Catégorie : Finance Verte

Accélérer les ODD et débloquer de nouveaux modèles d’engagement à mi-course de l’Agenda 2030

En amont de la Conférence des Nations unies sur les Objectifs de développement durable, Joel Ruet s’est joint à une table ronde animée par notre board member Judit Arenas dédiée à mettre en lumière de nouveaux modèles d’engagement transformateurs pouvant contribuer à accélérer la mise en œuvre et la réalisation des ODD de l’ONU.

Organisée le 14 juillet par APCO Worldwide et EY et présidée par Judit Arenas, directrice d’APCO Worldwide, les échanges ont porté sur les moyens d’accélérer les efforts pour atteindre les objectifs fixés par les ODD. L’Agenda 2030 étant arrivé à mi-parcours, la réunion a permis d’aborder les opportunités et les lacunes existantes dans la poursuite des ODD. Comment intégrer et mobiliser au mieux les parties prenantes dans tous les secteurs, favoriser un dialogue transformateur, obtenir des consensus et explorer de nouveaux modes d’engagement – tant de sujets qui ont rythmé les échanges.

Joel Ruet a ainsi partagé la perspective de The Bridge Tank et l’expérience accumulée en la matière au fil des ans. Se concentrant sur le continent africain, Joel Ruet a noté que grâce au soutien du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), un nombre croissant d’Etats avaient développé des stratégies de financement intégrées pour la réalisation des ODD. L’un des grands défis de notre temps est donc de savoir comment réaliser au mieux ces stratégies et mobiliser des financements internationaux.

Deux points sont à souligner ici:

  • Les programmes devront être élaborés sur la base de portefeuilles de projets ou de pré-projets. Cette logique d’origination des projets au niveau national assure un niveau de cohérence et d’homogénéité pour chaque pays. Aucune coordination internationale plus large n’est nécessaire à cet effet. Au contraire, cette approche garantit une plus grande lisibilité des programmes et des portefeuilles de projets. Elle s’appuie sur la science, les bonnes pratiques, les savoir-faire et les technologies, en particulier pour les ODD ayant une composante technique plus importante (par exemple, la gestion des ressources en eau, les sols et les terres, les énergies renouvelables). La communauté internationale et les banques panafricaines de développement financent et exploitent ces outils depuis des années dans la formulation de ces programmes.
  • Il est essentiel d’impliquer les institutions financières locales, sous-régionales et panafricaines dans les montages financiers qui en résultent. Une fois que les portefeuilles de projets et les programmes ont été dé-risqués par la communauté internationale, fournissant un degré d’assurance pour les programmes, ces derniers deviennent rentables. Il est donc nécessaire d’intégrer les institutions financières régionales dans leur financement. Cela garantit une plus grande égalité, l’accès à la rentabilité et le renforcement des capacités des institutions financières du Sud. Ce renforcement des capacités n’est pas en premier lieu institutionnel et organisationnel, mais se réalise à travers des actions concrètes.

La réunion s’est déroulée selon les règles de Chatham House. Elle a rassemblé des hauts responsables du secteur privé, des décideurs politiques, des chercheurs, universitaires, des organisations de la société civile et des membres de diverses organisations internationales et associations professionnelles.

FRANCE CULTURE – Crédits carbone des forêts tropicales d’Afrique : crise ou Eldorado ?

Dans la continuité des travaux de The Bridge Tank sur la finance verte et de notre investissement dans le cadre du G20 pour une nécessaire implication des organismes financiers du Sud dans la définition de cette dernière, Joël Ruet était l’invité du « Magazine du week-end » sur France Culture pour une émission dédiée aux crédits carbone dans la forêt tropicale en Afrique.

Alors que les projets de compensation carbone sur la base d’efforts de conservation des forêts se multiplient, l’efficacité de ces nouveaux mécanismes financiers est aujourd’hui remise en question. L’émission était l’occasion pour Joël Ruet d’échanger avec Alain Karsenty, Chercheur au Département « Environnements et Sociétés » du CIRAD et Wannes Hubau, Ingénieur biologiste spécialisé dans les forêts tropicales, professeur à l’université de Gand, sur les limites et opportunités de ces modèles de financement climat innovants.

Au micro de Marguerite Catton, Joël Ruet a introduit les grands défis rencontrés aujourd’hui dans la structuration d’outils de finance verte:

« Il y a une finance verte qui est en cours de structuration, qui est nécessaire mais qui n’existe pas, ce qui est le lieu de tous les dangers d’appropriation et d’expropriation. D’autre part, cette finance verte doit à la fois couvrir la finance pour le climat, pour le développement durable et pour la biodiversité. Il y a donc 3 finances qui n’existent pas, qui doivent se définir, se codéfinir simultanément, avec des parties prenantes très disparates : les populations, les états du Sud, les organismes du Nord, et les pouvoirs financiers du Nord. »

Dans ce contexte, les forêts tropicales africaines génèrent un intérêt tout particulier pour des projets de compensation carbone. Souvent décrites comme les poumons de la planète, ces forêts jouent un rôle clé dans la séquestration du carbone et constituent de fait des puits de carbone importants qu’il s’agit aujourd’hui de conserver. Les projets de compensation carbone sur la base d’actifs forestiers offrent ainsi une finance d’un nouveau genre,

« une finance qui ne va plus être dans les ordinateurs de Wall Street ou de la city mais géolocalisée dans des endroits où les gens vivent, où les états souverains essaient d’être souverains sur le plan économique. »

La structuration d’actifs financiers sur la base de la capacité de ces forêts à capter et séquestrer du carbone dépend toutefois de certaines conditions, comme a pu le noter Alain Karsenty, Chercheur au Département « Environnements et Sociétés » du CIRAD.

« Ce n’est pas parce qu’un pays a une forêt qui absorbe du CO2 qu’il peut vendre des crédits carbone, l’absorption doit être additionnelle. Il faut qu’un pays puisse démontrer qu’il a pris des mesures pour réduire la déforestation par rapport à un scénario de référence. »

Prenant l’exemple du Gabon, Joël Ruet a souligné les nécessaires arbitrages politiques à l’incorporation de la forêt tropicale dans la CDN du pays. Il s’agit en premier lieu de différencier ce qui relève du don de la nature d’une part et des efforts de protection consentis dans le puits de carbone actuel de l’autre, ainsi que de modéliser l’avenir, une tâche difficile tant l’incertitude est quasi-entière sur la réaction des forêts au changement climatique en cours.

Si la forêt gabonaise absorbe aujourd’hui 100 millions de tonne de CO2, le simple maintien d’une telle capacité d’absorption à l’horizon 2050 nécessitera des efforts de conservation et de non-déforestation importants. Ceux-ci impliquent des mesures inconditionnelles et d’autres conditionnelles au financement international.

La dichotomie entre eldorado & crise des crédits carbone émane donc également de l’incertitude autour du périmètre ainsi que de la durabilité du sous-jacent: de sa stabilité biologique dans le temps, des modèles scientifiques sur lesquels ces mécanismes de compensation reposent, et de la sincérité des mesures et certifications par des acteurs privés intéressés au résultat.

Selon Wannes Hubau, ingénieur biologiste spécialisé dans les forêts tropicales, professeur à l’université de Gand, l’augmentation de la concentration de carbone dans l’atmosphère affecte directement la forêt:

« avant les émissions de CO2 les forêts matures étaient en équilibre avec l’atmosphère donc il y avait du carbone séquestré par les arbres qui poussent et dégagé par les arbres qui meurent, mais maintenant on a découvert que cette pratique libre n’existe plus. A cause d’une fertilisation du CO2 il y a plus de croissance et donc plus de carbone capturé que de carbone qui échappe alors les forêts sont devenues un puits de carbone. »

De nombreux défis d’inclusivité et de justice sociale subsistent encore pour ce marché encore balbutiant,

« c’est un marché relativement jeune. Il faudra encore améliorer les réglementations pour que les fonds arrivent vraiment aux villages où se trouvent les gens qui protègent la forêt. »

Alain Karsenty pointe également du doigt les questions de crédibilité, d’efficacité et d’intégrité environnementale de ces compensations carbone.

« Tout est basé sur un scénario de référence. Cela peut être le passé, en comparant avec les niveaux de déforestation dans le passé […] ou alors un scénario business as usual, avec une déforestation augmentant dans des proportions prédéfinies pour répondre à des besoins de développement et de population qui augmente. Or ces scénarios sont à la main de ceux qui les produisent, c’est-à-dire les gens qui élaborent des projets, ou les états qui élaborent leurs scénarios de référence. On ne peut pas les contester et ces scénarios impliquent souvent de fortes augmentations de déforestation. […] Il y a un problème de crédibilité majeur du point de vue de l’intégrité environnementale de ces mécanismes. »

De Davos à New York: The Bridge Tank continue ses recherches sur la finance bleue

La présence de The Bridge Tank à Davos, en Suisse, lors du Forum économique mondial 2023 et notre participation à la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023 à New York ont constitué deux jalons importants dans nos recherches sur la finance bleue et les outils financiers innovants en soutien à l’hydro-diplomatie. Ceci intervient quelques semaines après le lancement de la World Water for Peace Conference.

Le 19 janvier 2023, la promotion de la coopération transfrontalière en matière de ressources hydriques a élu domicile à la House of Switzerland à Davos. Représenté par son président, Joël Ruet, et Raphaël Schoentgen, board member, The Bridge Tank y a participé à un événement intitulé Innovative Impact Investing through Blue Peace Bond (Investissement à impact innovant grâce au Blue Peace Bond) co-organisé par le Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU/UNCDF) et la Direction du développement et de la coopération suisse (DDC). Deux mois plus tard, le 23 mars, The Bridge Tank a participé à une seconde session sur ce même sujet au siège des Nations Unies à New York lors de la conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, en présence de Joël Ruet et de Cédric Terrasson, rédacteur et analyste junior.

Ces deux sessions ont permis de présenter la vision et la structure de la Blue Peace Financing Initiative, un nouveau programme de financement bleu visant à utiliser l’eau et les fleuves transfrontaliers comme point d’entrée pour la consolidation de la paix et le développement socio-économique. Le programme contribuera à développer et à soutenir financièrement des cadres de coopération multisectorielle afin de promouvoir une cogestion durable et intégrée des fleuves transfrontaliers et des ressources en eau. Blue Peace viendra en appui du développement de ces cadres de coopération et des plans d’investissement qui leur sont associés en émettant des obligations Blue Peace qui faciliteront l’accès aux capitaux publics et privés.

