recueillir des informations sur la rivière Vjosa – le premier parc national de rivière sauvage en Europe.

La session intitulée « Vers une hydro-diplomatie inclusive, préventive et positive » (Towards an inclusive, pre-emptive, and positive hydro-diplomacy) avait pour objectif d’étendre la discussion et la pratique de l’hydro-diplomatie à un public plus large et à y inclure une plus grande diversité de parties prenantes. Dans ce contexte d’une hydro-diplomatie élargie et renouvelée, l’expérience unique de l’Albanie avec la rivière Vjosa est un cas qui mérite une attention toute particulière. En présentant la ministre Kumbaro Furxhi au public du side event, Joël Ruet a partagé une expérience personnelle vécue en septembre 2022 liée au contexte climatique en Albanie, lorsqu’en l’espace de 3 semaines, il avait constaté un changement radical de la météo, passant de la sécheresse à des pluies torrentielles.

Avant de donner la parole à la ministre Kumbaro Furxhi, Erik Orsenna a évoqué son propre engagement de longue date en faveur de l’avenir des grands fleuves, qu’il considère non pas comme une matière première, comme l’eau, mais comme des êtres vivants et des personnages dont l’histoire peut être racontée.

L’approche albanaise

Après avoir remercié le panel de lui permettre de s’exprimer en français, une langue qu’elle affectionne, Madame la ministre a commencé par présenter la combinaison peu commune qui constitue son portefeuille ministériel, alliant le tourisme et l’environnement. Bien que cette alliance puisse paraître hostile, elle est en réalité le résultat d’une volonté du gouvernement albanais de vouloir éviter cette hostilité et de trouver un équilibre entre les deux secteurs qui constituent deux priorités pour l’Albanie : le développement du tourisme, un tourisme responsable et durable, et la protection de l’environnement.

L’Albanie, bien qu’étant un pays de petite taille, est très riche en reliefs, montagnes, forêts et rivières avec un littoral le long de la mer Adriatique s’étendant entre le Monténégro et la Grèce. Le rôle de rivières est tout particulier pour l’Albanie, avec 100% de la production électrique provenant des centrales hydroélectriques. Cette dépendance des centrales hydroélectriques rend le pays également dépendant des caprices de la météo, comme l’a souligné Madame la ministre. Bien que l’Albanie ne soit pas un grand pollueur, le pays est victime du changement climatique, alternant entre longues périodes de sécheresse et du risque d’inondations quand les pluies y sont trop violentes.

La Vjosa – un trésor à préserver

Sa richesse en ressources hydriques fait de l’Albanie le deuxième pays le plus riche d’Europe en matière de ressources hydriques par habitant. Parmi ces richesses se trouve la dernière rivière sauvage d’Europe : la Vjosa. Le fait que la Vjosa soit la dernière rivière sauvage d’Europe soulève toutefois de nombreuses questions a noté Madame la ministre, en particulier les raisons derrière cette disparition des rivières dans leur état sauvage à travers l’Europe. Une telle réflexion permettrait d’expliquer l’engouement et la pression internationale depuis bientôt 10 ans afin de sauver la dernière rivière sauvage d’Europe.

Selon la Ministre Kumbaro Furxhi, il s’agit là d’une question de maturité et d’émancipation de la société civile, des ONG environnementales, des communautés locales, et des politiciens. Cette maturation a résulté en 2021 à la décision du gouvernement albanais de protéger la dernière rivière sauvage d’Europe.

La Vjosa prend sa source dans le massif montagneux du Pinde en Grèce. Son cours parcourt d’abord la Grèce sur 70 kilomètres avant de traverser la frontière et de poursuivre sur 200 kilomètre à travers l’Albanie, avant de se jeter dans la mer adriatique. La Vjosa dispose de trois tributaires dans le sud de l’Albanie – une région qui constitue un laboratoire naturel vivant avec un riche écosystème. Ce n’est pas seulement un laboratoire de la faune et de la flore « mais également de l’âme humaine », des albanais qui habitent cette région depuis des siècles et qui font partie de cette biodiversité, a insisté la ministre.

De cette perspective est née l’idée d’allier le développement durable et un tourisme responsable qui « ne serait pas que de la mer et du sable » mais plutôt une découverte de la nature, de la richesse environnante, visant à la sauvegarder en faisant profiter les communautés et l’économie locale. Cette approche consiste donc également à développer d’autres formes de tourisme telles que « l’écotourisme, le tourisme d’aventure, les randonnées de montagne, et l’agrotourisme, » un phénomène en croissance en Albanie permettant à des agriculteurs et producteurs de transformer des produits locaux en offre touristique.

