Catégorie : Finance Verte

COP28 – Leçons et apprentissages de The Bridge Tank à la COP de Dubai

Depuis 2015 et la COP21 à Paris, la présence de The Bridge Tank à la COP est devenue une opportunité annuelle pour notre think tank de contribuer au débat public sur l’action climatique et le développement durable. Cette année, la COP28 à Dubaï n’a pas fait exception à la règle. Joël Ruet, Président de The Bridge Tank, a participé à la conférence du 30 novembre au 4 décembre, en coordination avec le Partenariat Français pour l’Eau (PFE) et le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB).

Au-delà des négociations officielles, marquées par des tensions et des frustrations mais qui ont malgré tout abouti à un accord historique, les COP sont l’occasion de dialoguer avec des acteurs du changement venant du monde entier et de découvrir des success stories et des projets développés par des praticiens inspirés et inspirants. La COP fut également une opportunité d’en apprendre davantage sur les dernières innovations liées aux sujets qui ont été au cœur des actions de The Bridge Tank au fil des ans – transitions énergétiques, modèles de croissance économique et les rôles de l’industrie, l’agriculture et l’adaptation des terres dans ces dernières.

Ces thèmes ont tous connu des avancées importantes lors de la COP28 : les énergies fossiles ont été mentionnées dans l’accord final, les engagements des acteurs industriels se sont multipliés et le fonds pour les pertes et dommages a été mis en place.

Par ailleurs, The Bridge Tank a eu le privilège d’être directement impliqué dans la présentation de deux de ces success stories provenant d’Afrique de l’Ouest, qui ont permis d’évaluer la contribution au développement de la région :

  • fournie par les infrastructures hydroélectriques et les programmes associés mis en œuvre par l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Le side event a été organisé par l’OMVS et la SOGEM, avec le soutien officiel du CILSS, qui a accueilli l’événement sur son pavillon, et de The Bridge Tank.
  • offerte par les financements innovants pour les projets climatiques, avec le lancement officiel du Fonds d’étude climat de la Banque ouest-africaine de développement.

Pour en savoir plus sur la participation de nos board members à la COP de Dubaï :

Sécurité alimentaire : gouvernance, sécurité et résilience climatique

Le 2 décembre, la Conférence de Munich sur la sécurité (Munich Security Conference, MSC) a ainsi organisé un side event à huis clos, intitulé « Dried Up : Strengthening Resilience of Food Systems in Light of Climate Change » (« Asséchés : renforcer la résilience des systèmes alimentaires face au changement climatique »). L’événement s’est penché sur la façon dont le changement climatique contribue à l’insécurité alimentaire actuelle, une crise déjà aggravée par la guerre menée par la Russie en Ukraine, divers conflits régionaux, les conséquences de la pandémie de COVID-19, les chocs économiques et les défis de la chaîne d’approvisionnement à travers le monde.

Comment faire converger au mieux les efforts de lutte contre le changement climatique et contre la faim ? Comment la COP28 peut-elle servir de plateforme pour réunir les deux communautés politiques afin d’aborder les effets d’entraînement du changement climatique sur la sécurité alimentaire mondiale ? Telles étaient les grandes questions au coeur des discussions entre les participants à ce side event :

  • Cindy Hensley McCain, Directrice exécutive, United Nations World Food Programme
  • Vera Songwe, Présidente du conseil d’administration, The Liquidity and Sustainability Facility
  • Ricarda Lang, Coprésidente, Groupe Parlementaire Alliance 90/Les Verts Greens
  • Nisreen Elsaim, Présidente, Sudan Youth  Organization on Climate Change, Khartoum
  • Michael Werz, Conseiller senior, Munich Security Conference (Modération)

Un sujet qui intéresse particulièrement The Bridge Tank est celui du financement de la restauration des terres et de l’agriculture durable et créatrice d’emplois, notamment en Afrique. Notre engagement auprès des dirigeants africains nous a conduit à l’idée qu’une utilisation transitoire des revenus du gaz naturel est le moyen de financer ces investissements nécessaires, dans un double contexte où l’Afrique subsaharienne n’a pas été un contributeur au changement climatique et a besoin de financer sa transition durable d’une part, tandis que d’autre part, l’Occident voit le gaz naturel comme une étape de la transition énergétique.

Après ces premiers investissements qui incluraient le financement de la diffusion des énergies renouvelables sur le terrain, cette transition financière pourrait prendre fin ; le message principal des participants à la COP venus du Sud Global étant qu’ils souhaitent s’appuyer de plus en plus sur des financements souverains pour leurs transformations et ne pas dépendre de l’Occident quand ils le peuvent. Joël Ruet a pu partager ces points de vue avec les panélistes. C’est dans cet esprit que The Bridge Tank est prêt à contribuer à la task force que la Conférence de Munich sur la sécurité se propose de lancer.

Le commerce durable et le libre-échange, vecteurs de la lutte contre le changement climatique

La veille, le 5 décembre, Joel Ruet avait déjà été convié à une réception de haut niveau sur le thème « Le commerce durable et inclusif en tant que moteur de la croissance économique et de la prospérité ».

La réception a rassemblé :

  • Hillary Clinton, ancienne Secrétaire d’État des États-Unis,
  • Dr Ngozi Okonjo-Iweala, Directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce,
  • Maha AlQattan, Directrice générale du développement durable, DP World.

En ouverture, Hillary Clinton a cité Madeleine Albright, en se décrivant comme « une optimiste qui s’inquiète beaucoup », traduisant ainsi avec finesse l’esprit des participants à la COP28 à ce stade des négociations. Elle a rappelé les efforts de la Global Clinton Initiative en faveur de la durabilité environnementale et s’est réjouie qu’un accord ait pu être trouvé sur les pertes et dommages.

Néanmoins, la lutte contre le changement climatique nécessite également un plan d’action à long terme, dont le libre-échange fait partie, même s’il doit être repensé, a rappelé Mme Okonjo-Iweala. En effet, le libre-échange a eu jusqu’à présent des avantages et des inconvénients : les avantages sont certainement liés à sa capacité à assurer une large distribution des technologies vertes qui ont été mises à l’échelle à un coût rapidement décroissant ; la connectivité et le développement de la chaîne logistique ont également assuré leur portée à l’intérieur des terres, bien au-delà des capitales ou des principaux ports, un point que l’invité de DP World a également tenu à souligner. En ce qui concerne les améliorations nécessaires de l’empreinte carbone du libre-échange, Mme Okonjo-Iweala a rappelé plusieurs tendances positives ou points d’inflexion dans l’introduction de meilleures normes ESG dans la chaîne mondiale, en insistant notamment sur l’effet de levier de l’industrie du transport maritime.

Mme Okonjo-Iweala a plus généralement rappelé le rôle de la coordination entre les acteurs industriels, les gouvernements et la finance, une ligne d’analyse qui traverse l’histoire de The Bridge Tank depuis sa création, sur la base de laquelle nous avions notamment contribué à la task force sur l’énergie et le climat dans le cadre de la présidence du G20 en 2023.

Enfin, Mme Okonjo-Iweala a introduit une perspective progressiste bienvenue sur le libre-échange, qui n’est pas recherché en soi mais qui est accompagné de transparence, de normes équitables et de progrès social dans les pays et les systèmes économiques qui veulent participer au système de l’OMC. L’assistance, composée de personnalités de renom issues de divers secteurs industriels et géographies, a pu constater qu’une révolution silencieuse était en cours.

Hillary Clinton
Hillary Clinton, Ngozi Okonjo-Iweala, & Maha AlQattan
Accélérer la transition énergétique : outils économiques et acteurs

Un side event clé co-organisé par la Task Force sur la tarification du carbone en Europe présidée par Edmond Alphandéry, ancien ministre français de l’économie, et le think tank The Climate Overshoot Commission présidé par Pascal Lamy, ancien DG de l’Organisation mondiale du commerce, a fourni un compte-rendu détaillé de la réflexion sur les outils économiques, les perspectives technologiques et les priorités environnementales et morales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Dans la continuité de la présentation par la représentante du FMI des résultats d’une étude historique décrivant la répartition des subventions aux combustibles fossiles en fonction des capacités de production, et de la présentation par Lord Turner de la version actualisée de l’approche de l’Energy Transiton Commission sur le rôle respectif des différentes technologies, Joel Ruet a suggéré de travailler à une connexion entre les deux, non seulement en reliant les deux paramètres mais aussi en les ancrant dans des géographies, afin de préparer le terrain pour des scénarios et des politiques optionnels.

Le Bridge Tank ayant été un participant régulier de la Task Force, nous avons été heureux de voir les progrès continus de ses résultats et de ses réalisations au fil des ans.