Ceci est d’un grand intérêt pour les organismes de bassins versant (OBV) du monde entier. Le projet pilote pour lequel le premier Blue Peace Bond sera émis en 2023 a ainsi été développé en soutien à un organisme de bassin versant d’Afrique de l’Ouest, à savoir l’Organisation pour la mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG).

Investir dans l’Eau pour la Paix et le Développement

Conformément aux objectifs de développement durable des Nations unies, l’initiative Blue Peace vise à fournir un accès aux services liés à l’eau qui soit à la fois abordable, inclusif et sûr afin de garantir la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable et le développement des énergies vertes.

Patricia Danzi

Le programme est fondé sur l’idée que l’eau peut être un vecteur de paix, de coopération et de développement socio-économique. Blue Peace encourage ainsi une gestion intégrée plus équitable, durable et apaisée des ressources en eau transfrontalières.

La session de Davos a été ouverte par Patricia Danzi, Ambassadrice, Directrice générale de la DDC, et modérée par Christian Frutiger, Ambassadeur, Directeur général adjoint de la DDC, qui a donné la parole aux intervenants suivants :

  • Jaffer Machano, Global Program Manager, FENU/UNCDF
  • Rukan Manaz, Program Specialist, Blue Peace Financing, FENU/UNCDF
  • Hans-Ruedi Mosberger, Responsable de la gestion des actifs et du développement durable, Association suisse des banquiers (ASB)
  • Matus Samel, Directeur de recherche, Economist Impact
Christian Frutiger
Rukan Manaz & Jaffer Machano
Hans-Ruedi Mosberger

Lors de la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, la session a été inaugurée par Mourad Wahba, Responsable du FENU, et a bénéficié des contributions des intervenants suivants :

  • Daouda Samba Sow, Secrétaire Général, OMVG
  • Rohey John Manjang, Ministre de l’environnement, du changement climatique et des ressources naturelles, Gambie,
  • Usha Rao-Monari, Secrétaire générale adjointe et administratrice associée, Programme des Nations unies pour le développement (PNUD),
  • Benjamin Powell, Responsable du marché de la dette durable, Skandinaviska Enskilda Banken (SEB),
  • Tania Rödiger-Vorwerk, Directrice générale adjointe, ministère fédéral de la coopération économique et du développement (BMZ), Allemagne,
  • Marjeta Jager, Directrice générale adjointe, DG INTPA, Commission européenne
  • Douglas R. Eger, Président-directeur général, Intrinsic Exchange Group.
Le soutien aux OBV pour un changement durable

Représentant le FENU, Jaffer Machano et Rukan Manaz ont présenté au public de Davos l’approche et la structure de la Blue Peace Financing Initiative. La pression sur les ressources en eau étant devenue l’un des grands défis de notre temps, l’eau est aujourd’hui une source de tension et de conflit dans de nombreuses régions du monde. L’ambition de Blue Peace est de mettre fin à cette mauvaise dynamique et de faire de cette question controversée un point d’entrée pour la coopération et le développement durable.

L’objectif et la mission de Blue Peace sont de générer et de soutenir des initiatives de coopération dans le domaine de l’eau et de développer une compréhension commune de la gestion des ressources en eau transfrontalières en encourageant la prise de décision fondée sur les données. Pour atteindre cet objectif, Blue Peace soutient les entités locales et régionales non-souveraines chargées de la gestion de l’eau, telles que les organismes de bassins versant.

Le soutien de Blue Peace s’articule autour de deux activités essentielles :

  1. Le renforcement des capacités et le développement technique ;
  2. Faciliter l’accès aux capitaux publics et privés par le biais d’un outil financier innovant, à savoir les Blue Peace Bonds.

Le projet pilote de l’initiative de financement Blue Peace en est le meilleur exemple.

Un projet pilote en Afrique de l’Ouest : l’Organisation pour la mise en valeur du bassin du fleuve Gambie (OMVG)
1. Renforcement des capacités et assistance technique

L’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG) est un OBV qui assure la cogestion et le développement du bassin du fleuve Gambie. L’organisation comprend quatre États membres, allant des sources au delta du fleuve Gambie : Guinée, Guinée-Bissau, Sénégal et Gambie.

En décembre 2019, l’OMVG et le FENU ont signé un partenariat de collaboration entre les deux organisations. Le Conseil des ministres de l’OMVG a ensuite publié une résolution (Nr.13/CM/45/B/G) donnant le feu vert à l’élaboration du « Plan directeur de développement intégré de l’OMVG, qui servira de base au plan d’investissement conjoint de l’OMVG« . Un tel plan directeur englobe des projets aussi divers que le développement de l’hydroélectricité, de l’accès à l’eau potable, des parcs naturels, de l’irrigation des terres agricoles ou encore des systèmes de transport et de navigation.

Il s’agit là de la première étape de Blue Peace. L’assistance technique et le renforcement des capacités institutionnelles soutiennent l’élaboration de ce plan directeur multisectoriel, offrant une perspective de développement à long terme mise en œuvre par le plan d’investissement conjoint.

2. Faciliter l’accès aux capitaux

Dans la deuxième phase de la Blue Peace Financing Initiative, le partenariat entre l’OMVG et le FENU permet de doter « l’OMVG des outils adéquats pour développer des mécanismes de financement innovants qui lui permettront d’accéder directement aux marchés financiers par le biais de l’émission d’obligations ». Afin de développer et d’atteindre les objectifs du plan directeur et du programme d’investissement commun, l’entité régionale sous-souveraine (dans ce cas, l’OMVG, une organisation multiétatique) émettra une obligation Blue Peace afin de mobiliser des capitaux. Cela se fera par l’intermédiaire d’un Fonds Commun de Créances (FCC) (Special-purpose Vehicle, SPV) créé et contrôlé par l’organisme de bassin, qui est chargé de la gestion et de la mise en œuvre du plan d’investissement.

En s’appuyant sur le plan directeur pour le développement intégré, « l’approche portefeuille » des Blue Peace Bonds permet de combiner de grands projets d’infrastructure qui génèrent des revenus avec des projets plus petits, mais tout aussi importants, qui dépendent davantage des subventions. Cette diversification et ces subventions croisées offertes par les obligations Blue Peace permettent de dérisquer les investissements tout en acheminant des fonds vers des projets plus modestes.

Les partenaires financiers de Blue Peace soutiennent l’obligation Blue Peace en mobilisant les banques et les investisseurs, tout en contribuant à dérisquer l’obligation. Le FCC est chargé de rembourser intérêts et principal grâce aux revenus générés par les projets. En 2023, la première phase de mobilisation de capitaux couvrira entre 500 et 750 millions USD, avec une perspective de 2 milliards USD dans les années à venir.

Les futurs projets Blue Peace

Le Blue Peace Index est un outil qui jouera un rôle important dans le soutien de l’initiative de financement Blue Peace. Matus Samel, directeur de recherche chez Economist Impact, décrit l’indice comme un outil mesurant le degré auquel les pays et les bassins gèrent leurs ressources en eau transfrontalières de manière durable, équitable et collaborative.

L’indice analyse 74 indicateurs qualitatifs et quantitatifs dans cinq domaines :

  • Cadres politiques et juridiques – développement des cadres législatifs et réglementaires au niveau national et au niveau des bassins
  • Institutions et participation – dispositifs institutionnels existants pour la coopération intersectorielle, le renforcement des capacités et la mise en commun de données.
  • Instruments de gestion de l’eau – mise en œuvre des mécanismes de gestion de l’eau
  • Infrastructures et financement – mise en œuvre d’investissements durables dans la gestion de l’eau
  • Contexte de coopération – exposition aux principaux moteurs et facteurs de risque pour la paix

L’indice fournit une vue d’ensemble de l’environnement favorable au financement et à l’investissement dans la gestion des eaux transfrontalières. L’évaluation de l’état de préparation à l’initiative de financement Blue Peace encouragera les investissements adéquats en aidant à identifier les acteurs à soutenir.

Matus Samel
Attirer les investisseurs pour Blue Peace

Comme l’a fait remarquer Hans-Ruedi Mosberger, responsable de la gestion d’actifs et du développement durable à l’Association suisse des banquiers, le Blue Peace Bond a l’avantage d’avoir été conçu en prenant en compte le point de vue des investisseurs.

M. Mosberger a souligné que les investisseurs n’aiment pas les investissements ponctuels, préférant les projets évolutifs et réplicables qui créent un historique dérisquant l’investissement. La diversification offerte par l’approche portefeuille et le financement croisé de Blue Peace qui s’appuie sur le plan directeur pour le développement intégré contribue à l’amélioration du rapport risque-rendement.

La structure de financement de Blue Peace est un mécanisme prometteur impliquant un financement mixte, c’est-à-dire l’utilisation de fonds publics pour générer une dynamique qui permettra ensuite de lever des capitaux privés, et des obligations non souveraines pour produire un impact positif par le biais de l’eau et des fleuves transfrontaliers.

Comme l’ont toutefois souligné les interventions de M. Ruet et M. Schoentgen lors de la séance de questions-réponses à Davos, cette coopération Sud-Nord ne doit pas seulement impliquer les institutions financières du Nord, mais doit aussi intégrer les institutions financières et les prestataires de services du Sud, afin de permettre à ces derniers de développer leur propre écosystème financier et d’en tirer parti.

Raphael Schoentgen
Joel Ruet

The Bridge Tank s’associe aux Rencontres Technology for Change 2023 de l’École Polytechnique

Du 4 au 6 avril 2023 ont eu lieu à Paris les Rencontres Technology for Change, organisées par la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique. Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, est intervenu lors de la Conférence d’Ouverture, le 4 avril, dans le cadre d’une session sur la question de l’accès à l’eau et de la préservation des ressources en eau comme enjeu de développement durable.

