Catégorie : Gouvernance Mondiale

COP28 – Leçons et apprentissages de The Bridge Tank à la COP de Dubai

Depuis 2015 et la COP21 à Paris, la présence de The Bridge Tank à la COP est devenue une opportunité annuelle pour notre think tank de contribuer au débat public sur l’action climatique et le développement durable. Cette année, la COP28 à Dubaï n’a pas fait exception à la règle. Joël Ruet, Président de The Bridge Tank, a participé à la conférence du 30 novembre au 4 décembre, en coordination avec le Partenariat Français pour l’Eau (PFE) et le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB).

Au-delà des négociations officielles, marquées par des tensions et des frustrations mais qui ont malgré tout abouti à un accord historique, les COP sont l’occasion de dialoguer avec des acteurs du changement venant du monde entier et de découvrir des success stories et des projets développés par des praticiens inspirés et inspirants. La COP fut également une opportunité d’en apprendre davantage sur les dernières innovations liées aux sujets qui ont été au cœur des actions de The Bridge Tank au fil des ans – transitions énergétiques, modèles de croissance économique et les rôles de l’industrie, l’agriculture et l’adaptation des terres dans ces dernières.

Ces thèmes ont tous connu des avancées importantes lors de la COP28 : les énergies fossiles ont été mentionnées dans l’accord final, les engagements des acteurs industriels se sont multipliés et le fonds pour les pertes et dommages a été mis en place.

Par ailleurs, The Bridge Tank a eu le privilège d’être directement impliqué dans la présentation de deux de ces success stories provenant d’Afrique de l’Ouest, qui ont permis d’évaluer la contribution au développement de la région :

  • fournie par les infrastructures hydroélectriques et les programmes associés mis en œuvre par l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Le side event a été organisé par l’OMVS et la SOGEM, avec le soutien officiel du CILSS, qui a accueilli l’événement sur son pavillon, et de The Bridge Tank.
  • offerte par les financements innovants pour les projets climatiques, avec le lancement officiel du Fonds d’étude climat de la Banque ouest-africaine de développement.

Pour en savoir plus sur la participation de nos board members à la COP de Dubaï :

Sécurité alimentaire : gouvernance, sécurité et résilience climatique

Le 2 décembre, la Conférence de Munich sur la sécurité (Munich Security Conference, MSC) a ainsi organisé un side event à huis clos, intitulé « Dried Up : Strengthening Resilience of Food Systems in Light of Climate Change » (« Asséchés : renforcer la résilience des systèmes alimentaires face au changement climatique »). L’événement s’est penché sur la façon dont le changement climatique contribue à l’insécurité alimentaire actuelle, une crise déjà aggravée par la guerre menée par la Russie en Ukraine, divers conflits régionaux, les conséquences de la pandémie de COVID-19, les chocs économiques et les défis de la chaîne d’approvisionnement à travers le monde.

Comment faire converger au mieux les efforts de lutte contre le changement climatique et contre la faim ? Comment la COP28 peut-elle servir de plateforme pour réunir les deux communautés politiques afin d’aborder les effets d’entraînement du changement climatique sur la sécurité alimentaire mondiale ? Telles étaient les grandes questions au coeur des discussions entre les participants à ce side event :

  • Cindy Hensley McCain, Directrice exécutive, United Nations World Food Programme
  • Vera Songwe, Présidente du conseil d’administration, The Liquidity and Sustainability Facility
  • Ricarda Lang, Coprésidente, Groupe Parlementaire Alliance 90/Les Verts Greens
  • Nisreen Elsaim, Présidente, Sudan Youth  Organization on Climate Change, Khartoum
  • Michael Werz, Conseiller senior, Munich Security Conference (Modération)

Un sujet qui intéresse particulièrement The Bridge Tank est celui du financement de la restauration des terres et de l’agriculture durable et créatrice d’emplois, notamment en Afrique. Notre engagement auprès des dirigeants africains nous a conduit à l’idée qu’une utilisation transitoire des revenus du gaz naturel est le moyen de financer ces investissements nécessaires, dans un double contexte où l’Afrique subsaharienne n’a pas été un contributeur au changement climatique et a besoin de financer sa transition durable d’une part, tandis que d’autre part, l’Occident voit le gaz naturel comme une étape de la transition énergétique.

Après ces premiers investissements qui incluraient le financement de la diffusion des énergies renouvelables sur le terrain, cette transition financière pourrait prendre fin ; le message principal des participants à la COP venus du Sud Global étant qu’ils souhaitent s’appuyer de plus en plus sur des financements souverains pour leurs transformations et ne pas dépendre de l’Occident quand ils le peuvent. Joël Ruet a pu partager ces points de vue avec les panélistes. C’est dans cet esprit que The Bridge Tank est prêt à contribuer à la task force que la Conférence de Munich sur la sécurité se propose de lancer.

Le commerce durable et le libre-échange, vecteurs de la lutte contre le changement climatique

La veille, le 5 décembre, Joel Ruet avait déjà été convié à une réception de haut niveau sur le thème « Le commerce durable et inclusif en tant que moteur de la croissance économique et de la prospérité ».

La réception a rassemblé :

  • Hillary Clinton, ancienne Secrétaire d’État des États-Unis,
  • Dr Ngozi Okonjo-Iweala, Directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce,
  • Maha AlQattan, Directrice générale du développement durable, DP World.

En ouverture, Hillary Clinton a cité Madeleine Albright, en se décrivant comme « une optimiste qui s’inquiète beaucoup », traduisant ainsi avec finesse l’esprit des participants à la COP28 à ce stade des négociations. Elle a rappelé les efforts de la Global Clinton Initiative en faveur de la durabilité environnementale et s’est réjouie qu’un accord ait pu être trouvé sur les pertes et dommages.

Néanmoins, la lutte contre le changement climatique nécessite également un plan d’action à long terme, dont le libre-échange fait partie, même s’il doit être repensé, a rappelé Mme Okonjo-Iweala. En effet, le libre-échange a eu jusqu’à présent des avantages et des inconvénients : les avantages sont certainement liés à sa capacité à assurer une large distribution des technologies vertes qui ont été mises à l’échelle à un coût rapidement décroissant ; la connectivité et le développement de la chaîne logistique ont également assuré leur portée à l’intérieur des terres, bien au-delà des capitales ou des principaux ports, un point que l’invité de DP World a également tenu à souligner. En ce qui concerne les améliorations nécessaires de l’empreinte carbone du libre-échange, Mme Okonjo-Iweala a rappelé plusieurs tendances positives ou points d’inflexion dans l’introduction de meilleures normes ESG dans la chaîne mondiale, en insistant notamment sur l’effet de levier de l’industrie du transport maritime.

Mme Okonjo-Iweala a plus généralement rappelé le rôle de la coordination entre les acteurs industriels, les gouvernements et la finance, une ligne d’analyse qui traverse l’histoire de The Bridge Tank depuis sa création, sur la base de laquelle nous avions notamment contribué à la task force sur l’énergie et le climat dans le cadre de la présidence du G20 en 2023.