L’événement parallèle « Coping with global warming and reducing risk of a warming climate » (Faire face au réchauffement climatique et réduire le risque d’un réchauffement du climat) a donné la parole à :

  • Edmond Alphandéry, Président de la Task Force sur la tarification du carbone en Europe, ancien ministre de l’économie de la France ;
  • Dora Benedek, Responsable de division, division de la politique climatique, département des affaires fiscales, Fonds monétaire international ;
  • Lord Adair Turner, Président de la Commission pour la transition énergétique ;
  • Julien Perez, Vice-président, stratégie et politique, Oil and Gas Climate Initiative (OGCI) ;
  • Pascal Lamy, Président de la Climate Overshoot Commission, ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce ;
  • Hina Rabbani Khar, ancienne ministre des affaires étrangères du Pakistan, membre de la Climate Overshoot Commission.
Lord Adair Turner

En matière d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, les acteurs comptent. Le 5 décembre, Joël Ruet était invité à participer à un dîner sur le thème « Accélérer la transition énergétique : la nécessité d’une action collective », organisé par la société de logistique émiratie DP World, et réunissant un ensemble d’acteurs économiques de l’industrie portuaire et maritime, des ONG engagées dans l’adaptation, et des grands industriels. Cet événement s’inscrivait dans la continuité de la participation de The Bridge Tank aux groupes de travail du Business20 du G20.

L’événement a permis de réfléchir à des pistes d’action pour faciliter et accélérer la transition vers des sources d’énergie à faible teneur en carbone, un sujet d’intérêt de longue date pour The Bridge Tank.

Le format « discussion au coin du feu » de l’évènement a accueilli les contributions de Jesper Kristensen, Group Chief Operating Officer, Marine Services DP World, Tiemen Meester, Group COO, Ports & Terminals, DP World, Sue Stevenson, Director of Strategic Partnerships and International Development, Barefoot College International, & Federico Banos-Lindner, Group SVP, Government Relations & Public Affairs, DP World. Les discussions ont été animées par Lynn Davidson, ancienne conseillère du président de la COP26, Alok Sharma, et ont été ponctuées d’une allocution de Rajiv Ranjan Mishra, chef de la délégation de la COP28, Confédération de l’industrie indienne (CII).

Lynn Davidson, Federico Banos-Lindner, & Sue Stevenson
Adaptation et résilience au changement climatique

Ayant récemment travaillé avec le bureau national du PNUD en Haïti sur le plan national d’adaptation de ce pays, The Bridge Tank a porté un intérêt particulier à la session intitulée « Changement climatique, insécurité et mobilité dans les États fragiles : Une nouvelle approche de l’adaptation au climat et de la consolidation de la paix » qui s’est tenue au pavillon de la Somalie et a été organisée par le Programme des Nations unies pour l’environnement, le ministère haïtien de l’environnement, la Somali Greenpeace Association et le Mécanisme des Nations unies pour la sécurité climatique.

Sur ce thème de l’adaptation, The Bridge Tank a également participé à un événement parallèle sur « l’apprentissage itératif mené localement et l’adaptation transformative pour renforcer la résilience des communautés » organisé par le Centre international pour le changement climatique et le développement et accueilli par le pavillon du FENU.

La COP28 a également été l’occasion de faire le suivi de notre side event de la COP27 avec la Banque Agricole de Développement du Niger sur leurs initiatives visant à promouvoir les systèmes d’assurance rurale.

La zone d’innovation de la COP28

Enfin, la Zone Innovation de cette année a accueilli une multitude d’initiatives sur l’innovation, la finance durable, l’hydrogène et l’agriculture. Cela s’est avéré être une occasion précieuse d’aiguiser l’esprit des uns et des autres sur les tendances à venir.

COP28 – Finance innovante pour les projets Climat en Afrique de l’Ouest

Le 3 décembre, Joel Ruet était l’un des invités au lancement officiel du Fonds d’Étude Climat (FEC) de la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD), à l’occasion d’un side event de la COP28 organisé par la BOAD avec le soutien de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA). Développé dans le cadre d’une assistance technique financée par l’Agence française de développement (AFD), le FEC vise à renforcer l’intégration régionale, la sécurité alimentaire, et la réponse aux défis climatiques au sein de l’UEMOA. En 2022, Joel Ruet avait été consulté sur le dimensionnement économique de ce fonds et avait participé aux échanges de la BOAD avec la Commission Économique de l’UEMOA et la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).

Ce Fonds pensé comme un outil « d’origination de projets » doit faire pièce à la croyance tenace mais fausse qu’il n’y aurait pas assez de projets bancables dans les économies en développement, thème de recherche du Bridge Tank (voir notre rapport sur le financement des banques commerciales an Afrique sub-saharienne), et concrètement vise à renforcer la capacité de mobilisation de ressources financières dédiées à l’action climatique dans la région UEMOA. Officiellement validé par le Conseil d’Administration de la BOAD et le Conseil des Ministres de l’UEMOA en septembre dernier, le FEC a pour mission d’accompagner les porteurs de projets environnementaux dans la réalisation d’études de faisabilité.

La BOAD définit le rôle du Fonds comme un outil accompagnant les Etats de l’UEMOA face aux difficultés rencontrées pour financer leurs Contributions Déterminées au niveau National (CDN) et permettant de lever les obstacles existants dans la préparation de projets environnementaux, par ex. faibles capacités financières de porteurs de projets climat, absence de financements pour la maturation de projets au niveau des Etats de l’UEMOA, ou encore les capacités techniques limitées dans l’élaboration de la documentation nécessaire aux projets climat finançables.

L’évènement de lancement à la COP28 à Dubai a également été marqué par la signature entre la BOAD et l’AFD d’une convention relative à l’abondement de ce fonds, les deux organisations étant représentées par Serge Ekue, Président de la BOAD et Rémy Rioux, Directeur Général de l’AFD. L’UEMOA était, quant à elle, représentée par le Commissaire Kako Nubukpo, en charge du Département de l’Agriculture, des Ressources en Eau et de l’Environnement. A partir de cet abondement de démarrage de 10 milliards de FCFA, la dotation du FEC est appelée à croître rapidement, pour ensuite se renouveler annuellement.

Kako Nubukpo, Serge Ekue, & Rémy Rioux

Summit of Minds 2023: Révolution technologique, géopolitique et finance durable

Du 15 au 17 septembre 2023, l’air alpin de Chamonix a inspiré les esprits créatifs et artisans du changement du monde entier réunis dans les Alpes pour le Summit of Minds de cette année sur le thème « Stretching Minds – Inspiring Change ». Deux de ces brillants esprits en présence étaient nuls autres que Djellil Bouzidi, économiste et fondateur d’Emena Advisory, et Pranjal Sharma, analyste économique et auteur de « The Next New – Navigating the Fifth Industrial Revolution » (Se frayer un chemin dans la cinquième révolution industrielle), tous deux board member de The Bridge Tank.

The Bridge Tank avait déjà pris part à l’édition 2021 du sommet.

Se penchant sur les questions économiques, sociétales, environnementales, technologiques et géopolitiques les plus pressantes du moment, le Summit of Minds a rassemblé des experts, investisseurs et praticiens de renom qui ont partagé leurs perspectives et exploré collectivement des approches créatives pour de nouvelles solutions.

Pranjal Sharma (centre)
Djellil Bouzidi (droite)
La révolution technologique dans un monde changeant

Durant le sommet, notre board member Pranjal Sharma s’est penché sur les thèmes de l’innovation technologique et de son exploitation, en les plaçant dans un contexte de dynamiques géopolitiques changeantes à travers le monde. Ces questions avaient déjà été abordées par M. Sharma lors du Davos Innovation Lunch 2022 de The Bridge Tank et lors du Forum économique mondial de Davos de cette année.

En matière de géopolitique, Pranjal Sharma a noté que ce qui est perçu à tort par beaucoup comme un désordre mondial grandissant est en fait un réaménagement du monde dans lequel de nouveaux alignements géopolitiques remettent en question la domination des pays de l’OCDE. Alors que les économies traditionnelles s’efforcent de s’adapter à ce climat changeant, les économies émergentes et en développement approfondissent la collaboration Sud-Sud, ce qui conduira inévitablement à l’accélération du commerce en devises régionales ( non-dollar) avec le soutien de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de l’Inde et du Brésil. La cartographie de la logistique mondiale va subir de profonds changements puisque de nouveaux corridors économiques, comme l’IMEC, ont été annoncés entre l’Inde, l’Europe et le Moyen-Orient lors du dernier sommet du G20 en Inde.

La révolution technologique exige une action résolue de la part des gouvernements en termes de contrôle et de réglementation de la technologie, a déclaré M. Sharma. La protection des enfants et des communautés vulnérables au sein du monde numérique sera un enjeu sociétal clé durant les années à venir. Mais au-delà de ces défis, la révolution technologique aura un impact positif considérable sur le renforcement de la durabilité.