Pour permettre cela, l’Albanie a déjà étendu les aires protégées de 17% à 21,3% du territoire et s’est engagé lors du sommet de Montréal, lors de la COP15 Biodiversité en 2022 à atteindre 30% d’ici 2030. Selon Madame la ministre, il s’agit là d’un engagement courageux et couteux, qui ne mènera pas à un profit immédiat mais qui s’engage sur une vision plus mature sur le long terme, préparant les décennies et siècles à venir.

La récente proclamation de la rivière Vjosa en tant que parc national a constitué la première étape de ce projet, réalisé en partenariat avec des ONG et experts internationaux, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et Patagonia, une société américaine. La deuxième étape a déjà commencé, puisque les négociations avec le gouvernement grec visent à étendre le parc au-delà de la frontière et à combiner Aóos, la partie grecque de la rivière, et Vjosa, la partie albanaise, afin de créer conjointement le premier parc transfrontalier. La prochaine étape consistera à élaborer un plan de gestion commun.

En conclusion, la ministre Kumbaro Furxhi a adressé une invitation à se rendre en Albanie pour visiter la rivière, car le gouvernement, en coopération avec l’UNESCO, a commencé les préparatifs pour le processus d’inscription de la rivière Vjosa sur la liste du patrimoine mondial naturel de l’UNESCO.

Le side event “Towards an inclusive, pre-emptive, and positive hydro-diplomacy” a été coorganisé par The Bridge Tank et Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves, en partenariat avec le Partenariat Français pour l’Eau, le Geneva Water Hub, IHE Delft, le Réseau International des Organismes de Bassin, la Chair Technology for Change, & APCO Worldwide, qui a accueilli l’événement.

La vidéo de l’intervention de Mirela Kumbaro Furxhi dans son intégralité:

Conférence des Nations Unies sur l’Eau : L’hydro-diplomatie à l’honneur d’un side event organisé par The Bridge Tank & l’IAGF

Le 23 mars, deuxième jour de la Conférence des Nations unies sur l’eau 2023 à New York, The Bridge Tank et Initiatives pour l’avenir des grands fleuves (IAGF) ont coorganisé un side event officiel sur l’hydro-diplomatie intitulé « Towards an inclusive, pre-emptive, and positive hydro-diplomacy » (Vers une hydro-diplomatie inclusive, préventive et positive). Les organisations partenaires du side event incluaient notamment le Partenariat Français pour l’Eau, le Geneva Water Hub, IHE Delft, le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique, et APCO Worldwide, qui a accueilli la session.

La session animée par Joel RUET, Président, The Bridge Tank, et économiste à l’Institut interdisciplinaire de l’innovation i3t de l’École polytechnique a rassemblé un panel de décideurs politiques, de chercheurs et d’experts de renom comprenant :

  • Mirela KUMBARO FURXHI, Ministre du tourisme et de l’environnement, République d’Albanie
  • Erik ORSENNA, Président, Initiative pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF), Membre de l’Académie française
  • Christian BRETHAUT, Directeur scientifique, Geneva Water Hub (GWH), Observatoire mondial pour l’eau et de la paix (OMEP)
  • Marie-Laure VERCAMBRE, Directrice générale, Partenariat français pour l’eau
  • Alyssa OFFUTT, Chercheuse, Institut IHE Delft pour l’éducation relative à l’eau
  • Clémence AUBERT, Responsable du département Pilotage stratégique et Missions d’Intérêt Général, CNR (Compagnie Nationale du Rhône)
  • Suvi SOJAMO, Chercheuse, Institut finlandais pour l’environnement, et Conseillère principale, Water Cooperation and Peace – Finnish Water Way
 

Le panel s’est attaqué au sujet de l’hydro-diplomatie, s’appuyant sur l’engagement de longue date de The Bridge Tank sur cette question, un engagement qui avait déjà permis l’organisation d’un side event sur l’hydro-diplomatie en partenariat avec l’IAGF en mars 2022 lors du Forum mondial de l’eau à Dakar. Le 6 décembre 2022, The Bridge Tank avait ensuite convié un panel de haut niveau sur l’hydro-diplomatie à Paris, en marge du Sommet de l’ONU-Eau sur les eaux souterraines 2022 coordonné par l’UNESCO.