Enfin, Mme Okonjo-Iweala a introduit une perspective progressiste bienvenue sur le libre-échange, qui n’est pas recherché en soi mais qui est accompagné de transparence, de normes équitables et de progrès social dans les pays et les systèmes économiques qui veulent participer au système de l’OMC. L’assistance, composée de personnalités de renom issues de divers secteurs industriels et géographies, a pu constater qu’une révolution silencieuse était en cours.

Hillary Clinton
Hillary Clinton, Ngozi Okonjo-Iweala, & Maha AlQattan
Accélérer la transition énergétique : outils économiques et acteurs

Un side event clé co-organisé par la Task Force sur la tarification du carbone en Europe présidée par Edmond Alphandéry, ancien ministre français de l’économie, et le think tank The Climate Overshoot Commission présidé par Pascal Lamy, ancien DG de l’Organisation mondiale du commerce, a fourni un compte-rendu détaillé de la réflexion sur les outils économiques, les perspectives technologiques et les priorités environnementales et morales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Dans la continuité de la présentation par la représentante du FMI des résultats d’une étude historique décrivant la répartition des subventions aux combustibles fossiles en fonction des capacités de production, et de la présentation par Lord Turner de la version actualisée de l’approche de l’Energy Transiton Commission sur le rôle respectif des différentes technologies, Joel Ruet a suggéré de travailler à une connexion entre les deux, non seulement en reliant les deux paramètres mais aussi en les ancrant dans des géographies, afin de préparer le terrain pour des scénarios et des politiques optionnels.

Le Bridge Tank ayant été un participant régulier de la Task Force, nous avons été heureux de voir les progrès continus de ses résultats et de ses réalisations au fil des ans.

L’événement parallèle « Coping with global warming and reducing risk of a warming climate » (Faire face au réchauffement climatique et réduire le risque d’un réchauffement du climat) a donné la parole à :

  • Edmond Alphandéry, Président de la Task Force sur la tarification du carbone en Europe, ancien ministre de l’économie de la France ;
  • Dora Benedek, Responsable de division, division de la politique climatique, département des affaires fiscales, Fonds monétaire international ;
  • Lord Adair Turner, Président de la Commission pour la transition énergétique ;
  • Julien Perez, Vice-président, stratégie et politique, Oil and Gas Climate Initiative (OGCI) ;
  • Pascal Lamy, Président de la Climate Overshoot Commission, ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce ;
  • Hina Rabbani Khar, ancienne ministre des affaires étrangères du Pakistan, membre de la Climate Overshoot Commission.
Lord Adair Turner

En matière d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, les acteurs comptent. Le 5 décembre, Joël Ruet était invité à participer à un dîner sur le thème « Accélérer la transition énergétique : la nécessité d’une action collective », organisé par la société de logistique émiratie DP World, et réunissant un ensemble d’acteurs économiques de l’industrie portuaire et maritime, des ONG engagées dans l’adaptation, et des grands industriels. Cet événement s’inscrivait dans la continuité de la participation de The Bridge Tank aux groupes de travail du Business20 du G20.

L’événement a permis de réfléchir à des pistes d’action pour faciliter et accélérer la transition vers des sources d’énergie à faible teneur en carbone, un sujet d’intérêt de longue date pour The Bridge Tank.

Le format « discussion au coin du feu » de l’évènement a accueilli les contributions de Jesper Kristensen, Group Chief Operating Officer, Marine Services DP World, Tiemen Meester, Group COO, Ports & Terminals, DP World, Sue Stevenson, Director of Strategic Partnerships and International Development, Barefoot College International, & Federico Banos-Lindner, Group SVP, Government Relations & Public Affairs, DP World. Les discussions ont été animées par Lynn Davidson, ancienne conseillère du président de la COP26, Alok Sharma, et ont été ponctuées d’une allocution de Rajiv Ranjan Mishra, chef de la délégation de la COP28, Confédération de l’industrie indienne (CII).

Lynn Davidson, Federico Banos-Lindner, & Sue Stevenson
Adaptation et résilience au changement climatique

Ayant récemment travaillé avec le bureau national du PNUD en Haïti sur le plan national d’adaptation de ce pays, The Bridge Tank a porté un intérêt particulier à la session intitulée « Changement climatique, insécurité et mobilité dans les États fragiles : Une nouvelle approche de l’adaptation au climat et de la consolidation de la paix » qui s’est tenue au pavillon de la Somalie et a été organisée par le Programme des Nations unies pour l’environnement, le ministère haïtien de l’environnement, la Somali Greenpeace Association et le Mécanisme des Nations unies pour la sécurité climatique.

Sur ce thème de l’adaptation, The Bridge Tank a également participé à un événement parallèle sur « l’apprentissage itératif mené localement et l’adaptation transformative pour renforcer la résilience des communautés » organisé par le Centre international pour le changement climatique et le développement et accueilli par le pavillon du FENU.

La COP28 a également été l’occasion de faire le suivi de notre side event de la COP27 avec la Banque Agricole de Développement du Niger sur leurs initiatives visant à promouvoir les systèmes d’assurance rurale.

La zone d’innovation de la COP28

Enfin, la Zone Innovation de cette année a accueilli une multitude d’initiatives sur l’innovation, la finance durable, l’hydrogène et l’agriculture. Cela s’est avéré être une occasion précieuse d’aiguiser l’esprit des uns et des autres sur les tendances à venir.

Contribuer à la paix dans un contexte de tensions croissantes – Une co-production The Bridge Tank & CGTN Dialogue

Durant le Forum de Paris pour la Paix en novembre dernier, The Bridge Tank a été coproducteur invité d’une édition spéciale de Dialogue, l’émission de débats phare de CGTN. L’émission était dédiée au thème de la paix et la coopération internationale dans un contexte de tensions grandissantes au niveau mondial, dans la continuité du thème du Forum de cette année: « Construire ensemble dans un monde de rivalité. » L’émission s’est penchée sur la nature et les causes de la rivalité, les défis à relever en matière de paix et les pistes possibles d’une collaboration à long terme.

Diffusée depuis Paris, l’émission a été animée par Xu Qinduo, présentateur de Dialogue, et Joel Ruet, président de The Bridge Tank, et a accueilli un panel varié d’experts du monde diplomatique, d’organisations de la société civile et de l’industrie pour traiter de ces sujets :

  • Stéphane Gompertz, ancien Ambassadeur en Autriche & en Éthiopie ; board member de The Bridge Tank,
  • Blessing Ibomo, Fondatrice de Bread’s Earth,
  • Jérémie Ni, Directeur de Chinform.
Revoir l’émission (en anglais)
Les questions abordées durant l’émission
  • Comment se traduit la rivalité dans le monde d’aujourd’hui ?