Les Rencontres Technology for Change ont pour mission d’établir un état des lieux des liens entre technologie, société et industrie afin d’explorer différentes approches et perspectives pour un développement et une innovation technologique contribuant à un monde plus durable et inclusif. En ouverture de la Conférence s’est tenue le 4 avril dans l’enceinte du Collège de France une session intitulée « Accès à l’eau : gestion et préservation – Quelles sont les stratégies actuelles et les challenges à relever pour placer l’eau au centre des problématiques de développement durable ? », autour de:

  • Pilar Acosta – Professeure en Science de gestion, École polytechnique, IP Paris
  • Joël Ruet – Économiste, Chercheur CNRS, École polytechnique, IP Paris & Président, The Bridge Tank
  • Marie-Laure Vercambre – Directrice générale, Partenariat Français pour l’Eau

La session a abordé les grandes questions et enjeux de l’eau dans le monde actuel: quelles sont les stratégies actuelles en gestion de l’accès à l’eau ? en préservation de l’accès à l’eau ? Qu’en est-il au niveau international ?
Comment placer l’eau au centre des problématiques de développement durable ? Dans quelle mesure la technologie est-elle un levier pour relever ces défis?

Marie-Laure Vercambre a ainsi rappelé le contexte de crise mondiale de l’eau, avec une demande qui va continuer à croître de 1% par an jusqu’en 2050. L’Agenda 2030 et l’objectif 6 des ODD de l’ONU résument les nombreux défis dans la gestion et la conservation de l’eau douce: accès à l’eau potable, assainissement, qualité de l’eau, utilisation rationnelle, gestion intégrée des ressources en eau, enjeux transfrontaliers, gouvernance, préservation des écosystèmes, etc. La transversalité des enjeux de l’eau présente un défi de taille dus aux approches en silo des différents utilisateurs. Une telle approche n’est pas appropriée pour la gestion d’un bien commun mais est difficile à infléchir. Joël Ruet a quant à lui souligné que l’organisation des pratiques devait se faire sur 3 axes: 1) optimisation de la ressource, 2) préservation/conservation en considérant l’eau et ses écosystèmes, 3) renaturation.

La technologie est un levier important pour relever ces nombreux défis: transport d’eau, dessalement, traitement de l’eau, ou réutilisation. Répondre à ces enjeux nécessite également plus de données spatio-temporelles, pour lesquels des outils technologiques sont nécessaires. Joël Ruet a ainsi également rappelé l’importance de préserver les têtes de sources des fleuves, un défi de taille puisque celles-ci se trouvent le plus souvent dans des zones plus reculées. Prenant l’exemple du Massif du Fouta Djalon en Guinée, une zone montagneuse menacée par les effets du changement climatique et la pression démographique, dans laquelle se trouve les sources de grands fleuves ouest-africains, Joël Ruet a illustré cette transversalité des actions nécessaires pour la préservation des ressources en eau. Celle-ci impacte les méthodes d’exploitation agricoles et forestières, d’agroforesterie, ainsi que le besoin de création de donnée locale. L’incubation de strartups locales est un terrain d’action intéressant pour soutenir le développement de cette technologie et de ces données nécessaires à l’action de conservation. Celles-ci pourront également être mobilisées pour des mécanismes de finance verte. Ces derniers ont besoin de données pour mesurer l’impact du changement transformationnel qu’ils visent à financer.

Massif du Fouta Djalon: Un plan d’action et un appel à la préservation lancé aux Nations Unies

Le Massif du Fouta Djalon – château d’eau de l’Afrique de l’Ouest – se meurt. Ce trésor de la nature abrite dans ses hauts plateaux forestiers en Guinée les sources des grands fleuves Sénégal, Gambie et Niger, abreuvant ainsi une région de près de 300 millions d’habitants. Face à l’urgence de la menace qui pèse sur les écosystèmes fragilisés du Fouta Djalon, The Bridge Tank, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) et l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) ont uni leurs forces pour alerter la communauté internationale et présenter un plan d’action lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Eau 2023 à New York.

Le 24 mars, The Bridge Tank, IAGF, et l’OMVS ont organisé dans l’enceinte du siège de l’ONU un side event officiel sur le thème « Le Fouta Djalon: Visions & Actions pour la Sauvegarde du Chateau d’Eau de l’Afrique de l’Ouest » avec le soutien officiel de la France et de la Guinée, représentées respectivement par Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française et par la directrice de cabinet d’Aly Seydouba Soumah, Ministre de l’Énergie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures de la République de Guinée. Le side event a été organisé en partenariat avec l’Agence Française de Développement (AFD), le Partneriat Français pour l’Eau (PFE), le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), et le Geneva Water Hub.

Structure de la session:

  • Ouverture de la session par Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française, Erik Orsenna, Président, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) & membre de l’Académie française, et Joël Ruet, Président, The Bridge Tank
  • Présentation et état des lieux des défis dans le Fouta Djalon par Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée et Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger (ABN)
  • Le rôle des organismes de bassin et les actions en cours par Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement (AFD)
  • Un programme d’action et une discussion autour des solutions pour la sauvegarde du Fouta Djalon.

Retrouvez l’enregistrement de la session dans son intégralité sur notre chaîne YouTube.

Erik Orsenna, Bérangère Couillard & Joël Ruet
Bérangère Couillard
Ouverture de la session aux Nations Unies

Venant appuyer le soutien de la France pour ce side event onusien modéré par Sophie Gardette, Directrice, IAGF, Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française a ouvert la session par une allocution au panel.

Dans son intervention, la secrétaire d’État a introduit l’importance de préserver le massif du Fouta Djalon et son incroyable écosystème afin de protéger les grands fleuves d’Afrique de l’Ouest, soulignant au passage l’interdépendance entre la préservation des écosystèmes et la disponibilité en eau, tant en quantité qu’en qualité. Madame Couillard a également salué le travail des organismes de bassins de la sous-région, notamment l’OMVS, et leur rôle dans la gestion intégrée des ressources en eau au niveau des bassins transfrontaliers. Ce fut une occasion de rappeler à l’auditoire le rôle de la France dans le développement et la promotion de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) et d’encourager une approche multi-sectorielle, conciliant l’ensemble des acteurs puisant sur les ressources du Fouta Djalon et impactant ses écosystèmes. En conclusion, Madame Couillard a rappelé l’importance de la Convention des Nations Unies sur l’Eau et a salué le rôle précurseur du Sénégal et du Tchad, qui ont été les premiers pays hors-Europe à rejoindre la Convention.

Erik Orsenna
Bérangère Couillard & Joël Ruet
Erik Orsenna – Le cycle de l’eau et le cycle de la vie

En tant que co-hôte et co-organisateur de cet évènement, Erik Orsenna, Président des Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) & membre de l’Académie française, a lancé un appel à l’action afin de préserver les écosystèmes forestiers et fluviaux du Fouta Djalon. Face à la complexité et la diversité insaisissable de l’eau, « première de toutes les matières », M. Orsenna a insisté sur l’importance de recourir à des personnages concrets et des histoires pour communiquer les défis de la gestion et de la préservation des ressources en eau.

Les fleuves, et notamment les grands fleuves Sénégal, Gambie, et Niger dans le cas du Fouta Djalon, forment cette unité du vivant, ces personnages vivants dont l’histoire peut être racontée. Citant un de ses prédécesseurs à l’Académie française, Jacques-Yves Cousteau, M. Orsenna a noté que « le cycle de l’eau c’est le cycle de la vie. » La santé biologique, la santé économique et la santé sociale sont ainsi intimement liées.

Cette unité du cycle de l’eau et de la vie se retrouve également en Afrique: 60 % de l’eau potable consommée à Dakar et 100% de celle consommée à Nouakchott viennent du fleuve Sénégal. De plus, Erik Orsenna a fait l’expérience d’un autre théorème en se rendant sur les bords du Lac Tchad au Niger: « moins il y a d’eau dans le lac Tchad, plus il y a de terroristes ». « Et c’est pour ces deux raisons-là que nous avons décidé de lancer l’alerte sur le Fouta parce que le Fouta c’est la source de toute cette vie dans l’Ouest africain, » a conclu Erik Orsenna.

Joël Ruet – Expériences du terrain

Offrant un témoignage de son voyage dans le Fouta Djalon avec Hamed Semega, ancien haut-commissaire de l’OMVS, Joël Ruet, Président de The Bridge Tank & économiste à l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation i3t, CNRS a tout d’abord rendu hommage à M. Semega, avec qui il avait fait ce voyage et qui avait été le premier haut-commissaire à se rendre sur les sources du fleuve Sénégal. La mission sur place avait révélé que les hommes et femmes, populations locales vivant à proximité des sources, souffraient également du manque d’eau. Là où l’on ne trouve aujourd’hui plus que des flaques d’eau pittoresques, 10 ou 15 ans auparavant, ces mêmes mares étaient de taille à y voir se noyer un adulte. Il s’agit donc aujourd’hui de transformer un cercle vicieux en cercle vertueux a indiqué Joël Ruet, avant d’ajouter que « les solutions sont avec les gens, avec les communautés locales, et il est de notre responsabilité morale et humaine en tant que communauté internationale de les appuyer dans leurs initiatives. »

Soufiana Dabo
Un Fouta Djalon à l’agonie

Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée, a décrit le contexte actuel du Fouta Djalon avant de rappeler les défis et les menaces pesant sur ce massif qui abrite les sources du fleuve Sénégal, du fleuve Gambie, du fleuve Niger et d’autres plus petits fleuves. Ce territoire montagneux dans le nord de la République de Guinée et s’étendant vers le Sénégal, le Mali et la Guinée-Bissau se situe à des altitudes allant d’un peu plus de 500 à 1515 mètres, avec le Mont Loura comme point culminant. L’écosystéme unique du Fouta Djalon est aujourd’hui en danger et de nombreuses espèces endémiques, de la faune ou de la flore, se font rares.

La région est habitée par des agriculteurs et des éleveurs sédentaires dont les activités cohabitent. La pression démographique a néanmois mené à des mouvements de populations vers les sources d’eau afin de répondre aux besoins d’eau pour l’agriculture et pour la consommation quotidienne, à la fois humaine et du bétail. Cette pression sur les sources cause une diminution des quantités d’eau disponibles mais également la dégradation des abords des fleuves, impactant à la fois l’amont en Guinée et les pays et 300 millions de personnes vivant en aval.

Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger (ABN), a également noté des dégradations supplémentaires infligées au massif par l’homme. Celles-ci impliquent par exemple la fabrication des briques cuites, les coupes de bois abusives et l’exploitation minière, en particulier l’exploitation traditionnelle de l’or.