Tirant parti de son livre récemment publié « The Next New – Navigating the Fifth Industrial Revolution », Pranjal Sharma a souligné la transformation des modèles d’entreprise résultant de la cinquième révolution industrielle. Cette transformation est le résultat de trois facteurs : les technologies émergentes, l’urgence de la durabilité et le besoin d’équité sociale. L’émergence de nouveaux modèles d’entreprise générera de nouvelles sources de revenus d’une valeur de 25 000 milliards de dollars, ce qui aura un impact sur toutes les entreprises et tous les secteurs d’activité.

L’avenir des obligations liées au développement durable

À Chamonix, Djellil Bouzidi, économiste, fondateur d’Emena Advisory et board member de longue date de The Bridge Tank, s’est entretenu avec Eoin Murray, responsable des investissements, Federated Hermes, Royaume-Uni, sur le thème des obligations liées au développement durable (sustainability-linked bonds, SLB). M. Bouzidi, l’un des premiers partisans des SLB, dont il a exposé les principes en 2015, et l’un des principaux experts en la matière depuis lors, a apporté des éclaircissements sur ces obligations, dont le principal, contrairement aux obligations vertes standard, varie en fonction de la réalisation d’objectifs prédéterminés en matière de durabilité. La discussion a porté sur la croissance des SLB sur les marchés privés et auprès des émetteurs souverains, tout en analysant leur efficacité environnementale.

Après avoir conseillé des émetteurs du monde entier, et notamment le gouvernement chilien pour l’émission du premier SLB souverain au monde en mars 2022, M. Bouzidi a récemment tiré la sonnette d’alarme sur les lacunes et les approches problématiques du marché actuel des SLB, qui menacent la viabilité future de ces outils de financement durable.

En 2020, Djellil Bouzidi avait publié un article de référence sur le sujet pour le Forum officiel des institutions monétaires et financières, intitulé « How climate cuffs could save the planet » (Comment les bons climatiques pourraient sauver la planète).

Accélérer les ODD et débloquer de nouveaux modèles d’engagement à mi-course de l’Agenda 2030

En amont de la Conférence des Nations unies sur les Objectifs de développement durable, Joel Ruet s’est joint à une table ronde animée par notre board member Judit Arenas dédiée à mettre en lumière de nouveaux modèles d’engagement transformateurs pouvant contribuer à accélérer la mise en œuvre et la réalisation des ODD de l’ONU.

Organisée le 14 juillet par APCO Worldwide et EY et présidée par Judit Arenas, directrice d’APCO Worldwide, les échanges ont porté sur les moyens d’accélérer les efforts pour atteindre les objectifs fixés par les ODD. L’Agenda 2030 étant arrivé à mi-parcours, la réunion a permis d’aborder les opportunités et les lacunes existantes dans la poursuite des ODD. Comment intégrer et mobiliser au mieux les parties prenantes dans tous les secteurs, favoriser un dialogue transformateur, obtenir des consensus et explorer de nouveaux modes d’engagement – tant de sujets qui ont rythmé les échanges.

Joel Ruet a ainsi partagé la perspective de The Bridge Tank et l’expérience accumulée en la matière au fil des ans. Se concentrant sur le continent africain, Joel Ruet a noté que grâce au soutien du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), un nombre croissant d’Etats avaient développé des stratégies de financement intégrées pour la réalisation des ODD. L’un des grands défis de notre temps est donc de savoir comment réaliser au mieux ces stratégies et mobiliser des financements internationaux.

Deux points sont à souligner ici:

  • Les programmes devront être élaborés sur la base de portefeuilles de projets ou de pré-projets. Cette logique d’origination des projets au niveau national assure un niveau de cohérence et d’homogénéité pour chaque pays. Aucune coordination internationale plus large n’est nécessaire à cet effet. Au contraire, cette approche garantit une plus grande lisibilité des programmes et des portefeuilles de projets. Elle s’appuie sur la science, les bonnes pratiques, les savoir-faire et les technologies, en particulier pour les ODD ayant une composante technique plus importante (par exemple, la gestion des ressources en eau, les sols et les terres, les énergies renouvelables). La communauté internationale et les banques panafricaines de développement financent et exploitent ces outils depuis des années dans la formulation de ces programmes.
  • Il est essentiel d’impliquer les institutions financières locales, sous-régionales et panafricaines dans les montages financiers qui en résultent. Une fois que les portefeuilles de projets et les programmes ont été dé-risqués par la communauté internationale, fournissant un degré d’assurance pour les programmes, ces derniers deviennent rentables. Il est donc nécessaire d’intégrer les institutions financières régionales dans leur financement. Cela garantit une plus grande égalité, l’accès à la rentabilité et le renforcement des capacités des institutions financières du Sud. Ce renforcement des capacités n’est pas en premier lieu institutionnel et organisationnel, mais se réalise à travers des actions concrètes.

La réunion s’est déroulée selon les règles de Chatham House. Elle a rassemblé des hauts responsables du secteur privé, des décideurs politiques, des chercheurs, universitaires, des organisations de la société civile et des membres de diverses organisations internationales et associations professionnelles.

FRANCE CULTURE – Crédits carbone des forêts tropicales d’Afrique : crise ou Eldorado ?

Dans la continuité des travaux de The Bridge Tank sur la finance verte et de notre investissement dans le cadre du G20 pour une nécessaire implication des organismes financiers du Sud dans la définition de cette dernière, Joël Ruet était l’invité du « Magazine du week-end » sur France Culture pour une émission dédiée aux crédits carbone dans la forêt tropicale en Afrique.

Alors que les projets de compensation carbone sur la base d’efforts de conservation des forêts se multiplient, l’efficacité de ces nouveaux mécanismes financiers est aujourd’hui remise en question. L’émission était l’occasion pour Joël Ruet d’échanger avec Alain Karsenty, Chercheur au Département « Environnements et Sociétés » du CIRAD et Wannes Hubau, Ingénieur biologiste spécialisé dans les forêts tropicales, professeur à l’université de Gand, sur les limites et opportunités de ces modèles de financement climat innovants.

Au micro de Marguerite Catton, Joël Ruet a introduit les grands défis rencontrés aujourd’hui dans la structuration d’outils de finance verte:

« Il y a une finance verte qui est en cours de structuration, qui est nécessaire mais qui n’existe pas, ce qui est le lieu de tous les dangers d’appropriation et d’expropriation. D’autre part, cette finance verte doit à la fois couvrir la finance pour le climat, pour le développement durable et pour la biodiversité. Il y a donc 3 finances qui n’existent pas, qui doivent se définir, se codéfinir simultanément, avec des parties prenantes très disparates : les populations, les états du Sud, les organismes du Nord, et les pouvoirs financiers du Nord. »

Dans ce contexte, les forêts tropicales africaines génèrent un intérêt tout particulier pour des projets de compensation carbone. Souvent décrites comme les poumons de la planète, ces forêts jouent un rôle clé dans la séquestration du carbone et constituent de fait des puits de carbone importants qu’il s’agit aujourd’hui de conserver. Les projets de compensation carbone sur la base d’actifs forestiers offrent ainsi une finance d’un nouveau genre,

« une finance qui ne va plus être dans les ordinateurs de Wall Street ou de la city mais géolocalisée dans des endroits où les gens vivent, où les états souverains essaient d’être souverains sur le plan économique. »

La structuration d’actifs financiers sur la base de la capacité de ces forêts à capter et séquestrer du carbone dépend toutefois de certaines conditions, comme a pu le noter Alain Karsenty, Chercheur au Département « Environnements et Sociétés » du CIRAD.

« Ce n’est pas parce qu’un pays a une forêt qui absorbe du CO2 qu’il peut vendre des crédits carbone, l’absorption doit être additionnelle. Il faut qu’un pays puisse démontrer qu’il a pris des mesures pour réduire la déforestation par rapport à un scénario de référence. »

Prenant l’exemple du Gabon, Joël Ruet a souligné les nécessaires arbitrages politiques à l’incorporation de la forêt tropicale dans la CDN du pays. Il s’agit en premier lieu de différencier ce qui relève du don de la nature d’une part et des efforts de protection consentis dans le puits de carbone actuel de l’autre, ainsi que de modéliser l’avenir, une tâche difficile tant l’incertitude est quasi-entière sur la réaction des forêts au changement climatique en cours.

Si la forêt gabonaise absorbe aujourd’hui 100 millions de tonne de CO2, le simple maintien d’une telle capacité d’absorption à l’horizon 2050 nécessitera des efforts de conservation et de non-déforestation importants. Ceux-ci impliquent des mesures inconditionnelles et d’autres conditionnelles au financement international.

La dichotomie entre eldorado & crise des crédits carbone émane donc également de l’incertitude autour du périmètre ainsi que de la durabilité du sous-jacent: de sa stabilité biologique dans le temps, des modèles scientifiques sur lesquels ces mécanismes de compensation reposent, et de la sincérité des mesures et certifications par des acteurs privés intéressés au résultat.