  • Quels sont les terrains d’entente possibles sur le changement climatique, la cybersécurité ainsi que les conflits en Ukraine, à Gaza, l’instabilité chronique dans certaines parties de l’Afrique, les crises humanitaires et la rivalité entre grandes puissances ?

  • Avec ces crises en cours, la politique d’endiguement technologique menée par les États-Unis à l’égard de la Chine, les tensions entre l’UE et la Chine, comment l’UE et la Chine peuvent-elles trouver des intérêts communs et développer leur coopération bilatérale ?

  • La coopération technologique entre l’UE et la Chine peut-elle être renforcée sans investissements, après le déraillement de l’accord d’investissement ? Les investissements sont-ils possibles sans la confiance ? Cette confiance peut-elle exister dans un monde en crise ?

  • Les crises récentes ont vu les Nations Unies de plus en plus divisées dans leurs votes et résolutions, avec des réponses particulièrement mitigées de la part du Sud. Comment analysez-vous le prétendu fossé entre le Sud et l’Occident ?

  • La Chine a récemment remporté un succès diplomatique au Moyen-Orient, en contribuant au rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Dans le même temps, l’Inde a annoncé un nouveau corridor économique reliant l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe lors du G20. Quel rôle pouvons-nous prévoir pour les grandes puissances émergentes dans l’ordre diplomatique mondial ?

Quelques citations de nos invités
Sur la rivalité

« Je pense qu’aujourd’hui, les rivalités et les désaccords semblent éclipser les défis communs auxquels nous sommes tous confrontés : des défis à long terme comme le changement climatique, le terrorisme, les pandémies parfois. Et nous avons tendance à oublier qu’au-delà de tous les différends que nous pouvons avoir entre nos pays respectifs, nous sommes confrontés aux mêmes défis pour nous, pour nos enfants et nos petits-enfants. Ces défis vont bien au-delà de nos désaccords actuels. »

Stéphane Gompertz, ancien Ambassadeur en Autriche & en Éthiopie ; board member de The Bridge Tank,

Sur le rôle des puissances émergentes

« Ces puissances émergentes vont jouer un rôle de plus en plus important. En effet, elles peuvent contribuer à améliorer les relations internationales et à résoudre les crises. […] Elles ont une grande influence et il est clair qu’il devrait y avoir plus de coopération entre toutes les puissances, les grands ou les petits pays du monde pour aider à faire avancer les choses. […] La tendance est à l’accroissement du rôle de ces pays émergents dans les affaires mondiales. À condition évidemment que les relations restent amicales, positives et pacifiques, ce rôle peut s’avérer très utile.Cela dépend évidemment de la manière dont chaque pays mène sa propre politique. 

Lorsque nous voyons l’agression insensée de la Russie contre l’Ukraine, nous espérons que l’influence actuelle de la Russie ne sera pas trop grande. 

Lorsque la crise sera terminée, les choses seront différentes. Nous avons besoin de la Russie, la Russie est un grand pays, nous avons toujours eu de bonnes relations avec elle. Ce qu’ils font en ce moment est absolument insensé et nous espérons que cela ne durera pas trop longtemps. Nous parlons beaucoup de multipolarisation, d’un monde multipolaire qui peut en effet être très utile. Le monde ne devrait pas être dominé par un seul pays, mais par une coopération entre tous les pays. »

 

Stéphane Gompertz, ancien Ambassadeur en Autriche & en Éthiopie ; board member de The Bridge Tank,

Faire entendre la voix de l’Afrique

« Je pense que l’une des erreurs que nous commettons est de classer l’Afrique comme une seule nation. L’Afrique compte 54 pays aux intérêts nationaux différents. Nous ne pouvons pas avoir une seule voix pour représenter l’Afrique, c’est impossible. L’Ukraine, par exemple, est la corbeille à pain dont dépendent la plupart des pays africains en termes de céréales et de pain. Je pense que les Nations unies doivent donner aux pays africains, et pas seulement à l’Union africaine, la possibilité d’exprimer leur voix et d’entendre ce qu’ils ont à dire, car les pays ont des intérêts économiques différents en tête, ainsi que des intérêts politiques et historiques qu’ils doivent prendre en compte. Il s’agit d’une relation complexe qui doit être prise en compte dans les divers pays africains. »

Blessing Ibomo, Fondatrice, Bread’s Earth

Sur la coopération technologique

« La Chine étant désormais le principal acteur mondial dans le domaine des batteries, avec 6 des 10 plus grands fabricants de batteries provenant de Chine, c’est un bon moyen pour l’Europe et la France, avec Stellantis et Renault, de travailler avec les Chinois, d’apprendre de la Chine. Et la Chine peut aussi apprendre des Européens. Par exemple, dans l’industrie automobile, la société française STMicroelectronics est le leader en matière de puces utilisées dans les voitures. Les Chinois peuvent apprendre d’eux. Lorsque nous travaillons ensemble, nous pouvons grandir ensemble. »

Jérémie Ni, Directeur de Chinform.

Sur la confiance et la dépendance

« Le mot confiance est très important. Les difficultés que nous rencontrons actuellement s’expliquent par un manque de confiance et de reconnaissance mutuelle des règles du jeu. Un élément qui peut y contribuer, du moins du côté européen, est la peur de la dépendance. Il y a un problème avec les minéraux et terres rares. Par exemple, les Pays-Bas ont décidé de mettre leur veto à l’exportation de semi-conducteurs vers la Chine, qui a riposté en interdisant l’exportation de germanium et de gallium vers l’ensemble de l’UE. Voilà le genre de mesures et de contre-mesures qui peuvent être préjudiciables. Si nous pouvions éliminer cette peur de la dépendance, en encourageant également d’autres sources afin d’équilibrer nos importations, nos exportations et l’utilisation des minéraux, peut-être que cette confiance pourrait apparaître. Mais les règles du jeu devraient être plus claires de part et d’autre ».

Stéphane Gompertz

Concordia Europe Summit: Souveraineté européenne, sécurité énergétique & relations transatlantiques

Les 15 et 16 juin 2023, d’éminents décideurs de toute l’Europe et du monde entier se sont réunis à Madrid, en Espagne, à l’occasion du Concordia Europe Summit 2023. Deux jours de conversations de haut niveau à huis clos sur le thème de la démocratie, de la sécurité et des risques géopolitiques ont permis d’aborder certaines des questions les plus urgentes auxquelles l’Europe est confrontée, notamment la cybersécurité, la sécurité énergétique et les outils diplomatiques. The Bridge Tank était présent au sommet, représenté par son président Joel Ruet et Raphael Schoentgen, board member, qui a participé à une session sur la transition énergétique de l’Europe.