La réduction du couvert végétal et la dégradation des sols – conséquence du surpâturage et de pratiques agricoles inappropriées au contexte démographique, telles que l’agriculture sur brûlis et la réduction des temps de jachère ont également contribué à fragiliser le Fouta Djalon. Ces pratiques agricoles et forestières non durables réduisent les couverts forestiers et assèchent les sols, menaçant la stabilité des écosystèmes du Fouta Djalon. Ces dynamiques accélèrent ainsi la désertification et l’ensablement des cours d’eau et de leurs sources, réduisant également la capacité d’absorption des sols. La menace est aussi environnementale, puisque le changement climatique affecte la pluviométrie et le microclimat particulier du Fouta Djalon, avec des températures sans cesse en hausse.

« Ensemble nous devons mobiliser nos actions, énergies, consciences, et l’information autour de ce qui doit être entrepris dès maintenant pour restaurer cet écosystème […], pour amener les population à prendre conscience mais aussi à continuer leurs activités sans être en conflit avec la nature, » a conclu M. Dabo.

« Si nous n’agissons pas activement pour changer la donne et refaire vivre le massif du Fouta Djalon, le risque serait pour l’ensemble de ces pays (ndlr: les 9 pays membres de l’ABN), pour l’ensemble de ces populations en Afrique, » a quant à lui conclu M. Hamid.

Les organismes de bassin au coeur de l’action de sauvegarde

Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement (AFD) a présenté les initiatives de préservation et de gestion durable existantes et les actions déjà menées sur le terrain par l’AFD. Celles-ci sont notamment développées et menées en partenariat avec les différents organismes de bassin de la région. La présence de hauts responsables de ces organismes de bassins, avec M. Soufiana Dabo pour l’OMVS, un organisme que l’AFD appuie depuis environ 40 ans, et M. Abderahim Bireme Hamid pour l’ABN, avec laquelle l’AFD collabore depuis une vingtaine d’années, a illustré l’investissement et le rôle central de ces organismes dans la gestion des ressources hydriques et la préservation des écosystèmes de la région.

Il s’agit d’éviter la tragédie des communs et la tragédie du Fouta Djalon, a déclaré M. Goujon, citant le concept développé par Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009. Les défis dans l’action de préservation sont nombreux: manque de connaissances, de mesures, et de données sur les conséquences des changements hydrologiques,  connaissance de la ressource en déclin, ou encore besoins de nouvelles technologies et de moyens et dispositifs humains pour maintenir des réseaux de mesure.

L’action de l’AFD en partenariat avec les organismes de bassin se structure autour de projets comme le projet SCREEN avec l’OMVS, un projet de mesure altimétrique avec des technologies spatiales en collaboration avec de nombreux acteurs français (ex. CNR, IRD, BRL, et CNES). Le projet DYNOBA de dynamisation des organismes de bassin transfrontaliers en Afrique encourage le partage d’expériences entre les organismes de bassin. Le Fouta Djalon pourrait être un terrain d’application de ce partage. L’AFD travaille actuellement également à un projet d’appui aux services météorologiques nationaux de Guinée, afin de renforcer la météorologie nationale et de produire des données plus fiables.

« Il y a plusieurs niveaux auxquels il faut travailler : les niveaux institutionnels, internationaux, nationaux, le niveau local avec les populations pour avoir un impact bénéfique sur cet espace, » a conclu M. Goujon.

Un plan d’action pour le Fouta Djallon

L’objectif de ce side event était non seulement d’alerter la communauté internationale sur la situation alarmante d’un Fouta Djalon mourant mais également de présenter un plan d’action et d’axes prioritaires à mobiliser pour la préservation du massif. Joël Ruet, Président, The Bridge Tank & économiste à l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation i3t, CNRS a ainsi présenté les nécessaires composantes du plan d’action que nous proposons:

  1. Le soutien et la mobilisation des communautés locales du Fouta Djalon, en établissant par exemple un catalogue de bonnes pratiques durables combinant des méthodes agricoles & de préservation des écosystèmes traditionnelles et modernes et en sensibilisant et en formant les populations locales;
  2. Encourager la recherche et l’innovation au niveau local et régional, afin d’améliorer les connaissances et les données sur les ressources et les écosystèmes du Fouta Djallon, à travers l’incubation de start-ups technologiques, le soutien à des projets de recherche, l’ingénierie environnementale locale, le développement de solutions basées sur la nature;
  3. La volonté politique et la coopération régionale à travers la création d’une assemblée des États d’Afrique de l’Ouest, des organismes de bassin et des organisations multilatérales sous-régionales, soutenue par la communauté internationale, pour le Fouta Djallon, afin de développer un cadre de coopération régionale autour de cette ressource commune et d’assurer la durabilité sociale, sociétale et environnementale dans les hauts plateaux et dans toute la région ;
  4. La mobilisation de nouveaux mécanismes de financement vert et bleu au profit du Fouta Djalon, pour la préservation de la biodiversité et le développement des hauts plateaux avec le soutien international.

En particulier, dans la continuité des actions déjà mises en oeuvre, une action concertée de la sous-région pour la préservation du Fouta Djalon devra nécessairement faire intervenir les organismes de bassin. La question de la gouvernance a également été mise en lumière par Lionel Goujon, qui a encouragé une gouvernance à différents niveaux, impliquant les organismes de  bassin, les états et les communautés économiques sous-régionales. « Il faut aujourd’hui créer des coalitions et des plateformes de coopération, » a souligné Joël Ruet. Celles-ci devront nécessairement impliquer les communautés locales, afin de déterminer quelles mesures traditionnelles doivent évoluer et quelles connaissances traditionnelles peuvent être mobilisées comme méthodes de cultivation ou d’agroforesterie plus durables et résilientes. Selon Soufiana Dabo, il s’agit donc en priorité d’adapter et de repenser les solutions existantes.

Un outil qui jouera un rôle important dans cette démarche est l’Observatoire du Fouta Djalon mis en place par l’OMVS. Celui-ci permettra, selon M. Dabo, d’observer, d’analyser et d’agir dans le Fouta Djalon. Soufiana Dabo a ainsi lancé un appel au soutien de l’Observatoire comme centre de recherche, de réflexion et collecte de données nécessaires à l’évolution du massif. Cette évolution vise à accompagner les communautés dans leurs reconversions, soit vers d’autres activités qui auront moins d’impact sur l’écosystème du massif, soit à moderniser les activités qui sont actuellement entreprises par les populations locales. Dans le cadre de ses programmes PGIRE, l’OMVS a ainsi lancé de premières initiatives allant dans cette direction, avec notamment des projets d’aménagement agricole et de mise en place de périmètres irrigués et clôturés pour sédentariser la population. La réhabilitation de réserves piscicoles vise à faire de la pêche une source de revenus alternative.

« Il ne faut pas opposer le développement socio-économique, humain, à la nature et l’environnement, » a insisté Joël Ruet.

Enfin, une dernière communauté qu’il s’agit de mobiliser sont les jeunes diplomés des universités de la région. M. Ruet a conclu en revenant sur l’importance de l’entrepreneuriat technologique local. Le soutien d’incubateurs de jeunes entrepreneurs locaux revenant sur le terrain à la suite de leurs études offrirait les moyens humains pour faire vivre les systèmes de mesure, et de collecte de données nécessaires à toute action de préservation. Ces données pourront également être mobilisées pour des mécanismes de finance durable qui permettent, selon M. Ruet, « un changement transformationnel qui passe à l’échelle. »

Cette session se place dans un engagement de longue date en faveur de la préservation du Fouta Djalon de la part de The Bridge Tank. Au Forum Mondial de l’Eau à Dakar en mars 2022, The Bridge Tank et IAGF avaient déjà co-organisé une session spéciale sur ce même thème de la sauvegarde du massif du Fouta Djalon en partenariat avec l’OMVS et l’Organisation de mise en valeur du Fleuve Gambie (OMVG). Auparavant, Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, avait également participé à une mission de terrain dans le Fouta Djalon menée par notre board member Hamed Semega, alors haut-commissaire de l’OMVS.

The Bridge Tank au Forum BOAO pour l’Asie 2023 : Échanges sur la coopération Chine-UE et les transitions énergétiques

Du 28 au 31 mars 2023, The Bridge Tank, représenté par son président Joël Ruet, a participé au Forum de Boao pour l’Asie 2023, à Boao, Hainan, en Chine. The Bridge Tank participe à la réunion annuelle du « Davos chinois » en tant que partenaire de l’événement depuis 2018. Cette année, le Forum Boao était placé sous le thème « Un monde incertain : Solidarité et coopération pour le développement dans un contexte difficile » (An Uncertain World: Solidarity and Cooperation for Development amid Challenges).

Le Forum a permis à Joël Ruet de participer à deux sessions dédiées au dialogue entre la Chine et l’Union Européenne, avec une table ronde de PDG à huis clos, et un panel sur les chocs dans l’approvisionnement énergétique mondial, tous deux abordant spécifiquement la question des transitions énergétiques. La session plénière du forum a été marquée par les interventions du premier ministre chinois Li Qiang, de l’ancien secrétaire général des Nations unies et actuel président du forum Ban Ki Moon, ainsi que de Lee Hsien Loong, premier ministre de Singapour, et Pedro Sanchez, premier ministre de l’Espagne, qui ont notamment abordé les relations futures entre la Chine et l’UE et le potentiel de coopération.

Dialogue à huis clos entre PDG chinois et européens

La table ronde à laquelle Joël Ruet a participé a abordé les opportunités de coopération et les questions de concurrence dans un contexte de rivalité systémique entre la Chine et l’UE. La session a permis à des chefs d’entreprise français, italiens, finlandais, hongrois et allemands d’interagir avec leurs homologues chinois. Les participants incluaient notamment:

  • Justin Yifu Lin, Doyen de l’Institut de la nouvelle économie structurelle, Université de Pékin, ancien économiste en chef et ancien vice-président de la Banque mondiale
  • Li Zixue, Président et directeur exécutif, ZTE Corp
  • Zhang Yue, Président, BROAD Group
    Li Yong, Président, Chinayong Investment Group
  • Joël Ruet, Président, The Bridge Tank & Chercheur associé, Chaire Tech for Change, Ecole Polytechnique
  • Jorge Toledo, Ambassadeur de l’Union européenne en Chine
  • Denis Depoux, Global Managing Director, Roland Berger
  • Norbert Csizmadia, Président, Fondation de l’Université John von Neumann
  • Gianni Di Giovanni, Président, ENI China B.V. et Vice-président exécutif, ENI
  • Fabrizio Ferri, Directeur pour la région Asie-Pacifique, Fincantieri

À travers sa participation à cette table ronde, Joël Ruet a fait part de la situation actuelle et des opportunités en matière de transition énergétique, en particulier en ce qui concerne l’énergie nucléaire et l’hydrogène. Revenant sur les tendances actuelles, M. Ruet a noté qu’en 2022, la transition de l’UE a abouti à une stratégie de couverture à long terme gagnante, basée sur le gaz couvert géographiquement plutôt que sur le pétrole, avec à l’horizon 2030 une couverture de tous les combustibles fossiles.