Ce side event, intitulé « Towards an inclusive, pre-emptive, and positive hydro-diplomacy » a exploré la diversité des initiatives, des outils, des mécanismes institutionnels et des conceptions de l’hydro-diplomatie qui sont développés à travers le monde et qui pourraient être mobilisés au sein d’une pratique élargie et renouvelée de l’hydro-diplomatie. Les exemples de la rivière Vjosa en Albanie et du Rhône en France, présentés respectivement par Madame la Ministre Kumbaro Furxhi et Clémence Aubert, ont fourni deux approches complémentaires de la gestion durable et multisectorielle des ressources en eau et des programmes de renaturation, l’une à travers un Parc National de Rivière Sauvage – le premier du genre en Europe – l’autre à travers les efforts de renaturation déployés par une entreprise.

La session visait à élargir la conversation et la pratique de l’hydro-diplomatie au-delà de la seule activité des diplomates, afin de la rendre plus inclusive. Les discussions ont donc porté sur la manière de relier la diplomatie officielle et la diplomatie parallèle, en intégrant la communauté scientifique et les praticiens de l’eau dans la diplomatie officielle, un principe mis en avant et promu par la Finlande dans son approche et sa pratique de l’hydro-diplomatie au fil des ans. En outre, les différentes contributions ont souligné le rôle central de la Convention sur l’eau en tant que fondement partagé et langage commun sur lequel construire de nouveaux cadres et accords de coopération dans le domaine de l’eau, comme l’a noté Alyssa Offutt de l’IHE Delft Institute for Water Education. Le développement des données, de la coopération et des outils représentent des facteurs contribuant à l’établissement d’une paix durable, comme l’illustre le travail du Geneva Water Hub.

L’industrie des services de l’eau est loin d’être exclue de ce processus ; elle a accompli une transformation environnementale notable, comme le montre le Partenariat français pour l’eau, qui constituait l’épine dorsale de la société civile de « l’équipe France » lors de la conférence.

En clôture de la session, Hamed SEMEGA, ancien haut-commissaire de l’Organisation de mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), a annoncé le lancement de la Water for Peace Africa Foundation en partenariat avec The Bridge Tank, l’IAGF et les organismes de bassins fluviaux d’Afrique de l’Ouest. La fondation aura pour but de promouvoir une coopération entre tous les acteurs de la région et d’encourager le partage d’informations, de données et des bonnes pratiques afin de promouvoir la paix.

La vidéo de la session

Conférence des Nations Unies sur l’Eau : The Bridge Tank et l’IAGF organisent un side event sur la préservation du Massif du Fouta Djallon

La préservation du Massif du Fouta Djallon en Guinée, château d’eau de l’Afrique de l’Ouest abritant les sources des grands fleuves de la région, a réuni The Bridge Tank, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF), et l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), qui ont organisé ensemble un side event officiel de la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, le vendredi 24 mars, avec le soutien de la France et de la Guinée.

Ce massif forestier est plus que jamais en danger – menacé par les actions combinées des populations locales laissées pour compte par le mal-développement, d’un bétail nécessitant des pratiques plus résilientes, et des effets du changement climatique exigeant une adaptation agraire et sylvicole à portée de main. La présence de hauts dignitaires français et guinéens, dont Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française, et la directrice de cabinet d’Aly Seydouba Soumah, ministre de l’énergie, de hydraulique et des hydrocarbures, République de Guinée, ainsi que de hauts responsables d’organismes de bassin d’Afrique de l’Ouest, tels que Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée et Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger, et des acteurs du développement actifs sur le terrain ont fait de cette conférence une occasion unique de tirer la sonnette d’alarme et d’appeler à une action concertée pour la préservation du Massif du Fouta Djallon.

Erik Orsenna & Bérangère Couillard

Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie, France, a ouvert la session en soulignant l’importance de protéger le Fouta Djallon et les sources des grands fleuves d’Afrique de l’Ouest, et a rappelé à l’auditoire la place toute particulière de la France dans le développement de la gestion intégrée des ressources en eau.

Erik Orsenna, président de l’IAGF (Initiatives pour l’avenir des grands fleuves), a lancé un vibrant appel à l’action pour préserver ces écosystèmes forestiers qui fournissent en eau une région où vivent 300 millions d’habitants. Il a notamment souligné le rôle crucial des organisations de bassins fluviaux pour préserver la paix et développer la coopération transfrontalière, alors que la région est confrontée à un stress hydrique croissant.