Souveraineté européenne : Objectifs climatiques, autonomie et sécurité énergétique

Lors de la session d’ouverture du sommet, l’ancien président de la Commission européenne (CE), José Manuel Barroso, a témoigné du lien étroit entre l’établissement d’objectifs climatiques à caractère contraignant et la concrétisation des objectifs de sécurité énergétique en Europe. Malgré les défis que représentent ces objectifs climatiques, la stratégie UE 2020 a été réalisée en élargissant le problème de sa composante environnementale à la sécurité énergétique, gagnant ainsi les nouveaux membres de l’UE à mesure que la CE lançait des investissements dans les infrastructures, a-t-il noté. Cette approche a également été utilisée par les États-Unis et l’Inde.

Plaçant le débat actuel sur l’autonomie stratégique de l’UE dans son contexte géopolitique, Othmar Karas, premier vice-président du Parlement européen, a noté que l’agression de la Russie avait largement conditionné le débat sur l’autonomie stratégique et la souveraineté de l’UE, ainsi que sur sa stratégie de défense. M. Karas a déclaré que ce débat était mené « dans un esprit de coopération avec l’OTAN ».

José Manuel Barroso
Othmar Karas
Joel Ruet (à gauche)

Le président de The Bridge Tank, Joel Ruet, a profité de cette occasion pour échanger avec le premier vice-président du Parlement européen sur la contribution du Green Deal européen à l’autonomie stratégique de l’UE. Les politiques contraignantes ne sont en effet bénéfiques que dans la mesure où elles s’inscrivent dans des compromis plus larges. Il est donc important que l’UE et les États-Unis ne perdent pas leur coopération en matière d’autonomie face aux régimes illibéraux. En particulier, la guerre des subventions à court terme à laquelle se livrent actuellement les deux blocs constitue une tendance inquiétante, selon Joel Ruet.

Au milieu des nouvelles rivalités qui se dessinent, les dix prochaines années seront cruciales pour mettre au point les modèles de financement et d’inventeurs/adoptateurs PPP, a soutenu Will Roper, ancien secrétaire adjoint de l’armée de l’air américaine.

Au cours d’une session sur le « chemin vers l’indépendance », l’ambassadrice Paula Dobriansky, ancienne sous-secrétaire d’État américaine aux affaires mondiales sous la présidence de George W. Bush, a rappelé que le gouvernement américain était également très concentré sur les ramifications de la guerre en Ukraine. Elle a reconnu les avancées notables en matière d’énergie nucléaire et d’hydrogène en Europe, ce qui a également été souligné par d’autres intervenants qui ont insisté sur la nécessité de travailler sur l’offre de sécurité énergétique afin de progresser vers l’autonomie de l’Europe. Cette question a également été abordée par notre board member Raphael Schoentgen lors d’une session sur « Le paysage énergétique de l’Europe : Alternatives pour la transition vers les énergies renouvelables ».

L'ambassadrice Paula Dobriansky
Raphael Schoentgen (centre)
Diplomatie et sécurité transatlantiques et le rôle de l’Amérique latine

La question de la coopération transatlantique a été un thème central du sommet. Les avantages d’une Europe forte et souveraine pour les États-Unis ont été soulignés par différents intervenants, les partenariats bénéficiant de la force et de la confiance des deux parties.

Une session intitulée « Diplomatie et sécurité transatlantiques : Forces et opportunités futures » (Transatlantic Diplomacy & Security : Strengths and Future Opportunities) a réuni l’ancien président colombien Iván Duque Márquez, le ministre espagnol des affaires étrangères José Manuel Albares, l’ambassadrice américaine en Espagne Julissa Reynoso et Radoslava Stefanova de l’OTAN.

Selon José Manuel Albares, la relation transatlantique est très importante dans le contexte de l’agression russe. Les États-Unis sont un allié naturel de l’UE et l’agenda transatlantique sera au cœur de la prochaine présidence espagnole de l’UE, y compris dans le domaine technologique, a déclaré M. Albares. Dans ce processus d’évolution vers une Europe de la défense et une plus grande intégration, l’UE doit également envisager un processus de prise de décision basé sur la majorité qualifiée et non sur l’unanimité, a-t-il ajouté.

Le rôle central de l’alliance transatlantique est également reconnu de l’autre côté de l’Atlantique, a soutenu l’ambassadrice Reynoso, ajoutant que l’actuel président des États-Unis a été celui qui a le plus cru à cette alliance dans l’histoire récente. Sur cette base, Radoslava Stefanova a rappelé à l’auditoire que l’OTAN assurait déjà un certain degré d’intégration des systèmes et des acquisitions militaires sur la base des engagements des pays membres, et qu’elle œuvrait donc à la convergence.

Iván Duque Márquez a évoqué les opportunités créées par la présidence espagnole de l’UE en offrant un point d’union entre l’Amérique latine et l’UE. Les écosystèmes d’Amérique latine sont essentiels dans la lutte contre le changement climatique et le continent est un acteur clé de l’approvisionnement en énergie, qu’il s’agisse de pétrole, de gaz ou d’hydrogène vert, mais aussi de la sécurité alimentaire de l’UE. En outre, l’Amérique latine est confrontée à des questions similaires à celles soulevées au sein de l’UE quant à la meilleure façon d’aborder ses relations avec la Chine, en particulier en matière de commerce.

Iván Duque a également évoqué ces questions lors d’une session avec l’ancien président du Mexique Felipe Calderón, au cours de laquelle ils ont discuté du rôle de l’Amérique latine dans la durabilité mondiale. Iván Duque a notamment souligné l’hypocrisie qui veut que la tonne de CO2 vaille 50 dollars à Bruxelles et 5 dollars dans le bassin du Congo ou en Amazonie. Felipe Calderon a appelé à une véritable mise en œuvre du principe du « pollueur-payeur » et à une récompense pour l’absorption à un prix égal sur l’ensemble de la planète. « Le financement réel des coûts d’investissement est plus important que les promesses », a-t-il ajouté.

Transatlantic Diplomacy & Security: Strengths and Future Opportunities
Ivan Duque & Felipe Calderón

Sommet du T7 Japon – Appel à une plus grande collaboration avec les pays du Sud et entre G7 & G20

Le Japon présidant le G7 en 2023, le groupe d’engagement Think 7 (T7) du groupe des 7 auprès des think tanks s’est réuni à Tokyo les 27 et 28 avril 2023 pour son sommet annuel, trois semaines seulement avant le sommet du G7 qui s’est tenu à Hiroshima du 19 au 21 mai. Faire face aux crises, relancer le développement durable, rapprocher le G7 et le G20 (Addressing Crises, Reigniting Sustainable Development, Bridging the G7 and G20), tel était le thème du T7 Japon cette année.

Membre du T7 depuis 2022, The Bridge Tank avait participé au webinaire de passation du T7 en novembre 2022, au cours duquel l’Allemagne avait cédé la présidence du T7 au Asian Development Bank Institute (ADBI). Cette réunion avait marqué le début d’une année au cours de laquelle le T7 s’est consacré à « la promotion du multilatéralisme et de l’engagement du G7 auprès des pays en développement pour les aider à relever les défis mondiaux » ainsi qu’à la promotion d’une « croissance et d’un développement inclusifs et durables ».