En ce qui concerne le financement de la lutte contre le changement climatique, Joël Ruet a affirmé que les mécanismes financiers devaient aller au-delà de la tarification du carbone et du financement de l’atténuation. L’adaptation doit en effet être financée par des cobénéfices sur l’agriculture, l’agroforesterie, la fixation du CO2 dans les sols et la préservation de l’eau. Cela nécessite un effort conjoint pour construire une industrie de financement et de dérisquage bancaire au niveau des banques publiques et commerciales. La Chine et l’UE ont un intérêt commun non seulement à partager des idées et des modèles, mais aussi à mettre en place des programmes communs avec les pays les moins développés, a déclaré M. Ruet.

Dans une interview accordée à China Business News, Joël Ruet a souligné l’importance de ce type de tables rondes, car « les décisions commerciales sont basées sur ce type de relations et de compréhension entre les personnes ».

Table ronde sur les chocs énergétiques mondiaux

Le 30 mars, Joël Ruet s’est entretenu avec des dirigeants et experts chinois et internationaux dans le cadre d’une table ronde sur la structure actuelle de l’offre et de la demande dans le secteur de l’énergie. La discussion a porté sur la façon dont l’invasion de l’Ukraine par la Russie a remodelé le paysage de l’approvisionnement énergétique en Europe et sur la façon dont la structure énergétique mondiale a évolué depuis, en tenant compte des sanctions imposées à la Russie et des politiques de restriction de la production adoptées par les pays producteurs de pétrole au Moyen-Orient. La session a également abordé le maintien de la stabilité du marché international de l’énergie et les implications de ces changements sur les efforts de transition énergétique dans le monde.

La session, modérée par ZHONG Shi, présentateur de la chaîne CGTN, a accueilli :

  • Denis DEPOUX, Directeur général mondial, Roland Berger
  • Gianni Di GIOVANNI, Président, ENI China B.V. & Vice-président exécutif, ENI
  • MENG Zhenping, Président, China Southern Power Grid
  • Joël RUET, Président, The Bridge Tank & Chercheur associé, Chaire Tech for Change, Ecole Polytechnique
  • Ernie THRASHER, Directeur, Xcoal Energy & Resources
  • ZHONG Baoshen, Président, Longi, Chairman, Longi

Selon Joël Ruet, la crise énergétique est une opportunité pour mieux comprendre les atouts et les faiblesses des structures énergétiques actuelles, déterminer ce qui est résilient et ce qui est le plus affecté par ces chocs. « Nous devons faire de la crise une opportunité », a déclaré M. Ruet, ajoutant que « dans la transition énergétique, nous devons être inclusifs et unis ». La réaction de l’UE au cours de l’année écoulée montre qu’il ne s’agit pas seulement d’une réponse à un choc à court terme, mais qu’elle ouvre la voie à une accélération structurelle de la transition énergétique, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables ou le gaz. Le fait que plusieurs pays aient des stratégies énergétiques différentes sur le nucléaire en tant qu’énergie renouvelable, sur les utilisations de l’hydrogène ou sur les moteurs de mobilité n’a pas empêché des progrès considérables dans la taxonomie et sert de complément positif, donc de couverture, aux transitions énergétiques européennes.

Enseignements de la session plénière

Lors de la session plénière du forum de Boao, des dirigeants du monde entier ont pris la parole pour traiter des grandes questions d’actualité. Après avoir souligné que « l’agression russe a fragilisé l’ordre mondial », le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong a insisté sur le fait qu’au-delà de l’établissement de relations fortes avec la Chine, les pays asiatiques devaient se rapprocher les uns des autres, en soulignant le rôle central de l’ANASE. Faisant l’éloge du RCEP et de la dynamique transpacifique, le Premier ministre Lee a appelé l’Asie à rester une région ouverte établissant des partenariats.

Pedro Sanchez, Premier ministre de l’Espagne, a déclaré que l’Espagne, qui assumera prochainement la présidence de l’UE, souhaite contribuer au rétablissement de la paix et de la confiance. Le pays entend se concentrer sur une approche renouvelée de la mondialisation, soucieuse de son empreinte environnementale et de sa stabilité, en allant au-delà des seules préoccupations liées aux coûts. L’UE construit donc une nouvelle industrie verte et numérique et défendra ses valeurs et ses intérêts. La Chine et l’UE, bien que concurrentes, peuvent également rester partenaires tant que la souveraineté des pays est respectée et que des conditions de concurrence équitables sont maintenues. Selon le Premier ministre Sanchez, la Chine et l’UE doivent rester des partenaires sur le plan économique, mais aussi et surtout travailler ensemble pour atteindre les objectifs fixés dans l’accord de Paris, les ODD, et fournir des financements pour le développement et les risques liés à la dette pour les pays en développement.

 
Ban Ki Moon, Président du Forum de Boao
Lee Hsien Loong, Premier Ministre, Singapour
Pedro Sanchez, Premier Ministre, Espagne
Li Qiang, Premier ministre, Chine

Joel Ruet a également assisté au discours du premier ministre chinois Li Qiang devant les délégués du forum de Boao. Dans son discours, le Premier ministre Li a déclaré que « sans la paix, l’Asie n’aura pas un avenir radieux », avant d’ajouter que « les nombreuses questions auxquelles l’humanité est confrontée doivent être abordées par consensus ». Pour ce faire, Li Qiang a souligné le rôle des pays BRICS dans l’application d’une législation multilatérale, qualifiée de « plus juste et plus équitable » que le système actuel des Nations unies.

Li Qiang a déclaré que « dans un monde incertain, la voie de la prospérité de la Chine est une source de certitude », soulignant l’importance de la croissance de la Chine pour les pays en développement en général et pour l’Asie et l’économie mondiale. La trajectoire de la Chine consistera à « poursuivre l’effort d’approfondissement de la demande tout en structurant l’offre d’une manière favorable à l’investissement étranger ».

Il convient toutefois de rappeler que les investissements ont atteint leur niveau le plus bas en 2022 en raison de la politique « zéro covid » de la Chine, qui aura un impact sur les résultats économiques des deux prochaines années et qui a affaibli la confiance des investisseurs étrangers dans le marché chinois. Ce cycle à court terme devra être amorti, les perspectives à moyen terme étant plus encourageantes et servant de transition alors que la fenêtre d’opportunité démographique se referme.

Regardez l’analyse du discours du premier ministre chinois Li Qiang par Joël Ruet pour CGTN :

Conférence des Nations Unies sur l’Eau : The Bridge Tank et l’IAGF organisent un side event sur la préservation du Massif du Fouta Djallon

La préservation du Massif du Fouta Djallon en Guinée, château d’eau de l’Afrique de l’Ouest abritant les sources des grands fleuves de la région, a réuni The Bridge Tank, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF), et l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), qui ont organisé ensemble un side event officiel de la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, le vendredi 24 mars, avec le soutien de la France et de la Guinée.

Ce massif forestier est plus que jamais en danger – menacé par les actions combinées des populations locales laissées pour compte par le mal-développement, d’un bétail nécessitant des pratiques plus résilientes, et des effets du changement climatique exigeant une adaptation agraire et sylvicole à portée de main. La présence de hauts dignitaires français et guinéens, dont Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française, et la directrice de cabinet d’Aly Seydouba Soumah, ministre de l’énergie, de hydraulique et des hydrocarbures, République de Guinée, ainsi que de hauts responsables d’organismes de bassin d’Afrique de l’Ouest, tels que Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée et Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger, et des acteurs du développement actifs sur le terrain ont fait de cette conférence une occasion unique de tirer la sonnette d’alarme et d’appeler à une action concertée pour la préservation du Massif du Fouta Djallon.

Erik Orsenna & Bérangère Couillard

Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie, France, a ouvert la session en soulignant l’importance de protéger le Fouta Djallon et les sources des grands fleuves d’Afrique de l’Ouest, et a rappelé à l’auditoire la place toute particulière de la France dans le développement de la gestion intégrée des ressources en eau.

Erik Orsenna, président de l’IAGF (Initiatives pour l’avenir des grands fleuves), a lancé un vibrant appel à l’action pour préserver ces écosystèmes forestiers qui fournissent en eau une région où vivent 300 millions d’habitants. Il a notamment souligné le rôle crucial des organisations de bassins fluviaux pour préserver la paix et développer la coopération transfrontalière, alors que la région est confrontée à un stress hydrique croissant.

Joel Ruet & Soufiana Dabo
Lionel Goujon
Abderahim Bireme Hamid

Représentant un organisme de bassin qui a contribué au développement et à la coopération en Afrique de l’Ouest, Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée, a présenté le contexte spécifique du Fouta Djallon et les risques pesant sur ses sources, de la déforestation à l’ensablement des cours d’eau, en passant par des pratiques agricoles obsolètes.

Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement a présenté les initiatives existantes et les actions déjà menées sur le terrain, notamment en partenariat avec les Organismes de Bassin de la région.

Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, a ensuite dévoilé une feuille de route de solutions pour sauvegarder le Fouta Djallon, incluant notamment la nécessité d’impliquer les jeunes entrepreneurs technologiques locaux, de former les populations locales, et de mobiliser la finance verte pour étendre les actions sur le terrain. Le secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger, M. Abderahim Bireme Hamid, a également souligné l’importance de mobiliser les populations locales avec leurs connaissances et solutions basées sur la nature.