Joel Ruet & Soufiana Dabo
Lionel Goujon
Abderahim Bireme Hamid

Représentant un organisme de bassin qui a contribué au développement et à la coopération en Afrique de l’Ouest, Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée, a présenté le contexte spécifique du Fouta Djallon et les risques pesant sur ses sources, de la déforestation à l’ensablement des cours d’eau, en passant par des pratiques agricoles obsolètes.

Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement a présenté les initiatives existantes et les actions déjà menées sur le terrain, notamment en partenariat avec les Organismes de Bassin de la région.

Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, a ensuite dévoilé une feuille de route de solutions pour sauvegarder le Fouta Djallon, incluant notamment la nécessité d’impliquer les jeunes entrepreneurs technologiques locaux, de former les populations locales, et de mobiliser la finance verte pour étendre les actions sur le terrain. Le secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger, M. Abderahim Bireme Hamid, a également souligné l’importance de mobiliser les populations locales avec leurs connaissances et solutions basées sur la nature.

Ce side event organisé dans l’enceinte du siège des Nations Unies était placé sous le haut patronage de la Guinée et de la France, et soutenu par l’Agence Française de Développement (AFD), le Partenariat Français pour l’Eau, le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), le Geneva Water Hub et la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique.

G20/Business 20: Deuxième réunion de la Task Force B20 Inde sur l’Énergie, le Changement Climatique et l’Efficacité des Ressources

La présence de The Bridge Tank à New Delhi, en Inde, dans le cadre du CII Partnership Summit 2023 du 13 au 15 mars, a permis à Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, de participer à la deuxième réunion de la Task Force B20 Inde sur l’Énergie, le Changement Climatique et l’Efficacité des Ressources (B20 India Task Force on Energy, Climate Change & Resource Efficiency). En tant que membre du groupe de travail, The Bridge Tank avait participé à sa première réunion lors de la Conférence de Lancement du groupe d’engagement Business 20 (B20) du G20, le 24 janvier 2023, à Gandhinagar, en Inde.

La deuxième réunion de la task force, qui s’est tenue le 15 mars, a soulevé trois questions essentielles : (1) l’accélération des transitions ‘zéro émission nette’, (2) une plus grande contribution globale de l’énergie verte, y compris de l’hydrogène et de l’ammoniac verts, et (3) un meilleur accès au financement pour ces transitions. Conformément à l’un des objectifs de la présidence indienne du G20, le groupe de travail a souligné l’importance d’inclure les pays en développement dans ces développements.

L’accent a notamment été mis sur le fait que, bien que des normes mondiales en matière d’ESR, des normes non financières ainsi qu’une impulsion technologique par le biais d’un soutien public soient nécessaires, certains pays bénéficient d’avantages en termes de coûts d’investissement que d’autres n’ont pas. Par conséquent, plus encore que le soutien en ressources humaines ou l’aide au transfert de technologie, il est nécessaire d’instaurer des conditions de concurrence équitables sur le plan financier afin d’inclure les pays en développement, comme l’ont souligné certains membres de la task force, dont The Bridge Tank. Tout en recommandant que les banques multilatérales de développement et les fonds privés prennent ce problème au sérieux, une partie du débat a été consacrée à l’idée de concentrer l’argent public sur la réduction des risques et, selon The Bridge Tank, d’impliquer les écosystèmes financiers locaux, nationaux et régionaux dans ces projets ainsi dérisqués.

De plus, si l’on va au-delà des solutions uniquement adaptées aux pays du G20 – comme la présidence indienne du G20 souhaite que celui-ci prenne en compte les problèmes de l’Afrique par exemple – un débat s’ouvre alors sur l’inégalité des capacités en matière de collecte et traitement de données à travers le monde, qui s’ajoute à l’inégalité des coûts du capital. Il s’agit là d’une ligne de contribution que nous continuerons à intégrer dans le groupe de travail d’ici à sa troisième réunion en avril et à sa réunion finale en juin.