Au cours des derniers mois, le T7 Japon a étudié et élaboré des recommandations politiques au sein de quatre groupes de travail :

  • Développement et prospérité économique,
  • Bien-être, durabilité environnementale et transition juste,
  • Science et digitalisation pour un avenir meilleur,
  • Paix, sécurité et gouvernance mondiale.
Les recommandations & priorités du T7

Le sommet de Tokyo qui s’est tenu les 27 et 28 avril 2023 a présenté les conclusions et les recommandations formulées par les différents groupes de travail du T7 pour le G7 au cours du premier semestre 2023. Le communiqué du Think7 Japon d’avril 2023 a souligné l’urgence de :

  1. Faire face aux crises interconnectées : les menaces pour la paix mondiale, la crise financière mondiale et la crise de la dette, toutes deux endémiques, les menaces pour le climat et la biodiversité et la nécessité de renforcer la diplomatie environnementale ;
  2. Redynamiser l’Agenda 2030 et souligner la centralité des ODD en tant que forces directrices pour l’avenir ;
  3. Investir dans les systèmes scientifiques mondiaux et les infrastructures de recherche ;
  4. Favoriser une plus grande collaboration entre le G7 et le G20.

Cet appel à une plus grande collaboration entre le G7 et le G20 a également été illustré lors du sommet du T7 par une session réunissant les présidents du T7 2022 Allemagne, du T7 2023 Japon, du T20 2023 Inde, du T20 2024 Brésil et du T7 2024 Italie, les deux groupes d’engagement ayant exprimé leur volonté d’approfondir les liens.

Un engagement plus fort avec les pays du Sud

À la veille du sommet du G7 à Hiroshima, le doyen de l’ADBI et président du T7, Tetsushi Sonobe, a réaffirmé la nécessité pour le G7 et ses partenaires d’approfondir leur engagement avec les pays en développement. Une telle collaboration entre le G7 et les pays du Sud serait essentielle pour faire face aux crises interconnectées et encourager le développement durable, a ajouté le doyen Sonobe.

L’appel lancé par le T7 en faveur d’un plus grand engagement avec le Sud a trouvé un écho lors du sommet du G7 à Hiroshima, puisque le sommet a été ouvert à une large communauté de nations, en particulier du Sud. Parmi les pays invités figuraient le Brésil, qui préside actuellement l’Organisation du traité de coopération amazonienne, l’Inde, qui assure la présidence du G20 en 2023, les Comores, qui président l’Union africaine en 2023, l’Indonésie, qui préside actuellement l’ASEAN, ainsi que le Vietnam, les Îles Cook, la Corée du Sud et l’Australie.

The Bridge Tank durant le wébinaire de passation du T7 en Nov. 2022

The Bridge Tank s’associe aux Rencontres Technology for Change 2023 de l’École Polytechnique

Du 4 au 6 avril 2023 ont eu lieu à Paris les Rencontres Technology for Change, organisées par la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique. Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, est intervenu lors de la Conférence d’Ouverture, le 4 avril, dans le cadre d’une session sur la question de l’accès à l’eau et de la préservation des ressources en eau comme enjeu de développement durable.

Les Rencontres Technology for Change ont pour mission d’établir un état des lieux des liens entre technologie, société et industrie afin d’explorer différentes approches et perspectives pour un développement et une innovation technologique contribuant à un monde plus durable et inclusif. En ouverture de la Conférence s’est tenue le 4 avril dans l’enceinte du Collège de France une session intitulée « Accès à l’eau : gestion et préservation – Quelles sont les stratégies actuelles et les challenges à relever pour placer l’eau au centre des problématiques de développement durable ? », autour de:

  • Pilar Acosta – Professeure en Science de gestion, École polytechnique, IP Paris
  • Joël Ruet – Économiste, Chercheur CNRS, École polytechnique, IP Paris & Président, The Bridge Tank
  • Marie-Laure Vercambre – Directrice générale, Partenariat Français pour l’Eau

La session a abordé les grandes questions et enjeux de l’eau dans le monde actuel: quelles sont les stratégies actuelles en gestion de l’accès à l’eau ? en préservation de l’accès à l’eau ? Qu’en est-il au niveau international ?
Comment placer l’eau au centre des problématiques de développement durable ? Dans quelle mesure la technologie est-elle un levier pour relever ces défis?

Marie-Laure Vercambre a ainsi rappelé le contexte de crise mondiale de l’eau, avec une demande qui va continuer à croître de 1% par an jusqu’en 2050. L’Agenda 2030 et l’objectif 6 des ODD de l’ONU résument les nombreux défis dans la gestion et la conservation de l’eau douce: accès à l’eau potable, assainissement, qualité de l’eau, utilisation rationnelle, gestion intégrée des ressources en eau, enjeux transfrontaliers, gouvernance, préservation des écosystèmes, etc. La transversalité des enjeux de l’eau présente un défi de taille dus aux approches en silo des différents utilisateurs. Une telle approche n’est pas appropriée pour la gestion d’un bien commun mais est difficile à infléchir. Joël Ruet a quant à lui souligné que l’organisation des pratiques devait se faire sur 3 axes: 1) optimisation de la ressource, 2) préservation/conservation en considérant l’eau et ses écosystèmes, 3) renaturation.

La technologie est un levier important pour relever ces nombreux défis: transport d’eau, dessalement, traitement de l’eau, ou réutilisation. Répondre à ces enjeux nécessite également plus de données spatio-temporelles, pour lesquels des outils technologiques sont nécessaires. Joël Ruet a ainsi également rappelé l’importance de préserver les têtes de sources des fleuves, un défi de taille puisque celles-ci se trouvent le plus souvent dans des zones plus reculées. Prenant l’exemple du Massif du Fouta Djalon en Guinée, une zone montagneuse menacée par les effets du changement climatique et la pression démographique, dans laquelle se trouve les sources de grands fleuves ouest-africains, Joël Ruet a illustré cette transversalité des actions nécessaires pour la préservation des ressources en eau. Celle-ci impacte les méthodes d’exploitation agricoles et forestières, d’agroforesterie, ainsi que le besoin de création de donnée locale. L’incubation de strartups locales est un terrain d’action intéressant pour soutenir le développement de cette technologie et de ces données nécessaires à l’action de conservation. Celles-ci pourront également être mobilisées pour des mécanismes de finance verte. Ces derniers ont besoin de données pour mesurer l’impact du changement transformationnel qu’ils visent à financer.

Massif du Fouta Djalon: Un plan d’action et un appel à la préservation lancé aux Nations Unies

Le Massif du Fouta Djalon – château d’eau de l’Afrique de l’Ouest – se meurt. Ce trésor de la nature abrite dans ses hauts plateaux forestiers en Guinée les sources des grands fleuves Sénégal, Gambie et Niger, abreuvant ainsi une région de près de 300 millions d’habitants. Face à l’urgence de la menace qui pèse sur les écosystèmes fragilisés du Fouta Djalon, The Bridge Tank, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) et l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) ont uni leurs forces pour alerter la communauté internationale et présenter un plan d’action lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Eau 2023 à New York.