Selon Wannes Hubau, ingénieur biologiste spécialisé dans les forêts tropicales, professeur à l’université de Gand, l’augmentation de la concentration de carbone dans l’atmosphère affecte directement la forêt:

« avant les émissions de CO2 les forêts matures étaient en équilibre avec l’atmosphère donc il y avait du carbone séquestré par les arbres qui poussent et dégagé par les arbres qui meurent, mais maintenant on a découvert que cette pratique libre n’existe plus. A cause d’une fertilisation du CO2 il y a plus de croissance et donc plus de carbone capturé que de carbone qui échappe alors les forêts sont devenues un puits de carbone. »

De nombreux défis d’inclusivité et de justice sociale subsistent encore pour ce marché encore balbutiant,

« c’est un marché relativement jeune. Il faudra encore améliorer les réglementations pour que les fonds arrivent vraiment aux villages où se trouvent les gens qui protègent la forêt. »

Alain Karsenty pointe également du doigt les questions de crédibilité, d’efficacité et d’intégrité environnementale de ces compensations carbone.

« Tout est basé sur un scénario de référence. Cela peut être le passé, en comparant avec les niveaux de déforestation dans le passé […] ou alors un scénario business as usual, avec une déforestation augmentant dans des proportions prédéfinies pour répondre à des besoins de développement et de population qui augmente. Or ces scénarios sont à la main de ceux qui les produisent, c’est-à-dire les gens qui élaborent des projets, ou les états qui élaborent leurs scénarios de référence. On ne peut pas les contester et ces scénarios impliquent souvent de fortes augmentations de déforestation. […] Il y a un problème de crédibilité majeur du point de vue de l’intégrité environnementale de ces mécanismes. »

De Davos à New York: The Bridge Tank continue ses recherches sur la finance bleue

La présence de The Bridge Tank à Davos, en Suisse, lors du Forum économique mondial 2023 et notre participation à la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023 à New York ont constitué deux jalons importants dans nos recherches sur la finance bleue et les outils financiers innovants en soutien à l’hydro-diplomatie. Ceci intervient quelques semaines après le lancement de la World Water for Peace Conference.

Le 19 janvier 2023, la promotion de la coopération transfrontalière en matière de ressources hydriques a élu domicile à la House of Switzerland à Davos. Représenté par son président, Joël Ruet, et Raphaël Schoentgen, board member, The Bridge Tank y a participé à un événement intitulé Innovative Impact Investing through Blue Peace Bond (Investissement à impact innovant grâce au Blue Peace Bond) co-organisé par le Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU/UNCDF) et la Direction du développement et de la coopération suisse (DDC). Deux mois plus tard, le 23 mars, The Bridge Tank a participé à une seconde session sur ce même sujet au siège des Nations Unies à New York lors de la conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, en présence de Joël Ruet et de Cédric Terrasson, rédacteur et analyste junior.

Ces deux sessions ont permis de présenter la vision et la structure de la Blue Peace Financing Initiative, un nouveau programme de financement bleu visant à utiliser l’eau et les fleuves transfrontaliers comme point d’entrée pour la consolidation de la paix et le développement socio-économique. Le programme contribuera à développer et à soutenir financièrement des cadres de coopération multisectorielle afin de promouvoir une cogestion durable et intégrée des fleuves transfrontaliers et des ressources en eau. Blue Peace viendra en appui du développement de ces cadres de coopération et des plans d’investissement qui leur sont associés en émettant des obligations Blue Peace qui faciliteront l’accès aux capitaux publics et privés.

Ceci est d’un grand intérêt pour les organismes de bassins versant (OBV) du monde entier. Le projet pilote pour lequel le premier Blue Peace Bond sera émis en 2023 a ainsi été développé en soutien à un organisme de bassin versant d’Afrique de l’Ouest, à savoir l’Organisation pour la mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG).

Investir dans l’Eau pour la Paix et le Développement

Conformément aux objectifs de développement durable des Nations unies, l’initiative Blue Peace vise à fournir un accès aux services liés à l’eau qui soit à la fois abordable, inclusif et sûr afin de garantir la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable et le développement des énergies vertes.

Patricia Danzi

Le programme est fondé sur l’idée que l’eau peut être un vecteur de paix, de coopération et de développement socio-économique. Blue Peace encourage ainsi une gestion intégrée plus équitable, durable et apaisée des ressources en eau transfrontalières.

La session de Davos a été ouverte par Patricia Danzi, Ambassadrice, Directrice générale de la DDC, et modérée par Christian Frutiger, Ambassadeur, Directeur général adjoint de la DDC, qui a donné la parole aux intervenants suivants :

  • Jaffer Machano, Global Program Manager, FENU/UNCDF
  • Rukan Manaz, Program Specialist, Blue Peace Financing, FENU/UNCDF
  • Hans-Ruedi Mosberger, Responsable de la gestion des actifs et du développement durable, Association suisse des banquiers (ASB)
  • Matus Samel, Directeur de recherche, Economist Impact
Christian Frutiger
Rukan Manaz & Jaffer Machano
Hans-Ruedi Mosberger

Lors de la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, la session a été inaugurée par Mourad Wahba, Responsable du FENU, et a bénéficié des contributions des intervenants suivants :

  • Daouda Samba Sow, Secrétaire Général, OMVG
  • Rohey John Manjang, Ministre de l’environnement, du changement climatique et des ressources naturelles, Gambie,
  • Usha Rao-Monari, Secrétaire générale adjointe et administratrice associée, Programme des Nations unies pour le développement (PNUD),
  • Benjamin Powell, Responsable du marché de la dette durable, Skandinaviska Enskilda Banken (SEB),
  • Tania Rödiger-Vorwerk, Directrice générale adjointe, ministère fédéral de la coopération économique et du développement (BMZ), Allemagne,
  • Marjeta Jager, Directrice générale adjointe, DG INTPA, Commission européenne
  • Douglas R. Eger, Président-directeur général, Intrinsic Exchange Group.
Le soutien aux OBV pour un changement durable

Représentant le FENU, Jaffer Machano et Rukan Manaz ont présenté au public de Davos l’approche et la structure de la Blue Peace Financing Initiative. La pression sur les ressources en eau étant devenue l’un des grands défis de notre temps, l’eau est aujourd’hui une source de tension et de conflit dans de nombreuses régions du monde. L’ambition de Blue Peace est de mettre fin à cette mauvaise dynamique et de faire de cette question controversée un point d’entrée pour la coopération et le développement durable.

L’objectif et la mission de Blue Peace sont de générer et de soutenir des initiatives de coopération dans le domaine de l’eau et de développer une compréhension commune de la gestion des ressources en eau transfrontalières en encourageant la prise de décision fondée sur les données. Pour atteindre cet objectif, Blue Peace soutient les entités locales et régionales non-souveraines chargées de la gestion de l’eau, telles que les organismes de bassins versant.

Le soutien de Blue Peace s’articule autour de deux activités essentielles :

  1. Le renforcement des capacités et le développement technique ;
  2. Faciliter l’accès aux capitaux publics et privés par le biais d’un outil financier innovant, à savoir les Blue Peace Bonds.

Le projet pilote de l’initiative de financement Blue Peace en est le meilleur exemple.

Un projet pilote en Afrique de l’Ouest : l’Organisation pour la mise en valeur du bassin du fleuve Gambie (OMVG)
1. Renforcement des capacités et assistance technique

L’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG) est un OBV qui assure la cogestion et le développement du bassin du fleuve Gambie. L’organisation comprend quatre États membres, allant des sources au delta du fleuve Gambie : Guinée, Guinée-Bissau, Sénégal et Gambie.

En décembre 2019, l’OMVG et le FENU ont signé un partenariat de collaboration entre les deux organisations. Le Conseil des ministres de l’OMVG a ensuite publié une résolution (Nr.13/CM/45/B/G) donnant le feu vert à l’élaboration du « Plan directeur de développement intégré de l’OMVG, qui servira de base au plan d’investissement conjoint de l’OMVG« . Un tel plan directeur englobe des projets aussi divers que le développement de l’hydroélectricité, de l’accès à l’eau potable, des parcs naturels, de l’irrigation des terres agricoles ou encore des systèmes de transport et de navigation.

Il s’agit là de la première étape de Blue Peace. L’assistance technique et le renforcement des capacités institutionnelles soutiennent l’élaboration de ce plan directeur multisectoriel, offrant une perspective de développement à long terme mise en œuvre par le plan d’investissement conjoint.

2. Faciliter l’accès aux capitaux

Dans la deuxième phase de la Blue Peace Financing Initiative, le partenariat entre l’OMVG et le FENU permet de doter « l’OMVG des outils adéquats pour développer des mécanismes de financement innovants qui lui permettront d’accéder directement aux marchés financiers par le biais de l’émission d’obligations ». Afin de développer et d’atteindre les objectifs du plan directeur et du programme d’investissement commun, l’entité régionale sous-souveraine (dans ce cas, l’OMVG, une organisation multiétatique) émettra une obligation Blue Peace afin de mobiliser des capitaux. Cela se fera par l’intermédiaire d’un Fonds Commun de Créances (FCC) (Special-purpose Vehicle, SPV) créé et contrôlé par l’organisme de bassin, qui est chargé de la gestion et de la mise en œuvre du plan d’investissement.