Les discussions et le feedback entre la première et la deuxième réunion de la task force ont soulevé de nombreuses autres questions, notamment l’établissement de normes mondiales pour l’hydrogène, l’évaluation du cycle de vie et du champ d’application des produits recyclables, l’établissement de dispositions pour les transactions nationales et internationales sur le carbone et la facilitation de l’accès au financement et à la technologie. En outre, il est primordial d’inclure et de reconnaître le rôle que les micro, petites et moyennes entreprises ont à jouer. Comme l’ont fait remarquer certains membres de la task force, des résultats et des actions clairs sont nécessaires, car le coût de l’inaction en matière d’adaptation au changement climatique serait désastreux, notamment pour les régions côtières.

La réunion a été convoquée par quelques-uns des principaux dirigeants de l’industrie indienne :

  • M. Sajjan Jindal, Président directeur général, Groupe JSW – président de la task force
  • M. Vineet Mittal, Président, Groupe Avaada – vice-président de la task force
  • M. T V Narendran, Directeur général, Tata Steel – vice-président de la task force
  • M. Christian Cahn von Seelen, Membre du comité exécutif de Volskwagen – vice-président de la task force
  • M. Jean-Pierre Clamadieu, Président du conseil d’administration, ENGIE – vice-président de la task force (représenté par son chef de cabinet)

G20-Business20-CII Partnership Summit 2023: The Bridge Tank participe à un panel sur les chaînes d’approvisionnement durables

En ce dernier jour du CII Partnership Summit 2023 à New Delhi, en Inde, Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, a participé à une session sur le thème « Building Resource Efficient & Resilient Green Supply Chains » (Comment créer des chaînes d’approvisionnement vertes, résilientes et efficaces en termes de ressources).

La 28e édition du sommet organisé par la Confédération de l’industrie indienne (CII) du 13 au 15 mars 2023 et consacré aux questions de commerce international, d’économie, de compétitivité, de durabilité et de technologie a été placée sous le thème “Partnerships for Responsible, Accelerated, Innovative, Sustainable, and Equitable Businesses” (Partenariats pour des entreprises responsables, dynamiques, innovantes, durables et équitables).

Ce sommet intervient alors que la CII assure le secrétariat du B20 (Business 20) durant la présidence indienne du G20 en 2023. The Bridge Tank, représenté par son président Joël Ruet, a été invité par la CII à participer aux débats à New Delhi.

Le 15 mars, Joël Ruet a ainsi participé aux côtés du Dr Martin Keller, Directeur de Laboratoire et Alliance President, National Renewable Energy Laboratory (NREL, Laboratoire national sur les énergies renouvelables), et de M. Ashwani Kumar, PDG du groupe Suzlon, à une table ronde animée par M. Christian Cahn von Seelen, membre du conseil d’administration et directeur exécutif de Volkswagen Group Sales India. Cette session s’est penchée sur la question des chaînes d’approvisionnement et le défi de rendre ces dernières plus vertes, résilientes, et efficientes en termes de ressources.

Dr Martin Keller
Christian Cahn von Seelen
Ashwani Kumar

Au cours des échanges, Joël Ruet a fait remarquer que les chaînes d’approvisionnement d’un « monde stabilisé » avaient besoin d’être optimisées. Toutefois, les temps d’incertitude et d’instabilité actuels ont révélé un réel besoin de diversifier les chaînes d’approvisionnement et de rechercher de nouvelles options avec différents pays, secteurs et technologies.

Cet état des lieux a été partagé par M. Martin Keller, qui a souligné la nécessité de créer des synergies mondiales pour diversifier les chaînes d’approvisionnement, en particulier en ce qui concerne la disponibilité des matières premières, les capacités de production, l’adoption d’énergies propres, l’économie circulaire et les compétences vertes.

M. Cahn von Seelen et M. Kumar ont quant à eux insisté sur le rôle des énergies renouvelables dans ces chaînes d’approvisionnement résilientes. M. Cahn von Seelen a notamment mentionné l’importance actuelle de développer des chaînes d’approvisionnement en énergie renouvelable pour remplacer le pétrole. L’exemple offert par l’Europe, qui a entièrement modifié son mix énergétique en l’espace d’un an à la suite de l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, a montré que des changements radicaux étaient possibles.

M. Kumar a ajouté à cela qu’il ne s’agissait pas seulement de s’intéresser à la part de la consommation d’énergie qui est verte, mais aussi au degré de verdissement du kilowattheure généré. Un tel processus doit commencer dès le stade de la recherche et du développement, afin de maximiser les rendements et d’apporter une contribution essentielle aux chaînes d’approvisionnement vertes.

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