Hydrodiplomatie: La ministre Kumbaro Furxhi partage l’expérience de l’Albanie avec le Parc National de la Vjosa

2 semaines après la déclaration historique du gouvernement albanais de faire de la rivière Vjosa un parc national, The Bridge Tank et Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves ont eu l’honneur d’accueillir Mirela Kumbaro Furxhi, Ministre du Tourisme et de l’Environnement de la République d’Albanie, lors de notre side event sur l’hydro-diplomatie organisé dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur l’Eau 2023, le 23 mars. Retrouvez la vidéo de l’intervention de Madame la ministre dans son intégralité en bas de page.

Ce fut l’occasion pour les deux organisations, représentées par leurs présidents respectifs Joël Ruet, économiste à l’Institut de l’innovation interdisciplinaire du CNRS et Erik Orsenna, membre de l’Académie française, de recueillir des informations sur la rivière Vjosa – le premier parc national de rivière sauvage en Europe.

La session intitulée « Vers une hydro-diplomatie inclusive, préventive et positive » (Towards an inclusive, pre-emptive, and positive hydro-diplomacy) avait pour objectif d’étendre la discussion et la pratique de l’hydro-diplomatie à un public plus large et à y inclure une plus grande diversité de parties prenantes. Dans ce contexte d’une hydro-diplomatie élargie et renouvelée, l’expérience unique de l’Albanie avec la rivière Vjosa est un cas qui mérite une attention toute particulière. En présentant la ministre Kumbaro Furxhi au public du side event, Joël Ruet a partagé une expérience personnelle vécue en septembre 2022 liée au contexte climatique en Albanie, lorsqu’en l’espace de 3 semaines, il avait constaté un changement radical de la météo, passant de la sécheresse à des pluies torrentielles.

Avant de donner la parole à la ministre Kumbaro Furxhi, Erik Orsenna a évoqué son propre engagement de longue date en faveur de l’avenir des grands fleuves, qu’il considère non pas comme une matière première, comme l’eau, mais comme des êtres vivants et des personnages dont l’histoire peut être racontée.

L’approche albanaise

Après avoir remercié le panel de lui permettre de s’exprimer en français, une langue qu’elle affectionne, Madame la ministre a commencé par présenter la combinaison peu commune qui constitue son portefeuille ministériel, alliant le tourisme et l’environnement. Bien que cette alliance puisse paraître hostile, elle est en réalité le résultat d’une volonté du gouvernement albanais de vouloir éviter cette hostilité et de trouver un équilibre entre les deux secteurs qui constituent deux priorités pour l’Albanie : le développement du tourisme, un tourisme responsable et durable, et la protection de l’environnement.

L’Albanie, bien qu’étant un pays de petite taille, est très riche en reliefs, montagnes, forêts et rivières avec un littoral le long de la mer Adriatique s’étendant entre le Monténégro et la Grèce. Le rôle de rivières est tout particulier pour l’Albanie, avec 100% de la production électrique provenant des centrales hydroélectriques. Cette dépendance des centrales hydroélectriques rend le pays également dépendant des caprices de la météo, comme l’a souligné Madame la ministre. Bien que l’Albanie ne soit pas un grand pollueur, le pays est victime du changement climatique, alternant entre longues périodes de sécheresse et du risque d’inondations quand les pluies y sont trop violentes.

La Vjosa – un trésor à préserver

Sa richesse en ressources hydriques fait de l’Albanie le deuxième pays le plus riche d’Europe en matière de ressources hydriques par habitant. Parmi ces richesses se trouve la dernière rivière sauvage d’Europe : la Vjosa. Le fait que la Vjosa soit la dernière rivière sauvage d’Europe soulève toutefois de nombreuses questions a noté Madame la ministre, en particulier les raisons derrière cette disparition des rivières dans leur état sauvage à travers l’Europe. Une telle réflexion permettrait d’expliquer l’engouement et la pression internationale depuis bientôt 10 ans afin de sauver la dernière rivière sauvage d’Europe.

Selon la Ministre Kumbaro Furxhi, il s’agit là d’une question de maturité et d’émancipation de la société civile, des ONG environnementales, des communautés locales, et des politiciens. Cette maturation a résulté en 2021 à la décision du gouvernement albanais de protéger la dernière rivière sauvage d’Europe.

La Vjosa prend sa source dans le massif montagneux du Pinde en Grèce. Son cours parcourt d’abord la Grèce sur 70 kilomètres avant de traverser la frontière et de poursuivre sur 200 kilomètre à travers l’Albanie, avant de se jeter dans la mer adriatique. La Vjosa dispose de trois tributaires dans le sud de l’Albanie – une région qui constitue un laboratoire naturel vivant avec un riche écosystème. Ce n’est pas seulement un laboratoire de la faune et de la flore « mais également de l’âme humaine », des albanais qui habitent cette région depuis des siècles et qui font partie de cette biodiversité, a insisté la ministre.

De cette perspective est née l’idée d’allier le développement durable et un tourisme responsable qui « ne serait pas que de la mer et du sable » mais plutôt une découverte de la nature, de la richesse environnante, visant à la sauvegarder en faisant profiter les communautés et l’économie locale. Cette approche consiste donc également à développer d’autres formes de tourisme telles que « l’écotourisme, le tourisme d’aventure, les randonnées de montagne, et l’agrotourisme, » un phénomène en croissance en Albanie permettant à des agriculteurs et producteurs de transformer des produits locaux en offre touristique.

Pour permettre cela, l’Albanie a déjà étendu les aires protégées de 17% à 21,3% du territoire et s’est engagé lors du sommet de Montréal, lors de la COP15 Biodiversité en 2022 à atteindre 30% d’ici 2030. Selon Madame la ministre, il s’agit là d’un engagement courageux et couteux, qui ne mènera pas à un profit immédiat mais qui s’engage sur une vision plus mature sur le long terme, préparant les décennies et siècles à venir.

La récente proclamation de la rivière Vjosa en tant que parc national a constitué la première étape de ce projet, réalisé en partenariat avec des ONG et experts internationaux, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et Patagonia, une société américaine. La deuxième étape a déjà commencé, puisque les négociations avec le gouvernement grec visent à étendre le parc au-delà de la frontière et à combiner Aóos, la partie grecque de la rivière, et Vjosa, la partie albanaise, afin de créer conjointement le premier parc transfrontalier. La prochaine étape consistera à élaborer un plan de gestion commun.

En conclusion, la ministre Kumbaro Furxhi a adressé une invitation à se rendre en Albanie pour visiter la rivière, car le gouvernement, en coopération avec l’UNESCO, a commencé les préparatifs pour le processus d’inscription de la rivière Vjosa sur la liste du patrimoine mondial naturel de l’UNESCO.

Le side event “Towards an inclusive, pre-emptive, and positive hydro-diplomacy” a été coorganisé par The Bridge Tank et Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves, en partenariat avec le Partenariat Français pour l’Eau, le Geneva Water Hub, IHE Delft, le Réseau International des Organismes de Bassin, la Chair Technology for Change, & APCO Worldwide, qui a accueilli l’événement.

La vidéo de l’intervention de Mirela Kumbaro Furxhi dans son intégralité:

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