Le 24 mars, The Bridge Tank, IAGF, et l’OMVS ont organisé dans l’enceinte du siège de l’ONU un side event officiel sur le thème « Le Fouta Djalon: Visions & Actions pour la Sauvegarde du Chateau d’Eau de l’Afrique de l’Ouest » avec le soutien officiel de la France et de la Guinée, représentées respectivement par Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française et par la directrice de cabinet d’Aly Seydouba Soumah, Ministre de l’Énergie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures de la République de Guinée. Le side event a été organisé en partenariat avec l’Agence Française de Développement (AFD), le Partneriat Français pour l’Eau (PFE), le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), et le Geneva Water Hub.

Structure de la session:

  • Ouverture de la session par Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française, Erik Orsenna, Président, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) & membre de l’Académie française, et Joël Ruet, Président, The Bridge Tank
  • Présentation et état des lieux des défis dans le Fouta Djalon par Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée et Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger (ABN)
  • Le rôle des organismes de bassin et les actions en cours par Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement (AFD)
  • Un programme d’action et une discussion autour des solutions pour la sauvegarde du Fouta Djalon.

Retrouvez l’enregistrement de la session dans son intégralité sur notre chaîne YouTube.

Erik Orsenna, Bérangère Couillard & Joël Ruet
Bérangère Couillard
Ouverture de la session aux Nations Unies

Venant appuyer le soutien de la France pour ce side event onusien modéré par Sophie Gardette, Directrice, IAGF, Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française a ouvert la session par une allocution au panel.

Dans son intervention, la secrétaire d’État a introduit l’importance de préserver le massif du Fouta Djalon et son incroyable écosystème afin de protéger les grands fleuves d’Afrique de l’Ouest, soulignant au passage l’interdépendance entre la préservation des écosystèmes et la disponibilité en eau, tant en quantité qu’en qualité. Madame Couillard a également salué le travail des organismes de bassins de la sous-région, notamment l’OMVS, et leur rôle dans la gestion intégrée des ressources en eau au niveau des bassins transfrontaliers. Ce fut une occasion de rappeler à l’auditoire le rôle de la France dans le développement et la promotion de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) et d’encourager une approche multi-sectorielle, conciliant l’ensemble des acteurs puisant sur les ressources du Fouta Djalon et impactant ses écosystèmes. En conclusion, Madame Couillard a rappelé l’importance de la Convention des Nations Unies sur l’Eau et a salué le rôle précurseur du Sénégal et du Tchad, qui ont été les premiers pays hors-Europe à rejoindre la Convention.

Erik Orsenna
Bérangère Couillard & Joël Ruet
Erik Orsenna – Le cycle de l’eau et le cycle de la vie

En tant que co-hôte et co-organisateur de cet évènement, Erik Orsenna, Président des Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) & membre de l’Académie française, a lancé un appel à l’action afin de préserver les écosystèmes forestiers et fluviaux du Fouta Djalon. Face à la complexité et la diversité insaisissable de l’eau, « première de toutes les matières », M. Orsenna a insisté sur l’importance de recourir à des personnages concrets et des histoires pour communiquer les défis de la gestion et de la préservation des ressources en eau.

Les fleuves, et notamment les grands fleuves Sénégal, Gambie, et Niger dans le cas du Fouta Djalon, forment cette unité du vivant, ces personnages vivants dont l’histoire peut être racontée. Citant un de ses prédécesseurs à l’Académie française, Jacques-Yves Cousteau, M. Orsenna a noté que « le cycle de l’eau c’est le cycle de la vie. » La santé biologique, la santé économique et la santé sociale sont ainsi intimement liées.

Cette unité du cycle de l’eau et de la vie se retrouve également en Afrique: 60 % de l’eau potable consommée à Dakar et 100% de celle consommée à Nouakchott viennent du fleuve Sénégal. De plus, Erik Orsenna a fait l’expérience d’un autre théorème en se rendant sur les bords du Lac Tchad au Niger: « moins il y a d’eau dans le lac Tchad, plus il y a de terroristes ». « Et c’est pour ces deux raisons-là que nous avons décidé de lancer l’alerte sur le Fouta parce que le Fouta c’est la source de toute cette vie dans l’Ouest africain, » a conclu Erik Orsenna.

Joël Ruet – Expériences du terrain

Offrant un témoignage de son voyage dans le Fouta Djalon avec Hamed Semega, ancien haut-commissaire de l’OMVS, Joël Ruet, Président de The Bridge Tank & économiste à l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation i3t, CNRS a tout d’abord rendu hommage à M. Semega, avec qui il avait fait ce voyage et qui avait été le premier haut-commissaire à se rendre sur les sources du fleuve Sénégal. La mission sur place avait révélé que les hommes et femmes, populations locales vivant à proximité des sources, souffraient également du manque d’eau. Là où l’on ne trouve aujourd’hui plus que des flaques d’eau pittoresques, 10 ou 15 ans auparavant, ces mêmes mares étaient de taille à y voir se noyer un adulte. Il s’agit donc aujourd’hui de transformer un cercle vicieux en cercle vertueux a indiqué Joël Ruet, avant d’ajouter que « les solutions sont avec les gens, avec les communautés locales, et il est de notre responsabilité morale et humaine en tant que communauté internationale de les appuyer dans leurs initiatives. »

Soufiana Dabo
Un Fouta Djalon à l’agonie

Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée, a décrit le contexte actuel du Fouta Djalon avant de rappeler les défis et les menaces pesant sur ce massif qui abrite les sources du fleuve Sénégal, du fleuve Gambie, du fleuve Niger et d’autres plus petits fleuves. Ce territoire montagneux dans le nord de la République de Guinée et s’étendant vers le Sénégal, le Mali et la Guinée-Bissau se situe à des altitudes allant d’un peu plus de 500 à 1515 mètres, avec le Mont Loura comme point culminant. L’écosystéme unique du Fouta Djalon est aujourd’hui en danger et de nombreuses espèces endémiques, de la faune ou de la flore, se font rares.

La région est habitée par des agriculteurs et des éleveurs sédentaires dont les activités cohabitent. La pression démographique a néanmois mené à des mouvements de populations vers les sources d’eau afin de répondre aux besoins d’eau pour l’agriculture et pour la consommation quotidienne, à la fois humaine et du bétail. Cette pression sur les sources cause une diminution des quantités d’eau disponibles mais également la dégradation des abords des fleuves, impactant à la fois l’amont en Guinée et les pays et 300 millions de personnes vivant en aval.

Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger (ABN), a également noté des dégradations supplémentaires infligées au massif par l’homme. Celles-ci impliquent par exemple la fabrication des briques cuites, les coupes de bois abusives et l’exploitation minière, en particulier l’exploitation traditionnelle de l’or.