Ce side event organisé dans l’enceinte du siège des Nations Unies était placé sous le haut patronage de la Guinée et de la France, et soutenu par l’Agence Française de Développement (AFD), le Partenariat Français pour l’Eau, le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), le Geneva Water Hub et la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique.

G20/Business 20 : The Bridge Tank prend part à la Conférence de Lancement du B20 Inde

Après le mandat de l’Indonésie en 2022, ce début d’année a vu l’Inde prendre la présidence du G20 pour l’année 2023.

Du 22 au 24 janvier 2023, la ville de Gandhinagar dans le Gujarat, en Inde, a accueilli la conférence de lancement du groupe d’engagement Business 20 (B20) du G20 afin de discuter avec la communauté des affaires de l’économie mondiale et de certains des problèmes les plus pressants auxquels notre monde fait face. La réunion a rassemblé des ministres et des délégués indiens, ainsi que d’influents chefs d’entreprise et décideurs politiques internationaux.

En tant que membre du B20, The Bridge Tank a assisté au sommet à Gandhinagar, représenté par son président Joël Ruet. Outre les sessions publiques au Mahatma Mandir, la réunion de lancement a notamment marqué le lancement des groupes de travail et des groupes d’action du B20, auxquels The Bridge Tank contribuera activement au cours de l’année à venir.

Axant sa participation sur trois grands thèmes : la durabilité, la recherche et l’innovation, et le rapprochement entre l’Afrique et le G20, à l’invitation de la présidence indienne du G20, The Bridge Tank est ainsi membre de la Task force B20 Inde sur l’Énergie, le Changement Climatique et l’Efficacité des Ressources, ainsi que du Conseil d’Action B20 Inde sur l’Intégration Économique Africaine.

Joël Ruet à la Conférence de Lancement du B20
Le ton est donné pour la présidence indienne du G20 en 2023

Organisée par la Confédération de l’Industrie Indienne (CII), en charge du secrétariat du B20 Inde, la session plénière de la réunion de lancement du B20, qui s’est tenue au Mahatma Mandir le 23 janvier, a donné le ton du sommet et de la présidence indienne du G20 en 2023.

La session inaugurale a mis en lumière la vision, les priorités thématiques et les valeurs qui animeront le B20 Inde. M. Chandrajit Banerjee, directeur général de la CII, a rappelé aux participants l’acronyme R.A.I.S.E – Responsible, Accelerated, Innovative, Sustainable and Equitable Businesses (en français: des entreprises Responsables, Accélérées, Innovantes, Durables et Équitables) – qui servira de pierre angulaire au B20 Inde.

"Le thème du B20, qui a été formé sous l'égide de la présidence indienne du G20, est R.A.I.S.E. - pour des entreprises Responsables, Accélérées, Innovantes, Durables et Équitables."
M. Chandrajit Banerjee
Directeur Général, Confédération de l'Industrie Indienne (CII)

Au cours de son discours d’ouverture sur les conditions nécessaires à la réussite du B20 Inde, M. N Chandrasekaran, président du B20 Inde et président de Tata Sons, a souligné l’importance de réduire les inégalités à travers la transformation numérique. Il a également insisté sur certaines des grandes priorités retenues pour le B20 Inde, notamment la durabilité, la transition énergétique, la mobilité, la biodiversité, la gestion de l’eau et les ODD de l’ONU.

"La présidence du B20 est l'occasion pour l'Inde de présenter et de partager des bonnes pratiques, ainsi que de travailler à l'élaboration de recommandations spécifiques pour apporter l'égalité grâce à la transformation numérique."
M. N Chandrasekaran
Président, B20 Inde & Président, Tata Sons
Développement durable et transitions énergétiques :  la Task force B20 Inde sur l’Énergie, le Changement Climatique et l’Efficacité des Ressources

L’importance de la lutte contre le changement climatique et la place des transitions énergétiques et du développement durable dans les priorités du B20 Inde ont été présentées lors de la session plénière par M. Som Parkash, Ministre d’État au commerce et à l’industrie.

Le ministre Parkash a ainsi déclaré que « l’Inde, sous la présidence du G20, doit s’efforcer de donner la priorité à la lutte contre le changement climatique et à la dégradation de l’environnement par des efforts visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir les énergies propres.« 

Cette priorité, conforme à la devise R.A.I.S.E du B20, a été reprise un jour plus tard, le 24 janvier, lors de la première réunion de la Task force B20 Inde sur l’Énergie, le Changement Climatique et l’Efficacité des Ressources, à laquelle The Bridge Tank a assisté en tant que membre de la task force.

La réunion, présidée par M. T V Narendran, PDG de Tata Steel Ltd et coprésident de la task force, a présenté les priorités et les résultats attendus de cette dernière.

Dans l’espoir d’accélérer les transitions énergétiques, l’efficacité des ressources et les mesures d’adaptation dans les économies du G20, les priorités du groupe de travail ont été décrites comme étant largement alignées sur les priorités du G20 en matière de changement climatique.

L’objectif est donc d’aborder les questions suivantes :

  1. les transitions mondiales nettes zéro;
  2. la sécurité énergétique et l’accès à l’énergie;
  3. les transitions justes;
  4. l’économie circulaire et l’efficacité des ressources;
  5. la finance climat et l’innovation technologique;
  6. l’adaptation et la résilience.
"L'Inde, sous la présidence du G20, doit s'efforcer de donner la priorité à la lutte contre le changement climatique et la dégradation de l'environnement en déployant des efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et promouvoir les énergies propres."
M. Som Parkash
Ministre d'État au commerce et à l'industrie

Les priorités de la task force couvrent de nombreux thèmes, notamment :

  • Le renforcement de la coopération mondiale pour accélérer la transition nette zéro par le biais de coalitions mondiales spécifiques aux différentes industries, et la focalisation des investissements et des financements vers des axes prioritaires;
  • L’amélioration des investissements, du développement et de la commercialisation de technologies d’énergie verte;
  • L’amélioration du financement de la lutte contre le changement climatique grâce à de nouvelles voies de financement pour la transition énergétique, en définissant des mandats clairs en matière d’énergie pour les banques multilatérales de développement et en harmonisant le développement des marchés carbone nationaux ;
  • L’amélioration de l’efficacité des ressources grâce à des cadres réglementaires, des politiques, et des modèles commerciaux et financiers qui encouragent l’économie circulaire ;
  • La mise en œuvre de politiques d’adaptation privilégiant des approches fondées sur les écosystèmes existant afin de développer des infrastructures résilientes, tout en veillant à ce que l’adaptation tienne compte de la dimension de genre et en mobilisant les financements nécessaires.

The Bridge Tank entend mettre son expertise accumulée au fil des ans sur des thèmes de trajectoires énergétiques, de transitions énergétiques, de finance climat, de financement mixte, ainsi que sa contribution de longue date au développement de modèles de développement durable et d’économie circulaire à la disposition de la task force. Cette dernière se réunira à nouveau les 14 et 15 mars 2023.

Rapprocher l’Afrique et le G20 : le Conseil d’Action B20 Inde sur l’Intégration Économique Africaine

Évoquant les efforts déployés par le B20 Inde pour représenter les questions pertinentes pour l’économie mondiale, M. Sanjiv Bajaj, président de la CII et président-directeur général de Bajaj Finserv Ltd, a présenté au public de la session plénière le programme ciblé et le Conseil d’Action sur l’Intégration Économique Africaine, qui espère renforcer les liens entre les économies africaines et le G20.

En tant que défenseur de longue date d’une plus grande intégration du continent africain dans les actions du G20 et désormais membre contributeur du Conseil d’Action B20 Inde sur l’Intégration Économique Africaine, The Bridge Tank salue cette initiative.

Le 24 janvier, dernier jour de la conférence de lancement, The Bridge Tank a ainsi également pris part à la session inaugurale du Conseil d’Action B20 Inde sur l’Intégration Économique Africaine, qui a examiné les objectifs et les priorités du conseil.

La réunion a soulevé les trois principaux résultats attendus pour soutenir l’intégration économique du continent africain :

  1. La formulation d’un programme de Facilités d’assistance technique (FAT) par les membres du G20, afin d’accélérer la mise en œuvre de la ZLECAf par le biais d’une assistance technique et financière aux 54 nations africaines.

  2. Des engagements de la part des États du G20 à conclure des accords commerciaux préférentiels personnalisés avec au moins 20 pays africains (avec un minimum de 100 lignes tarifaires sur les produits ou services à libéraliser dans chacun de ces accords).

  3. Des engagements de la part des États du G20 à lancer chacun un minimum de trois programmes de financement du développement au profit d’au moins cinq pays africains (soit bilatéralement, soit par l’intermédiaire d’institutions multilatérales), sur des thèmes tels que les programmes de parcs industriels, les projets d’infrastructures énergétiques ou de transport, les initiatives en matière de santé, d’éducation et de formation, ou les programmes de financement des micro, petites et moyennes entreprises.

Dans le prolongement de ces résultats espérés, Joel Ruet, Président, The Bridge Tank, a avancé l’idée d’un fonds pour les projets de résilience et d’adaptation au changement climatique émanant du G20 et financé par celui-ci. En outre, le G20 pourrait contribuer à dérisquer les projets provenant de pays et d’entreprises du continent africain.

Dans les mois à venir, The Bridge Tank poursuivra ses efforts au sein de la Task force B20 Inde sur l’Énergie, le Changement Climatique et l’Efficacité des Ressources et du Conseil d’Action B20 Inde sur l’Intégration Économique Africaine.

Davos 2023: Les points-clés à retenir de la semaine de The Bridge Tank au Forum Économique Mondial de Davos

La troisième semaine de 2023 a vu le monde entier se réunir une nouvelle fois pour le Forum économique mondial de Davos. Du 16 au 20 janvier, des dirigeants politiques, économiques et de la société civile du monde entier se sont réunis dans les Alpes suisses pour discuter de l’avenir économique de notre monde.

Cette année, le thème de la « Coopération dans un monde fragmenté » s’est avéré particulièrement intéressant pour The Bridge Tank, qui a pu y partager ses vues et échanger sur l’état de la coopération internationale, notamment en ce qui concerne la coopération Sud-Sud et Sud-Nord.

The Bridge Tank était présent à Davos pendant la réunion annuelle du WEF à Davos, représenté par son président Joël Ruet et les board members Judit Arenas, du Mexique, Pranjal Sharma, de l’Inde, et Raphael Schoentgen, de la Belgique.