En s’appuyant sur le plan directeur pour le développement intégré, « l’approche portefeuille » des Blue Peace Bonds permet de combiner de grands projets d’infrastructure qui génèrent des revenus avec des projets plus petits, mais tout aussi importants, qui dépendent davantage des subventions. Cette diversification et ces subventions croisées offertes par les obligations Blue Peace permettent de dérisquer les investissements tout en acheminant des fonds vers des projets plus modestes.

Les partenaires financiers de Blue Peace soutiennent l’obligation Blue Peace en mobilisant les banques et les investisseurs, tout en contribuant à dérisquer l’obligation. Le FCC est chargé de rembourser intérêts et principal grâce aux revenus générés par les projets. En 2023, la première phase de mobilisation de capitaux couvrira entre 500 et 750 millions USD, avec une perspective de 2 milliards USD dans les années à venir.

Les futurs projets Blue Peace

Le Blue Peace Index est un outil qui jouera un rôle important dans le soutien de l’initiative de financement Blue Peace. Matus Samel, directeur de recherche chez Economist Impact, décrit l’indice comme un outil mesurant le degré auquel les pays et les bassins gèrent leurs ressources en eau transfrontalières de manière durable, équitable et collaborative.

L’indice analyse 74 indicateurs qualitatifs et quantitatifs dans cinq domaines :

  • Cadres politiques et juridiques – développement des cadres législatifs et réglementaires au niveau national et au niveau des bassins
  • Institutions et participation – dispositifs institutionnels existants pour la coopération intersectorielle, le renforcement des capacités et la mise en commun de données.
  • Instruments de gestion de l’eau – mise en œuvre des mécanismes de gestion de l’eau
  • Infrastructures et financement – mise en œuvre d’investissements durables dans la gestion de l’eau
  • Contexte de coopération – exposition aux principaux moteurs et facteurs de risque pour la paix

L’indice fournit une vue d’ensemble de l’environnement favorable au financement et à l’investissement dans la gestion des eaux transfrontalières. L’évaluation de l’état de préparation à l’initiative de financement Blue Peace encouragera les investissements adéquats en aidant à identifier les acteurs à soutenir.

Matus Samel
Attirer les investisseurs pour Blue Peace

Comme l’a fait remarquer Hans-Ruedi Mosberger, responsable de la gestion d’actifs et du développement durable à l’Association suisse des banquiers, le Blue Peace Bond a l’avantage d’avoir été conçu en prenant en compte le point de vue des investisseurs.

M. Mosberger a souligné que les investisseurs n’aiment pas les investissements ponctuels, préférant les projets évolutifs et réplicables qui créent un historique dérisquant l’investissement. La diversification offerte par l’approche portefeuille et le financement croisé de Blue Peace qui s’appuie sur le plan directeur pour le développement intégré contribue à l’amélioration du rapport risque-rendement.

La structure de financement de Blue Peace est un mécanisme prometteur impliquant un financement mixte, c’est-à-dire l’utilisation de fonds publics pour générer une dynamique qui permettra ensuite de lever des capitaux privés, et des obligations non souveraines pour produire un impact positif par le biais de l’eau et des fleuves transfrontaliers.

Comme l’ont toutefois souligné les interventions de M. Ruet et M. Schoentgen lors de la séance de questions-réponses à Davos, cette coopération Sud-Nord ne doit pas seulement impliquer les institutions financières du Nord, mais doit aussi intégrer les institutions financières et les prestataires de services du Sud, afin de permettre à ces derniers de développer leur propre écosystème financier et d’en tirer parti.

Raphael Schoentgen
Joel Ruet

The Bridge Tank s’associe aux Rencontres Technology for Change 2023 de l’École Polytechnique

Du 4 au 6 avril 2023 ont eu lieu à Paris les Rencontres Technology for Change, organisées par la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique. Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, est intervenu lors de la Conférence d’Ouverture, le 4 avril, dans le cadre d’une session sur la question de l’accès à l’eau et de la préservation des ressources en eau comme enjeu de développement durable.

Les Rencontres Technology for Change ont pour mission d’établir un état des lieux des liens entre technologie, société et industrie afin d’explorer différentes approches et perspectives pour un développement et une innovation technologique contribuant à un monde plus durable et inclusif. En ouverture de la Conférence s’est tenue le 4 avril dans l’enceinte du Collège de France une session intitulée « Accès à l’eau : gestion et préservation – Quelles sont les stratégies actuelles et les challenges à relever pour placer l’eau au centre des problématiques de développement durable ? », autour de:

  • Pilar Acosta – Professeure en Science de gestion, École polytechnique, IP Paris
  • Joël Ruet – Économiste, Chercheur CNRS, École polytechnique, IP Paris & Président, The Bridge Tank
  • Marie-Laure Vercambre – Directrice générale, Partenariat Français pour l’Eau

La session a abordé les grandes questions et enjeux de l’eau dans le monde actuel: quelles sont les stratégies actuelles en gestion de l’accès à l’eau ? en préservation de l’accès à l’eau ? Qu’en est-il au niveau international ?
Comment placer l’eau au centre des problématiques de développement durable ? Dans quelle mesure la technologie est-elle un levier pour relever ces défis?

Marie-Laure Vercambre a ainsi rappelé le contexte de crise mondiale de l’eau, avec une demande qui va continuer à croître de 1% par an jusqu’en 2050. L’Agenda 2030 et l’objectif 6 des ODD de l’ONU résument les nombreux défis dans la gestion et la conservation de l’eau douce: accès à l’eau potable, assainissement, qualité de l’eau, utilisation rationnelle, gestion intégrée des ressources en eau, enjeux transfrontaliers, gouvernance, préservation des écosystèmes, etc. La transversalité des enjeux de l’eau présente un défi de taille dus aux approches en silo des différents utilisateurs. Une telle approche n’est pas appropriée pour la gestion d’un bien commun mais est difficile à infléchir. Joël Ruet a quant à lui souligné que l’organisation des pratiques devait se faire sur 3 axes: 1) optimisation de la ressource, 2) préservation/conservation en considérant l’eau et ses écosystèmes, 3) renaturation.

La technologie est un levier important pour relever ces nombreux défis: transport d’eau, dessalement, traitement de l’eau, ou réutilisation. Répondre à ces enjeux nécessite également plus de données spatio-temporelles, pour lesquels des outils technologiques sont nécessaires. Joël Ruet a ainsi également rappelé l’importance de préserver les têtes de sources des fleuves, un défi de taille puisque celles-ci se trouvent le plus souvent dans des zones plus reculées. Prenant l’exemple du Massif du Fouta Djalon en Guinée, une zone montagneuse menacée par les effets du changement climatique et la pression démographique, dans laquelle se trouve les sources de grands fleuves ouest-africains, Joël Ruet a illustré cette transversalité des actions nécessaires pour la préservation des ressources en eau. Celle-ci impacte les méthodes d’exploitation agricoles et forestières, d’agroforesterie, ainsi que le besoin de création de donnée locale. L’incubation de strartups locales est un terrain d’action intéressant pour soutenir le développement de cette technologie et de ces données nécessaires à l’action de conservation. Celles-ci pourront également être mobilisées pour des mécanismes de finance verte. Ces derniers ont besoin de données pour mesurer l’impact du changement transformationnel qu’ils visent à financer.

Massif du Fouta Djalon: Un plan d’action et un appel à la préservation lancé aux Nations Unies

Le Massif du Fouta Djalon – château d’eau de l’Afrique de l’Ouest – se meurt. Ce trésor de la nature abrite dans ses hauts plateaux forestiers en Guinée les sources des grands fleuves Sénégal, Gambie et Niger, abreuvant ainsi une région de près de 300 millions d’habitants. Face à l’urgence de la menace qui pèse sur les écosystèmes fragilisés du Fouta Djalon, The Bridge Tank, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) et l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) ont uni leurs forces pour alerter la communauté internationale et présenter un plan d’action lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Eau 2023 à New York.

Le 24 mars, The Bridge Tank, IAGF, et l’OMVS ont organisé dans l’enceinte du siège de l’ONU un side event officiel sur le thème « Le Fouta Djalon: Visions & Actions pour la Sauvegarde du Chateau d’Eau de l’Afrique de l’Ouest » avec le soutien officiel de la France et de la Guinée, représentées respectivement par Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française et par la directrice de cabinet d’Aly Seydouba Soumah, Ministre de l’Énergie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures de la République de Guinée. Le side event a été organisé en partenariat avec l’Agence Française de Développement (AFD), le Partneriat Français pour l’Eau (PFE), le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), et le Geneva Water Hub.