La réduction du couvert végétal et la dégradation des sols – conséquence du surpâturage et de pratiques agricoles inappropriées au contexte démographique, telles que l’agriculture sur brûlis et la réduction des temps de jachère ont également contribué à fragiliser le Fouta Djalon. Ces pratiques agricoles et forestières non durables réduisent les couverts forestiers et assèchent les sols, menaçant la stabilité des écosystèmes du Fouta Djalon. Ces dynamiques accélèrent ainsi la désertification et l’ensablement des cours d’eau et de leurs sources, réduisant également la capacité d’absorption des sols. La menace est aussi environnementale, puisque le changement climatique affecte la pluviométrie et le microclimat particulier du Fouta Djalon, avec des températures sans cesse en hausse.

« Ensemble nous devons mobiliser nos actions, énergies, consciences, et l’information autour de ce qui doit être entrepris dès maintenant pour restaurer cet écosystème […], pour amener les population à prendre conscience mais aussi à continuer leurs activités sans être en conflit avec la nature, » a conclu M. Dabo.

« Si nous n’agissons pas activement pour changer la donne et refaire vivre le massif du Fouta Djalon, le risque serait pour l’ensemble de ces pays (ndlr: les 9 pays membres de l’ABN), pour l’ensemble de ces populations en Afrique, » a quant à lui conclu M. Hamid.

Les organismes de bassin au coeur de l’action de sauvegarde

Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement (AFD) a présenté les initiatives de préservation et de gestion durable existantes et les actions déjà menées sur le terrain par l’AFD. Celles-ci sont notamment développées et menées en partenariat avec les différents organismes de bassin de la région. La présence de hauts responsables de ces organismes de bassins, avec M. Soufiana Dabo pour l’OMVS, un organisme que l’AFD appuie depuis environ 40 ans, et M. Abderahim Bireme Hamid pour l’ABN, avec laquelle l’AFD collabore depuis une vingtaine d’années, a illustré l’investissement et le rôle central de ces organismes dans la gestion des ressources hydriques et la préservation des écosystèmes de la région.

Il s’agit d’éviter la tragédie des communs et la tragédie du Fouta Djalon, a déclaré M. Goujon, citant le concept développé par Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009. Les défis dans l’action de préservation sont nombreux: manque de connaissances, de mesures, et de données sur les conséquences des changements hydrologiques,  connaissance de la ressource en déclin, ou encore besoins de nouvelles technologies et de moyens et dispositifs humains pour maintenir des réseaux de mesure.

L’action de l’AFD en partenariat avec les organismes de bassin se structure autour de projets comme le projet SCREEN avec l’OMVS, un projet de mesure altimétrique avec des technologies spatiales en collaboration avec de nombreux acteurs français (ex. CNR, IRD, BRL, et CNES). Le projet DYNOBA de dynamisation des organismes de bassin transfrontaliers en Afrique encourage le partage d’expériences entre les organismes de bassin. Le Fouta Djalon pourrait être un terrain d’application de ce partage. L’AFD travaille actuellement également à un projet d’appui aux services météorologiques nationaux de Guinée, afin de renforcer la météorologie nationale et de produire des données plus fiables.

« Il y a plusieurs niveaux auxquels il faut travailler : les niveaux institutionnels, internationaux, nationaux, le niveau local avec les populations pour avoir un impact bénéfique sur cet espace, » a conclu M. Goujon.

Un plan d’action pour le Fouta Djallon

L’objectif de ce side event était non seulement d’alerter la communauté internationale sur la situation alarmante d’un Fouta Djalon mourant mais également de présenter un plan d’action et d’axes prioritaires à mobiliser pour la préservation du massif. Joël Ruet, Président, The Bridge Tank & économiste à l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation i3t, CNRS a ainsi présenté les nécessaires composantes du plan d’action que nous proposons:

  1. Le soutien et la mobilisation des communautés locales du Fouta Djalon, en établissant par exemple un catalogue de bonnes pratiques durables combinant des méthodes agricoles & de préservation des écosystèmes traditionnelles et modernes et en sensibilisant et en formant les populations locales;
  2. Encourager la recherche et l’innovation au niveau local et régional, afin d’améliorer les connaissances et les données sur les ressources et les écosystèmes du Fouta Djallon, à travers l’incubation de start-ups technologiques, le soutien à des projets de recherche, l’ingénierie environnementale locale, le développement de solutions basées sur la nature;
  3. La volonté politique et la coopération régionale à travers la création d’une assemblée des États d’Afrique de l’Ouest, des organismes de bassin et des organisations multilatérales sous-régionales, soutenue par la communauté internationale, pour le Fouta Djallon, afin de développer un cadre de coopération régionale autour de cette ressource commune et d’assurer la durabilité sociale, sociétale et environnementale dans les hauts plateaux et dans toute la région ;
  4. La mobilisation de nouveaux mécanismes de financement vert et bleu au profit du Fouta Djalon, pour la préservation de la biodiversité et le développement des hauts plateaux avec le soutien international.

En particulier, dans la continuité des actions déjà mises en oeuvre, une action concertée de la sous-région pour la préservation du Fouta Djalon devra nécessairement faire intervenir les organismes de bassin. La question de la gouvernance a également été mise en lumière par Lionel Goujon, qui a encouragé une gouvernance à différents niveaux, impliquant les organismes de  bassin, les états et les communautés économiques sous-régionales. « Il faut aujourd’hui créer des coalitions et des plateformes de coopération, » a souligné Joël Ruet. Celles-ci devront nécessairement impliquer les communautés locales, afin de déterminer quelles mesures traditionnelles doivent évoluer et quelles connaissances traditionnelles peuvent être mobilisées comme méthodes de cultivation ou d’agroforesterie plus durables et résilientes. Selon Soufiana Dabo, il s’agit donc en priorité d’adapter et de repenser les solutions existantes.

Un outil qui jouera un rôle important dans cette démarche est l’Observatoire du Fouta Djalon mis en place par l’OMVS. Celui-ci permettra, selon M. Dabo, d’observer, d’analyser et d’agir dans le Fouta Djalon. Soufiana Dabo a ainsi lancé un appel au soutien de l’Observatoire comme centre de recherche, de réflexion et collecte de données nécessaires à l’évolution du massif. Cette évolution vise à accompagner les communautés dans leurs reconversions, soit vers d’autres activités qui auront moins d’impact sur l’écosystème du massif, soit à moderniser les activités qui sont actuellement entreprises par les populations locales. Dans le cadre de ses programmes PGIRE, l’OMVS a ainsi lancé de premières initiatives allant dans cette direction, avec notamment des projets d’aménagement agricole et de mise en place de périmètres irrigués et clôturés pour sédentariser la population. La réhabilitation de réserves piscicoles vise à faire de la pêche une source de revenus alternative.

« Il ne faut pas opposer le développement socio-économique, humain, à la nature et l’environnement, » a insisté Joël Ruet.