Cette présence active sur place a permis à nos board members de discuter de la place du Sud dans la révolution numérique, d’explorer de nouveaux mécanismes financiers de coopération Sud-Nord, d’organiser des événements sur les biens publics mondiaux et de se faire un aperçu des diverses ambitions et trajectoires de certains grands émergents.

Pranjal Sharma (à gauche) à la TCS Reception
Judit Arenas au Déjeuner d'Innovations
Raphael Schoentgen (à droite) à la House of Switzerland
La révolution numérique et le Sud

Intervenant régulier des panles du WEF depuis plusieurs années, notre board member Pranjal Sharma a souligné le rôle des pays du Sud dans la conduite des discussions à Davos, agissant comme une force structurante pour façonner l’avenir. Pranjal Sharma a particulièrement insisté sur le rôle de l’Inde dans le renforcement des économies numériques du Sud et sur les efforts déployés par le pays pour amener la révolution numérique à de nouvelles communautés et de nouvelles langues.

Dans la continuité de cette réflexion sur la révolution numérique, M. Sharma a animé une table ronde sur le thème « Tackling Harm in the Digital Era, » (Lutter contre les préjudices à l’ère numérique), au cours de laquelle il a abordé la question de la sécurité des utilisateurs en ligne et la manière de construire des espaces numériques plus sûrs.

Le panel de haut niveau a réuni la vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence de la Commission européenne, la directrice de l’Office of Communications du Royaume-Uni et la vice-première ministre belge pour discuter des cadres réglementaires et des innovations technologiques permettant de lutter contre les contenus dangereux, la violence et les injures en ligne.

La discussion a mis en lumière les défis auxquels sont confrontés les législateurs, M. Sharma leur demandant comment gérer la violence en ligne à grande échelle et comment assurer la protection des communautés, non seulement dans les pays développés mais aussi dans les économies émergentes, alors que des milliards de personnes et de nouvelles communautés accèdent au monde numérique.

Finance bleue : Les fleuves internationaux comme vecteur de la coopération Sud-Nord

Le WEF a également permis de discuter de nouvelles formes de coopération Sud-Nord. L’un de ces mécanismes innovants sur le front de la finance bleue a été abordé lors d’un événement intitulé « Innovative Impact Investing through Blue Peace Bond » (Investissement d’impact innovant grâce aux obligations Blue Peace), organisé par le Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU) et la Direction du développement et de la coopération suisse (DDC) à la Maison de la Suisse.

L’événement, auquel Joël Ruet et Raphael Schoentgen ont participé, a présenté le programme de financement Blue Peace (Paix Bleue) et la création des obligations Blue Peace, qui visent à faciliter l’accès au capital pour les organismes de bassins fluviaux et les entités locales et régionales similaires travaillant à une coopération transfrontalière multipartite autour de l’eau. Cet outil innovant de financement des infrastructures et du développement social espère fonctionner comme un dividende de la paix, en faisant de l’eau et des bassins fluviaux transfrontaliers un point d’entrée pour la paix et la coopération.

Comme l’ont souligné les interventions de M. Ruet et de M. Schoentgen, cette coopération Sud-Nord ne doit pas seulement impliquer les institutions financières du Nord, mais doit également intégrer les institutions financières du Sud aux montages financiers et servir d’opportunité pour le Sud de développer et de tirer parti de son propre écosystème financier.

Cette session et l’outil financier basé sur la coopération autour de l’eau qu’elle a présenté ont apporté une contribution précieuse aux recherches menées par The Bridge Tank pour de nouveaux outils à mobiliser dans le cadre d’une pratique élargie de l’hydro-diplomatie, quelques semaines seulement après le lancement de la World Water for Peace Conference.

Edition 2023 des Dejéuners de l’Innovation de Davos, par The Bridge Tank : Renforcer la coopération en matière de biosécurité

Pour conclure la semaine sur le thème de la coopération, Joël Ruet et Judit Arenas ont uni leurs forces le dernier jour du forum pour co-organiser un déjeuner d’échange sur la Promenade de Davos sur le thème de la biosécurité et du bioterrorisme. L’événement était le fruit d’un partenariat entre The Bridge Tank, APCO Worldwide et la société américaine de biotechnologie Illumina. The Bridge Tank organise depuis 2020 des déjeuners de l’innovation à Davos.

La session animée par Joël Ruet et John Defterios, ancien analyste économique et présentateur de CNN, et conseiller d’APCO Worldwide, a mis en évidence la fragilité des cadres nationaux et internationaux de biosécurité et le manque d’infrastructures de biosécurité. Les participants ont ainsi appeler à une plus grande coopération public-privé en la matière.

Cette session en comité restreint a rassemblé 25 spécialistes renommés dans le domaine de la biosécurité et de la cybersécurité, d’universitaires de haut niveau et de dirigeants d’entreprises, tels que John Frank, directeur des affaires publiques d’Illumina, Richard Hatchett, PDG de la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI), ou Frank-Jürgen Richter, président d’Horasis.

Frank-Jürgen Richter, Président, Horasis, & Joël Ruet
John Defterios

Focus sur les pavillons et les sessions thématiques à Davos

L’activité bouillonnante des différents pavillons nationaux et d’entreprises a donné lieu à des discussions animées et à des événements sur des thèmes d’intérêt pour The Bridge Tank, à savoir les économies émergentes, le développement durable et la structuration des transitions énergétiques.

L’India Lounge a été un point de rencontre important au WEF cette année. Par l’intermédiaire de son président, Joël Ruet, The Bridge Tank a assisté à une table ronde sur les investissements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de l’Inde et à un débriefing entre entreprises et gouvernement sur la volonté du monde – et en particulier des États-Unis – de renouer le dialogue avec la Chine. L’une des conclusions de cette session est que l’Inde a tout intérêt à suivre de près la question de la relocalisation éventuelle des investissements étrangers en Chine.⁦

Cette présence à l’India Lounge a également été l’occasion de rencontrer Samir Saran, président du secrétariat du T20, et de discuter de la participation de The Bridge Tank au T20 durant la présidence indienne du G20 en 2023. Les thèmes de la coopération et de la croissance inclusive étant au cœur de la présidence indienne, The Bridge Tank apportera  sa pierre à l’édifice du T20 sur les thèmes de la finance bleue et verte et du rapprochement entre le continent africain et le G20.

Samir Saran & Joel Ruet
Indonésie : vers un avenir zéro émission nette

Après avoir récemment transmis le témoin de la présidence du G20 à l’Inde, l’Indonésie s’est montrée également très active à Davos cette année.

Le pavillon indonésien a ainsi accueilli une session « Indonesia Net Zero Pathway : Opportunity & Challenges, » le 17 janvier, une session portant sur les opportunités et défis auxquels l’Indonésie fait face pour atteindre son objectif zéro émission nette.

Une présentation de Muhammad Yusrizki, président de KADIN Net Zero Hub, Chambre de commerce d’Indonésie, a abordé certains des objectifs et des défis à venir pour la transition verte de l’Indonésie, y compris la façon de financer la transition énergétique et de dé-risquer les investissements dans les sources renouvelables en Indonésie, mais aussi le besoin de politiques et de cadres institutionnels pour accélérer le voyage du pays vers le net-zéro.

M. Yusrizki a particulièrement insisté sur la nécessité de protéger et de régénérer les mangroves, car celles-ci ont un énorme potentiel de stockage du carbone dans un pays qui abrite plus de 20 % des zones de mangrove du monde.

Le ministre indonésien chargé de la coordination des affaires maritimes et des investissements, Luhut Binsar Pandjaitan, a présenté la stratégie et les priorités sectorielles de l’Indonésie pour atteindre le net-zéro d’ici 2060. Cette voie sera fondée sur l’industrialisation et le développement économique, a déclaré M. Pandjaitan, qui a rappelé aux participants que les émissions de CO2 par habitant en Indonésie étaient inférieures à la moyenne mondiale.

L’économie verte de l’Indonésie s’appuiera sur cinq piliers :

  • un secteur de l’électricité décarboné – avec le soutien du Partenariat pour une transition énergétique équitable (JETP), qui vise à ce que les énergies renouvelables représentent 34 % de la production d’électricité en Indonésie d’ici à 2030 ;
  • des transports à faible émission de carbone – grâce au développement des véhicules électriques ;
  • les carburants alternatifs, tels que le biocarburant ;
  • les industries vertes, en développant par exemple une chaîne d’approvisionnement en batteries de véhicules électriques ;
  • et les puits de carbone – par le biais du captage du carbone et du marché des compensations carbone.

L’Indonésie espère faire du secteur des transports un pilier important de cette économie verte. Premier marché automobile de l’ASEAN, l’Indonésie représente 30 % du marché des véhicules à quatre roues de l’ASEAN et 50 % de son marché des véhicules à deux roues. Si le pays dépend encore des importations, l’Indonésie espère devenir un centre de production dans la région, notamment pour les véhicules électriques, pour lesquels l’Indonésie s’efforce de développer sa propre chaîne de valeur.

L’Indonésie vise également à devenir un leader mondial en matière d’atténuation des effets du changement climatique et sur le marché des compensations carbone. La replantation de mangroves et la restauration d’écosystèmes et de terres dégradés devraient figurer parmi les principaux domaines d’action, comme l’ont indiqué  certains intervenants.

Africa House : La ZLECAf et comment débloquer le potentiel du continent africain

Le continent africain a apporté sa propre contribution à la quête de coopération dans un monde fragmenté de cette édition du Forum Économique Mondial. L’Africa House de Davos a accueilli le 18 janvier un panel sur le commerce, intitulé « Deep-dive into the AfCFTA, exploring how far it has been and unlocking the future potential of the continent » (Un état des lieux de la ZLECAf, le chemin parcouru, et comment débloquer le potentiel futur du continent).

Les participants à la table ronde étaient :

  • Wamkele Mene, Secrétaire Général, Secrétariat de la ZLECAf
  • Samaila Zubairu, Président & Directeur Général, Africa Finance Corporation
  • S.E. la princesse Alanoud Bint Hamad Al Thani, Directrice, Qatar Financial Centre.

La Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) englobe 54 pays du continent, 44 États parties ayant déjà ratifié l’accord. Cette zone de libre-échange ne représente toutefois que 2,1 % du commerce mondial et 3 % du PIB de la planète.