Structure de la session:

  • Ouverture de la session par Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française, Erik Orsenna, Président, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) & membre de l’Académie française, et Joël Ruet, Président, The Bridge Tank
  • Présentation et état des lieux des défis dans le Fouta Djalon par Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée et Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger (ABN)
  • Le rôle des organismes de bassin et les actions en cours par Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement (AFD)
  • Un programme d’action et une discussion autour des solutions pour la sauvegarde du Fouta Djalon.

Retrouvez l’enregistrement de la session dans son intégralité sur notre chaîne YouTube.

Erik Orsenna, Bérangère Couillard & Joël Ruet
Bérangère Couillard
Ouverture de la session aux Nations Unies

Venant appuyer le soutien de la France pour ce side event onusien modéré par Sophie Gardette, Directrice, IAGF, Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française a ouvert la session par une allocution au panel.

Dans son intervention, la secrétaire d’État a introduit l’importance de préserver le massif du Fouta Djalon et son incroyable écosystème afin de protéger les grands fleuves d’Afrique de l’Ouest, soulignant au passage l’interdépendance entre la préservation des écosystèmes et la disponibilité en eau, tant en quantité qu’en qualité. Madame Couillard a également salué le travail des organismes de bassins de la sous-région, notamment l’OMVS, et leur rôle dans la gestion intégrée des ressources en eau au niveau des bassins transfrontaliers. Ce fut une occasion de rappeler à l’auditoire le rôle de la France dans le développement et la promotion de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) et d’encourager une approche multi-sectorielle, conciliant l’ensemble des acteurs puisant sur les ressources du Fouta Djalon et impactant ses écosystèmes. En conclusion, Madame Couillard a rappelé l’importance de la Convention des Nations Unies sur l’Eau et a salué le rôle précurseur du Sénégal et du Tchad, qui ont été les premiers pays hors-Europe à rejoindre la Convention.

Erik Orsenna
Bérangère Couillard & Joël Ruet
Erik Orsenna – Le cycle de l’eau et le cycle de la vie

En tant que co-hôte et co-organisateur de cet évènement, Erik Orsenna, Président des Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) & membre de l’Académie française, a lancé un appel à l’action afin de préserver les écosystèmes forestiers et fluviaux du Fouta Djalon. Face à la complexité et la diversité insaisissable de l’eau, « première de toutes les matières », M. Orsenna a insisté sur l’importance de recourir à des personnages concrets et des histoires pour communiquer les défis de la gestion et de la préservation des ressources en eau.

Les fleuves, et notamment les grands fleuves Sénégal, Gambie, et Niger dans le cas du Fouta Djalon, forment cette unité du vivant, ces personnages vivants dont l’histoire peut être racontée. Citant un de ses prédécesseurs à l’Académie française, Jacques-Yves Cousteau, M. Orsenna a noté que « le cycle de l’eau c’est le cycle de la vie. » La santé biologique, la santé économique et la santé sociale sont ainsi intimement liées.

Cette unité du cycle de l’eau et de la vie se retrouve également en Afrique: 60 % de l’eau potable consommée à Dakar et 100% de celle consommée à Nouakchott viennent du fleuve Sénégal. De plus, Erik Orsenna a fait l’expérience d’un autre théorème en se rendant sur les bords du Lac Tchad au Niger: « moins il y a d’eau dans le lac Tchad, plus il y a de terroristes ». « Et c’est pour ces deux raisons-là que nous avons décidé de lancer l’alerte sur le Fouta parce que le Fouta c’est la source de toute cette vie dans l’Ouest africain, » a conclu Erik Orsenna.

Joël Ruet – Expériences du terrain

Offrant un témoignage de son voyage dans le Fouta Djalon avec Hamed Semega, ancien haut-commissaire de l’OMVS, Joël Ruet, Président de The Bridge Tank & économiste à l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation i3t, CNRS a tout d’abord rendu hommage à M. Semega, avec qui il avait fait ce voyage et qui avait été le premier haut-commissaire à se rendre sur les sources du fleuve Sénégal. La mission sur place avait révélé que les hommes et femmes, populations locales vivant à proximité des sources, souffraient également du manque d’eau. Là où l’on ne trouve aujourd’hui plus que des flaques d’eau pittoresques, 10 ou 15 ans auparavant, ces mêmes mares étaient de taille à y voir se noyer un adulte. Il s’agit donc aujourd’hui de transformer un cercle vicieux en cercle vertueux a indiqué Joël Ruet, avant d’ajouter que « les solutions sont avec les gens, avec les communautés locales, et il est de notre responsabilité morale et humaine en tant que communauté internationale de les appuyer dans leurs initiatives. »

Soufiana Dabo
Un Fouta Djalon à l’agonie

Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée, a décrit le contexte actuel du Fouta Djalon avant de rappeler les défis et les menaces pesant sur ce massif qui abrite les sources du fleuve Sénégal, du fleuve Gambie, du fleuve Niger et d’autres plus petits fleuves. Ce territoire montagneux dans le nord de la République de Guinée et s’étendant vers le Sénégal, le Mali et la Guinée-Bissau se situe à des altitudes allant d’un peu plus de 500 à 1515 mètres, avec le Mont Loura comme point culminant. L’écosystéme unique du Fouta Djalon est aujourd’hui en danger et de nombreuses espèces endémiques, de la faune ou de la flore, se font rares.

La région est habitée par des agriculteurs et des éleveurs sédentaires dont les activités cohabitent. La pression démographique a néanmois mené à des mouvements de populations vers les sources d’eau afin de répondre aux besoins d’eau pour l’agriculture et pour la consommation quotidienne, à la fois humaine et du bétail. Cette pression sur les sources cause une diminution des quantités d’eau disponibles mais également la dégradation des abords des fleuves, impactant à la fois l’amont en Guinée et les pays et 300 millions de personnes vivant en aval.

Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger (ABN), a également noté des dégradations supplémentaires infligées au massif par l’homme. Celles-ci impliquent par exemple la fabrication des briques cuites, les coupes de bois abusives et l’exploitation minière, en particulier l’exploitation traditionnelle de l’or.

La réduction du couvert végétal et la dégradation des sols – conséquence du surpâturage et de pratiques agricoles inappropriées au contexte démographique, telles que l’agriculture sur brûlis et la réduction des temps de jachère ont également contribué à fragiliser le Fouta Djalon. Ces pratiques agricoles et forestières non durables réduisent les couverts forestiers et assèchent les sols, menaçant la stabilité des écosystèmes du Fouta Djalon. Ces dynamiques accélèrent ainsi la désertification et l’ensablement des cours d’eau et de leurs sources, réduisant également la capacité d’absorption des sols. La menace est aussi environnementale, puisque le changement climatique affecte la pluviométrie et le microclimat particulier du Fouta Djalon, avec des températures sans cesse en hausse.

« Ensemble nous devons mobiliser nos actions, énergies, consciences, et l’information autour de ce qui doit être entrepris dès maintenant pour restaurer cet écosystème […], pour amener les population à prendre conscience mais aussi à continuer leurs activités sans être en conflit avec la nature, » a conclu M. Dabo.

« Si nous n’agissons pas activement pour changer la donne et refaire vivre le massif du Fouta Djalon, le risque serait pour l’ensemble de ces pays (ndlr: les 9 pays membres de l’ABN), pour l’ensemble de ces populations en Afrique, » a quant à lui conclu M. Hamid.

Les organismes de bassin au coeur de l’action de sauvegarde

Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement (AFD) a présenté les initiatives de préservation et de gestion durable existantes et les actions déjà menées sur le terrain par l’AFD. Celles-ci sont notamment développées et menées en partenariat avec les différents organismes de bassin de la région. La présence de hauts responsables de ces organismes de bassins, avec M. Soufiana Dabo pour l’OMVS, un organisme que l’AFD appuie depuis environ 40 ans, et M. Abderahim Bireme Hamid pour l’ABN, avec laquelle l’AFD collabore depuis une vingtaine d’années, a illustré l’investissement et le rôle central de ces organismes dans la gestion des ressources hydriques et la préservation des écosystèmes de la région.

Il s’agit d’éviter la tragédie des communs et la tragédie du Fouta Djalon, a déclaré M. Goujon, citant le concept développé par Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009. Les défis dans l’action de préservation sont nombreux: manque de connaissances, de mesures, et de données sur les conséquences des changements hydrologiques,  connaissance de la ressource en déclin, ou encore besoins de nouvelles technologies et de moyens et dispositifs humains pour maintenir des réseaux de mesure.

L’action de l’AFD en partenariat avec les organismes de bassin se structure autour de projets comme le projet SCREEN avec l’OMVS, un projet de mesure altimétrique avec des technologies spatiales en collaboration avec de nombreux acteurs français (ex. CNR, IRD, BRL, et CNES). Le projet DYNOBA de dynamisation des organismes de bassin transfrontaliers en Afrique encourage le partage d’expériences entre les organismes de bassin. Le Fouta Djalon pourrait être un terrain d’application de ce partage. L’AFD travaille actuellement également à un projet d’appui aux services météorologiques nationaux de Guinée, afin de renforcer la météorologie nationale et de produire des données plus fiables.

« Il y a plusieurs niveaux auxquels il faut travailler : les niveaux institutionnels, internationaux, nationaux, le niveau local avec les populations pour avoir un impact bénéfique sur cet espace, » a conclu M. Goujon.

Un plan d’action pour le Fouta Djallon

L’objectif de ce side event était non seulement d’alerter la communauté internationale sur la situation alarmante d’un Fouta Djalon mourant mais également de présenter un plan d’action et d’axes prioritaires à mobiliser pour la préservation du massif. Joël Ruet, Président, The Bridge Tank & économiste à l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation i3t, CNRS a ainsi présenté les nécessaires composantes du plan d’action que nous proposons:

  1. Le soutien et la mobilisation des communautés locales du Fouta Djalon, en établissant par exemple un catalogue de bonnes pratiques durables combinant des méthodes agricoles & de préservation des écosystèmes traditionnelles et modernes et en sensibilisant et en formant les populations locales;
  2. Encourager la recherche et l’innovation au niveau local et régional, afin d’améliorer les connaissances et les données sur les ressources et les écosystèmes du Fouta Djallon, à travers l’incubation de start-ups technologiques, le soutien à des projets de recherche, l’ingénierie environnementale locale, le développement de solutions basées sur la nature;
  3. La volonté politique et la coopération régionale à travers la création d’une assemblée des États d’Afrique de l’Ouest, des organismes de bassin et des organisations multilatérales sous-régionales, soutenue par la communauté internationale, pour le Fouta Djallon, afin de développer un cadre de coopération régionale autour de cette ressource commune et d’assurer la durabilité sociale, sociétale et environnementale dans les hauts plateaux et dans toute la région ;
  4. La mobilisation de nouveaux mécanismes de financement vert et bleu au profit du Fouta Djalon, pour la préservation de la biodiversité et le développement des hauts plateaux avec le soutien international.

En particulier, dans la continuité des actions déjà mises en oeuvre, une action concertée de la sous-région pour la préservation du Fouta Djalon devra nécessairement faire intervenir les organismes de bassin. La question de la gouvernance a également été mise en lumière par Lionel Goujon, qui a encouragé une gouvernance à différents niveaux, impliquant les organismes de  bassin, les états et les communautés économiques sous-régionales. « Il faut aujourd’hui créer des coalitions et des plateformes de coopération, » a souligné Joël Ruet. Celles-ci devront nécessairement impliquer les communautés locales, afin de déterminer quelles mesures traditionnelles doivent évoluer et quelles connaissances traditionnelles peuvent être mobilisées comme méthodes de cultivation ou d’agroforesterie plus durables et résilientes. Selon Soufiana Dabo, il s’agit donc en priorité d’adapter et de repenser les solutions existantes.

Un outil qui jouera un rôle important dans cette démarche est l’Observatoire du Fouta Djalon mis en place par l’OMVS. Celui-ci permettra, selon M. Dabo, d’observer, d’analyser et d’agir dans le Fouta Djalon. Soufiana Dabo a ainsi lancé un appel au soutien de l’Observatoire comme centre de recherche, de réflexion et collecte de données nécessaires à l’évolution du massif. Cette évolution vise à accompagner les communautés dans leurs reconversions, soit vers d’autres activités qui auront moins d’impact sur l’écosystème du massif, soit à moderniser les activités qui sont actuellement entreprises par les populations locales. Dans le cadre de ses programmes PGIRE, l’OMVS a ainsi lancé de premières initiatives allant dans cette direction, avec notamment des projets d’aménagement agricole et de mise en place de périmètres irrigués et clôturés pour sédentariser la population. La réhabilitation de réserves piscicoles vise à faire de la pêche une source de revenus alternative.

« Il ne faut pas opposer le développement socio-économique, humain, à la nature et l’environnement, » a insisté Joël Ruet.

Enfin, une dernière communauté qu’il s’agit de mobiliser sont les jeunes diplomés des universités de la région. M. Ruet a conclu en revenant sur l’importance de l’entrepreneuriat technologique local. Le soutien d’incubateurs de jeunes entrepreneurs locaux revenant sur le terrain à la suite de leurs études offrirait les moyens humains pour faire vivre les systèmes de mesure, et de collecte de données nécessaires à toute action de préservation. Ces données pourront également être mobilisées pour des mécanismes de finance durable qui permettent, selon M. Ruet, « un changement transformationnel qui passe à l’échelle. »

Cette session se place dans un engagement de longue date en faveur de la préservation du Fouta Djalon de la part de The Bridge Tank. Au Forum Mondial de l’Eau à Dakar en mars 2022, The Bridge Tank et IAGF avaient déjà co-organisé une session spéciale sur ce même thème de la sauvegarde du massif du Fouta Djalon en partenariat avec l’OMVS et l’Organisation de mise en valeur du Fleuve Gambie (OMVG). Auparavant, Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, avait également participé à une mission de terrain dans le Fouta Djalon menée par notre board member Hamed Semega, alors haut-commissaire de l’OMVS.

The Bridge Tank au Forum BOAO pour l’Asie 2023 : Échanges sur la coopération Chine-UE et les transitions énergétiques

Du 28 au 31 mars 2023, The Bridge Tank, représenté par son président Joël Ruet, a participé au Forum de Boao pour l’Asie 2023, à Boao, Hainan, en Chine. The Bridge Tank participe à la réunion annuelle du « Davos chinois » en tant que partenaire de l’événement depuis 2018. Cette année, le Forum Boao était placé sous le thème « Un monde incertain : Solidarité et coopération pour le développement dans un contexte difficile » (An Uncertain World: Solidarity and Cooperation for Development amid Challenges).

Le Forum a permis à Joël Ruet de participer à deux sessions dédiées au dialogue entre la Chine et l’Union Européenne, avec une table ronde de PDG à huis clos, et un panel sur les chocs dans l’approvisionnement énergétique mondial, tous deux abordant spécifiquement la question des transitions énergétiques. La session plénière du forum a été marquée par les interventions du premier ministre chinois Li Qiang, de l’ancien secrétaire général des Nations unies et actuel président du forum Ban Ki Moon, ainsi que de Lee Hsien Loong, premier ministre de Singapour, et Pedro Sanchez, premier ministre de l’Espagne, qui ont notamment abordé les relations futures entre la Chine et l’UE et le potentiel de coopération.

Dialogue à huis clos entre PDG chinois et européens

La table ronde à laquelle Joël Ruet a participé a abordé les opportunités de coopération et les questions de concurrence dans un contexte de rivalité systémique entre la Chine et l’UE. La session a permis à des chefs d’entreprise français, italiens, finlandais, hongrois et allemands d’interagir avec leurs homologues chinois. Les participants incluaient notamment:

  • Justin Yifu Lin, Doyen de l’Institut de la nouvelle économie structurelle, Université de Pékin, ancien économiste en chef et ancien vice-président de la Banque mondiale
  • Li Zixue, Président et directeur exécutif, ZTE Corp
  • Zhang Yue, Président, BROAD Group
    Li Yong, Président, Chinayong Investment Group
  • Joël Ruet, Président, The Bridge Tank & Chercheur associé, Chaire Tech for Change, Ecole Polytechnique
  • Jorge Toledo, Ambassadeur de l’Union européenne en Chine
  • Denis Depoux, Global Managing Director, Roland Berger
  • Norbert Csizmadia, Président, Fondation de l’Université John von Neumann
  • Gianni Di Giovanni, Président, ENI China B.V. et Vice-président exécutif, ENI
  • Fabrizio Ferri, Directeur pour la région Asie-Pacifique, Fincantieri

À travers sa participation à cette table ronde, Joël Ruet a fait part de la situation actuelle et des opportunités en matière de transition énergétique, en particulier en ce qui concerne l’énergie nucléaire et l’hydrogène. Revenant sur les tendances actuelles, M. Ruet a noté qu’en 2022, la transition de l’UE a abouti à une stratégie de couverture à long terme gagnante, basée sur le gaz couvert géographiquement plutôt que sur le pétrole, avec à l’horizon 2030 une couverture de tous les combustibles fossiles.

En ce qui concerne le financement de la lutte contre le changement climatique, Joël Ruet a affirmé que les mécanismes financiers devaient aller au-delà de la tarification du carbone et du financement de l’atténuation. L’adaptation doit en effet être financée par des cobénéfices sur l’agriculture, l’agroforesterie, la fixation du CO2 dans les sols et la préservation de l’eau. Cela nécessite un effort conjoint pour construire une industrie de financement et de dérisquage bancaire au niveau des banques publiques et commerciales. La Chine et l’UE ont un intérêt commun non seulement à partager des idées et des modèles, mais aussi à mettre en place des programmes communs avec les pays les moins développés, a déclaré M. Ruet.