Dans son discours d’ouverture du panel, Wamkele Mene a donc souligné que les pays africains ne pourront pas, individuellement, être compétitifs au niveau mondial. M. Mene a ainsi insisté sur la nécessité pour le continent africain de renforcer son intégration afin de développer des économies d’échelle et de surmonter sa dépendance aux exports  de produits de base.

Le panel a encouragé une mise en œuvre accélérée de la ZLECAf, car elle constitue un modèle pour le développement collectif et l’industrialisation de l’Afrique. La pandémie du COVID-19 a joué un rôle important en révélant la nécessité pour l’Afrique d’établir des chaînes d’approvisionnement alternatives. L’Afrique s’étant retrouvée en dernière place pour l’approvisionnement en masques et vaccins, la nécessité pour le continent de devenir autosuffisant s’est révélée plus pressante que jamais.

Prof. Landry Signe & Wamkele Mene

Samaila Zubairu, président-directeur général d’Africa Finance Corporation, a mis en évidence le fait que les chaînes de valeur de produits comme le cacao, les noix de cajou et le coton ne se trouvent pas en Afrique ; la transformation de cette production est effectuée à l’étranger avant d’être réimportée. Il en va de même pour les véhicules électriques, bien que l’Afrique soit une source importante de matériaux stratégiques avec un énorme potentiel d’énergie solaire, a noté M. Zubairu, avant de conclure que l’Afrique souffre d’un déficit d’infrastructure de 100 milliards, ce qui affaiblit sa capacité de croissance.

Si les panélistes ont salué les efforts de l’AfCFTA en matière d’interconnexion des chaînes d’approvisionnement et des réglementations et se sont montrés optimistes quant à la réussite de l’accord – s’inspirant du processus d’intégration européenne entamé à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui a donné naissance à l’actuelle Union européenne – des défis considérables restent à relever pour atteindre un tel niveau d’intégration.

Une limitation notable se trouve dans l’absence d’un protocole sur la liberté de mouvement entre les états membres, comme l’a souligné une question dans l’assistance.

Le futur des chaînes d’approvisionnement et des investissements dans les pays émergents

Une session organisée au pavillon de DP World sur le thème « Débloquer les investissements dans les économies émergentes » a abordé l’importance des chaînes d’approvisionnement dans le monde d’aujourd’hui, notamment à la suite de la pandémie de COVID-19. Les panélistes ont noté que le manque d’investissements dans les régions moins développées du monde créait des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement. Une plus grande intégration des chaînes d’approvisionnement et des investissements dans les infrastructures permettraient toutefois de transmettre les bénéfices aux pays émergents.

La diversification des chaînes d’approvisionnement après le COVID pourrait donc profiter à des pays comme les Philippines ou l’Inde, ont indiqué les panélistes, car ils pourraient reprendre une partie du rôle de la Chine dans les chaînes d’approvisionnement. Ces changements ont déjà commencé à redistribuer les rôles dans les chaînes d’approvisionnement internationales. Le souhait de pays comme les États-Unis et le Canada de rapprocher les chaînes d’approvisionnement de leur territoire profiterait par exemple à un pays comme le Mexique.

Le modérateur de la session, Frédéric Sicre, Associé directeur de Tardis Advisors, a ainsi mis en lumière cette conception changeante des marchés émergents, en mentionnant l’acronyme BIMCHIP (Brésil, Inde, Mexique, Chili, Indonésie et Pérou) comme une alternative possible des BRICS.

Les participants ont toutefois également souligné les défis résultant de l’incertitude financière actuelle, compliquant l’accès aux capitaux. Cette incertitude financière réduira le potentiel d’investissement dans les marchés émergents, car les investisseurs donneront la priorité aux investissements moins risqués dans les marchés développés, ont conclu les panélistes.

COP 27 : Une avancée sur les pertes et dommages mais pas de percée sur la finance climat malgré une forte implication de l’Afrique de l’Ouest

La crainte de terminer la COP 27 sans aucune avancée significative planait sur Charm el-Cheikh durant les dernières heures de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques.

Mais après un ultime marathon de négociations entre les parties, un accord a finalement été trouvé.

L’accord qui a conclu deux semaines de discussions et de négociations dans la ville côtière égyptienne a permis de faire un grand pas en avant sur la question épineuse des pertes et dommages. Les parties se sont mis d’accord sur l’établissement d’un fonds pour les pertes et dommages qui aidera à soutenir les pays les plus touchés par le changement climatique. Le fonds devrait fournir une assistance financière afin de répondre aux effets catastrophiques de la crise climatique, tels que les sécheresses, les vagues de chaleur, les inondations ou les cyclones.

Les efforts demeurent insuffisants

Bien qu’encourageant comme signal de solidarité internationale en réponse aux catastrophes climatiques, l’accord final n’a pas répondu aux attentes et aux espoirs de nombreux participants à la COP 27. Dans une interview pour TV5 Monde, Hakima El Haite, board member de The Bridge Tank, a exprimé sa déception face au manque d’avancées lors de la COP 27 :

« C’est vrai qu’on a avancé d’un pas en se mettant d’accord sur la création d’un mécanisme qui va encore nécessiter du temps. Plus on atténue le CO2 et plus on diminue les concentrations en CO2, moins on aura besoin de nous adapter et moins on aura besoin d’argent pour réparer les dégâts des dommages et catastrophes naturelles. Il faut donc agir et ce n’est pas aux pays vulnérables d’agir, ce sont les pays émetteurs qui émettent 80% des émissions qui doivent apporter 80% de solutions dans leurs propres pays. »

Nombreux sont ceux qui partagent cet avis, en particulier dans le Sud et en Afrique de l’Ouest, une région confrontée aux effets les plus désastreux du changement climatique et qui s’est présentée à la COP 27, COP africaine, avec des attentes et demandes fortes.

Une présence ouest-africaine proactive à la COP 27

Les représentants des pays d’Afrique de l’Ouest étaient arrivés à la COP 27 avec l’espoir de voir des décisions fortes prises pour soulager le continent de la pression climatique qu’il subit. Avant le début de la COP 27, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait exprimé certains des points qu’elle considérait comme cruciaux pour le succès des négociations sur le changement climatique :

  • Augmenter l’ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre, en particulier pour les plus gros émetteurs.
  • L’article 6 de l’Accord de Paris : la génération de nouvelles opportunités de financement dans la région et les nouveaux mécanismes de marchés carbone
  • Adaptation : passer de la planification à l’opérationnalisation
  • Pertes et dommages : apporter des réponses concrètes aux pertes et dommages existants en Afrique de l’Ouest.
  • Finance climat : atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars du Fonds vert pour le climat et mettre en place une facilité financière spécifiquement dédiée aux pays africains pour se concentrer sur leurs besoins et priorités en termes d’adaptation.

Décidées à faire entendre la voix de la sous-région à la COP 27, les institutions d’Afrique de l’Ouest ont uni leurs forces à Sharm el-Sheikh au sein du Pavillon West Africa. Ce pavillon était copiloté par la CEDEAO et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), en partenariat avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS).

Selon la CEDEAO, « ce pavillon conjoint témoigne de la volonté des institutions régionales de renforcer leur coopération autour du défi commun que constitue la question des changements climatiques pour une meilleure coordination et efficacité de la réponse collective à apporter au bénéfice des populations de la région. »

Pendant deux semaines, les quatre institutions ouest-africaines ont ainsi contribué à faire avancer le débat public sur l’action climatique et la finance climat.

Des voix importantes pour la gouvernance et la finance climat

La Commission de la CEDEAO a profité de sa présence au Pavillon West Africa pour organiser des side events présentant la Stratégie régionale sur le climat de l’union, notamment une session le 9 novembre sur les mécanismes de coordination pour une meilleure gouvernance climatique régionale. Deux jours plus tard, le 11 novembre, un autre side event aborda les opportunités sectorielles que la stratégie offre pour l’agriculture et l’énergie.

La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) a également été très active sur le Pavillon. Le 9 novembre, Serge Ekué, président de la BOAD, a donné un point de presse sur le positionnement climatique de la BOAD. Ce fut l’occasion d’évoquer le Plan de Développement Stratégique Djoliba 2021-2025 de la BOAD, qui consacre 25% des engagements totaux de la banque à la finance climat afin d’accompagner les États membres dans le financement de leurs Contributions Déterminées au niveau National (CDN) et à la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD). À travers son président, la BOAD a exprimé son souhait d’être un catalyseur de la résilience et de l’adaptation au changement climatique tout en jouant un rôle de facilitateur d’une croissance durable et stable.

Capitalisant sur l’importance de la finance climat lors de la COP 27, la BOAD a organisé plusieurs événements sur le sujet, dont un panel sur « Défis et opportunités de la finance climat en Afrique, » et deux sessions le 14 novembre, « Combler les lacunes des politiques d’adaptation au changement climatique pour faciliter l’accès des pays de l’UEMOA à la finance climat » et « La finance carbone comme levier de développement pour les pays de l’UEMOA, » avec la participation de l’Alliance Ouest-Africaine sur le Marché Carbone et la Finance Climat.

La BOAD a également pris part à des sides events organisés par d’autres institutions à Sharm el Sheikh, dont un par le Fonds vert pour le climat sur la Grande Muraille verte pour le Sahara et le Sahel.

L’importance de la finance climat dans l’agenda de cette année à la COP 27 a également mobilisé The Bridge Tank, qui a co-organisé un side event avec Liberal International sur la dynamique Nord-Sud de la finance climat. Le panel « Towards a balanced, empowered, North-South blended climate finance for mitigation and adaptation » a notamment inclus des acteurs politiques et institutionnels important d’Afrique de l’Ouest et a ajouté une pierre à l’édifice dans la poursuite d’une finance climat plus efficace et équilibrée.

Malgré les appels à prendre des mesures audacieuses, l’accord final de la COP 27 est une conclusion décevante aux deux semaines d’effort et d’investissement des institutions et pays d’Afrique de l’Ouest à Charm el-Cheikh. Le souhait de faire de cette COP 27, COP africaine, une étape importante dans la lutte contre le changement climatique et la mise en place de mécanismes de finance climat durables assurant la préservation du continent n’a pas été réalisé.

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