Dans une interview accordée à China Business News, Joël Ruet a souligné l’importance de ce type de tables rondes, car « les décisions commerciales sont basées sur ce type de relations et de compréhension entre les personnes ».

Table ronde sur les chocs énergétiques mondiaux

Le 30 mars, Joël Ruet s’est entretenu avec des dirigeants et experts chinois et internationaux dans le cadre d’une table ronde sur la structure actuelle de l’offre et de la demande dans le secteur de l’énergie. La discussion a porté sur la façon dont l’invasion de l’Ukraine par la Russie a remodelé le paysage de l’approvisionnement énergétique en Europe et sur la façon dont la structure énergétique mondiale a évolué depuis, en tenant compte des sanctions imposées à la Russie et des politiques de restriction de la production adoptées par les pays producteurs de pétrole au Moyen-Orient. La session a également abordé le maintien de la stabilité du marché international de l’énergie et les implications de ces changements sur les efforts de transition énergétique dans le monde.

La session, modérée par ZHONG Shi, présentateur de la chaîne CGTN, a accueilli :

  • Denis DEPOUX, Directeur général mondial, Roland Berger
  • Gianni Di GIOVANNI, Président, ENI China B.V. & Vice-président exécutif, ENI
  • MENG Zhenping, Président, China Southern Power Grid
  • Joël RUET, Président, The Bridge Tank & Chercheur associé, Chaire Tech for Change, Ecole Polytechnique
  • Ernie THRASHER, Directeur, Xcoal Energy & Resources
  • ZHONG Baoshen, Président, Longi, Chairman, Longi

Selon Joël Ruet, la crise énergétique est une opportunité pour mieux comprendre les atouts et les faiblesses des structures énergétiques actuelles, déterminer ce qui est résilient et ce qui est le plus affecté par ces chocs. « Nous devons faire de la crise une opportunité », a déclaré M. Ruet, ajoutant que « dans la transition énergétique, nous devons être inclusifs et unis ». La réaction de l’UE au cours de l’année écoulée montre qu’il ne s’agit pas seulement d’une réponse à un choc à court terme, mais qu’elle ouvre la voie à une accélération structurelle de la transition énergétique, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables ou le gaz. Le fait que plusieurs pays aient des stratégies énergétiques différentes sur le nucléaire en tant qu’énergie renouvelable, sur les utilisations de l’hydrogène ou sur les moteurs de mobilité n’a pas empêché des progrès considérables dans la taxonomie et sert de complément positif, donc de couverture, aux transitions énergétiques européennes.

Enseignements de la session plénière

Lors de la session plénière du forum de Boao, des dirigeants du monde entier ont pris la parole pour traiter des grandes questions d’actualité. Après avoir souligné que « l’agression russe a fragilisé l’ordre mondial », le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong a insisté sur le fait qu’au-delà de l’établissement de relations fortes avec la Chine, les pays asiatiques devaient se rapprocher les uns des autres, en soulignant le rôle central de l’ANASE. Faisant l’éloge du RCEP et de la dynamique transpacifique, le Premier ministre Lee a appelé l’Asie à rester une région ouverte établissant des partenariats.

Pedro Sanchez, Premier ministre de l’Espagne, a déclaré que l’Espagne, qui assumera prochainement la présidence de l’UE, souhaite contribuer au rétablissement de la paix et de la confiance. Le pays entend se concentrer sur une approche renouvelée de la mondialisation, soucieuse de son empreinte environnementale et de sa stabilité, en allant au-delà des seules préoccupations liées aux coûts. L’UE construit donc une nouvelle industrie verte et numérique et défendra ses valeurs et ses intérêts. La Chine et l’UE, bien que concurrentes, peuvent également rester partenaires tant que la souveraineté des pays est respectée et que des conditions de concurrence équitables sont maintenues. Selon le Premier ministre Sanchez, la Chine et l’UE doivent rester des partenaires sur le plan économique, mais aussi et surtout travailler ensemble pour atteindre les objectifs fixés dans l’accord de Paris, les ODD, et fournir des financements pour le développement et les risques liés à la dette pour les pays en développement.

 
Ban Ki Moon, Président du Forum de Boao
Lee Hsien Loong, Premier Ministre, Singapour
Pedro Sanchez, Premier Ministre, Espagne
Li Qiang, Premier ministre, Chine

Joel Ruet a également assisté au discours du premier ministre chinois Li Qiang devant les délégués du forum de Boao. Dans son discours, le Premier ministre Li a déclaré que « sans la paix, l’Asie n’aura pas un avenir radieux », avant d’ajouter que « les nombreuses questions auxquelles l’humanité est confrontée doivent être abordées par consensus ». Pour ce faire, Li Qiang a souligné le rôle des pays BRICS dans l’application d’une législation multilatérale, qualifiée de « plus juste et plus équitable » que le système actuel des Nations unies.

Li Qiang a déclaré que « dans un monde incertain, la voie de la prospérité de la Chine est une source de certitude », soulignant l’importance de la croissance de la Chine pour les pays en développement en général et pour l’Asie et l’économie mondiale. La trajectoire de la Chine consistera à « poursuivre l’effort d’approfondissement de la demande tout en structurant l’offre d’une manière favorable à l’investissement étranger ».

Il convient toutefois de rappeler que les investissements ont atteint leur niveau le plus bas en 2022 en raison de la politique « zéro covid » de la Chine, qui aura un impact sur les résultats économiques des deux prochaines années et qui a affaibli la confiance des investisseurs étrangers dans le marché chinois. Ce cycle à court terme devra être amorti, les perspectives à moyen terme étant plus encourageantes et servant de transition alors que la fenêtre d’opportunité démographique se referme.

Regardez l’analyse du discours du premier ministre chinois Li Qiang par Joël Ruet pour CGTN :

Conférence des Nations Unies sur l’Eau : The Bridge Tank et l’IAGF organisent un side event sur la préservation du Massif du Fouta Djallon

La préservation du Massif du Fouta Djallon en Guinée, château d’eau de l’Afrique de l’Ouest abritant les sources des grands fleuves de la région, a réuni The Bridge Tank, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF), et l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), qui ont organisé ensemble un side event officiel de la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, le vendredi 24 mars, avec le soutien de la France et de la Guinée.

Ce massif forestier est plus que jamais en danger – menacé par les actions combinées des populations locales laissées pour compte par le mal-développement, d’un bétail nécessitant des pratiques plus résilientes, et des effets du changement climatique exigeant une adaptation agraire et sylvicole à portée de main. La présence de hauts dignitaires français et guinéens, dont Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française, et la directrice de cabinet d’Aly Seydouba Soumah, ministre de l’énergie, de hydraulique et des hydrocarbures, République de Guinée, ainsi que de hauts responsables d’organismes de bassin d’Afrique de l’Ouest, tels que Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée et Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger, et des acteurs du développement actifs sur le terrain ont fait de cette conférence une occasion unique de tirer la sonnette d’alarme et d’appeler à une action concertée pour la préservation du Massif du Fouta Djallon.

Erik Orsenna & Bérangère Couillard

Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie, France, a ouvert la session en soulignant l’importance de protéger le Fouta Djallon et les sources des grands fleuves d’Afrique de l’Ouest, et a rappelé à l’auditoire la place toute particulière de la France dans le développement de la gestion intégrée des ressources en eau.

Erik Orsenna, président de l’IAGF (Initiatives pour l’avenir des grands fleuves), a lancé un vibrant appel à l’action pour préserver ces écosystèmes forestiers qui fournissent en eau une région où vivent 300 millions d’habitants. Il a notamment souligné le rôle crucial des organisations de bassins fluviaux pour préserver la paix et développer la coopération transfrontalière, alors que la région est confrontée à un stress hydrique croissant.

Joel Ruet & Soufiana Dabo
Lionel Goujon
Abderahim Bireme Hamid

Représentant un organisme de bassin qui a contribué au développement et à la coopération en Afrique de l’Ouest, Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée, a présenté le contexte spécifique du Fouta Djallon et les risques pesant sur ses sources, de la déforestation à l’ensablement des cours d’eau, en passant par des pratiques agricoles obsolètes.

Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement a présenté les initiatives existantes et les actions déjà menées sur le terrain, notamment en partenariat avec les Organismes de Bassin de la région.

Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, a ensuite dévoilé une feuille de route de solutions pour sauvegarder le Fouta Djallon, incluant notamment la nécessité d’impliquer les jeunes entrepreneurs technologiques locaux, de former les populations locales, et de mobiliser la finance verte pour étendre les actions sur le terrain. Le secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger, M. Abderahim Bireme Hamid, a également souligné l’importance de mobiliser les populations locales avec leurs connaissances et solutions basées sur la nature.

Ce side event organisé dans l’enceinte du siège des Nations Unies était placé sous le haut patronage de la Guinée et de la France, et soutenu par l’Agence Française de Développement (AFD), le Partenariat Français pour l’Eau, le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), le Geneva Water Hub et la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique.

Thème : Overlay par Kaira.
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