Enfin, une dernière communauté qu’il s’agit de mobiliser sont les jeunes diplomés des universités de la région. M. Ruet a conclu en revenant sur l’importance de l’entrepreneuriat technologique local. Le soutien d’incubateurs de jeunes entrepreneurs locaux revenant sur le terrain à la suite de leurs études offrirait les moyens humains pour faire vivre les systèmes de mesure, et de collecte de données nécessaires à toute action de préservation. Ces données pourront également être mobilisées pour des mécanismes de finance durable qui permettent, selon M. Ruet, « un changement transformationnel qui passe à l’échelle. »

Cette session se place dans un engagement de longue date en faveur de la préservation du Fouta Djalon de la part de The Bridge Tank. Au Forum Mondial de l’Eau à Dakar en mars 2022, The Bridge Tank et IAGF avaient déjà co-organisé une session spéciale sur ce même thème de la sauvegarde du massif du Fouta Djalon en partenariat avec l’OMVS et l’Organisation de mise en valeur du Fleuve Gambie (OMVG). Auparavant, Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, avait également participé à une mission de terrain dans le Fouta Djalon menée par notre board member Hamed Semega, alors haut-commissaire de l’OMVS.

The Bridge Tank au Forum BOAO pour l’Asie 2023 : Échanges sur la coopération Chine-UE et les transitions énergétiques

Du 28 au 31 mars 2023, The Bridge Tank, représenté par son président Joël Ruet, a participé au Forum de Boao pour l’Asie 2023, à Boao, Hainan, en Chine. The Bridge Tank participe à la réunion annuelle du « Davos chinois » en tant que partenaire de l’événement depuis 2018. Cette année, le Forum Boao était placé sous le thème « Un monde incertain : Solidarité et coopération pour le développement dans un contexte difficile » (An Uncertain World: Solidarity and Cooperation for Development amid Challenges).

Le Forum a permis à Joël Ruet de participer à deux sessions dédiées au dialogue entre la Chine et l’Union Européenne, avec une table ronde de PDG à huis clos, et un panel sur les chocs dans l’approvisionnement énergétique mondial, tous deux abordant spécifiquement la question des transitions énergétiques. La session plénière du forum a été marquée par les interventions du premier ministre chinois Li Qiang, de l’ancien secrétaire général des Nations unies et actuel président du forum Ban Ki Moon, ainsi que de Lee Hsien Loong, premier ministre de Singapour, et Pedro Sanchez, premier ministre de l’Espagne, qui ont notamment abordé les relations futures entre la Chine et l’UE et le potentiel de coopération.

Dialogue à huis clos entre PDG chinois et européens

La table ronde à laquelle Joël Ruet a participé a abordé les opportunités de coopération et les questions de concurrence dans un contexte de rivalité systémique entre la Chine et l’UE. La session a permis à des chefs d’entreprise français, italiens, finlandais, hongrois et allemands d’interagir avec leurs homologues chinois. Les participants incluaient notamment:

  • Justin Yifu Lin, Doyen de l’Institut de la nouvelle économie structurelle, Université de Pékin, ancien économiste en chef et ancien vice-président de la Banque mondiale
  • Li Zixue, Président et directeur exécutif, ZTE Corp
  • Zhang Yue, Président, BROAD Group
    Li Yong, Président, Chinayong Investment Group
  • Joël Ruet, Président, The Bridge Tank & Chercheur associé, Chaire Tech for Change, Ecole Polytechnique
  • Jorge Toledo, Ambassadeur de l’Union européenne en Chine
  • Denis Depoux, Global Managing Director, Roland Berger
  • Norbert Csizmadia, Président, Fondation de l’Université John von Neumann
  • Gianni Di Giovanni, Président, ENI China B.V. et Vice-président exécutif, ENI
  • Fabrizio Ferri, Directeur pour la région Asie-Pacifique, Fincantieri

À travers sa participation à cette table ronde, Joël Ruet a fait part de la situation actuelle et des opportunités en matière de transition énergétique, en particulier en ce qui concerne l’énergie nucléaire et l’hydrogène. Revenant sur les tendances actuelles, M. Ruet a noté qu’en 2022, la transition de l’UE a abouti à une stratégie de couverture à long terme gagnante, basée sur le gaz couvert géographiquement plutôt que sur le pétrole, avec à l’horizon 2030 une couverture de tous les combustibles fossiles.

En ce qui concerne le financement de la lutte contre le changement climatique, Joël Ruet a affirmé que les mécanismes financiers devaient aller au-delà de la tarification du carbone et du financement de l’atténuation. L’adaptation doit en effet être financée par des cobénéfices sur l’agriculture, l’agroforesterie, la fixation du CO2 dans les sols et la préservation de l’eau. Cela nécessite un effort conjoint pour construire une industrie de financement et de dérisquage bancaire au niveau des banques publiques et commerciales. La Chine et l’UE ont un intérêt commun non seulement à partager des idées et des modèles, mais aussi à mettre en place des programmes communs avec les pays les moins développés, a déclaré M. Ruet.

Dans une interview accordée à China Business News, Joël Ruet a souligné l’importance de ce type de tables rondes, car « les décisions commerciales sont basées sur ce type de relations et de compréhension entre les personnes ».

Table ronde sur les chocs énergétiques mondiaux

Le 30 mars, Joël Ruet s’est entretenu avec des dirigeants et experts chinois et internationaux dans le cadre d’une table ronde sur la structure actuelle de l’offre et de la demande dans le secteur de l’énergie. La discussion a porté sur la façon dont l’invasion de l’Ukraine par la Russie a remodelé le paysage de l’approvisionnement énergétique en Europe et sur la façon dont la structure énergétique mondiale a évolué depuis, en tenant compte des sanctions imposées à la Russie et des politiques de restriction de la production adoptées par les pays producteurs de pétrole au Moyen-Orient. La session a également abordé le maintien de la stabilité du marché international de l’énergie et les implications de ces changements sur les efforts de transition énergétique dans le monde.

La session, modérée par ZHONG Shi, présentateur de la chaîne CGTN, a accueilli :

  • Denis DEPOUX, Directeur général mondial, Roland Berger
  • Gianni Di GIOVANNI, Président, ENI China B.V. & Vice-président exécutif, ENI
  • MENG Zhenping, Président, China Southern Power Grid
  • Joël RUET, Président, The Bridge Tank & Chercheur associé, Chaire Tech for Change, Ecole Polytechnique
  • Ernie THRASHER, Directeur, Xcoal Energy & Resources
  • ZHONG Baoshen, Président, Longi, Chairman, Longi

Selon Joël Ruet, la crise énergétique est une opportunité pour mieux comprendre les atouts et les faiblesses des structures énergétiques actuelles, déterminer ce qui est résilient et ce qui est le plus affecté par ces chocs. « Nous devons faire de la crise une opportunité », a déclaré M. Ruet, ajoutant que « dans la transition énergétique, nous devons être inclusifs et unis ». La réaction de l’UE au cours de l’année écoulée montre qu’il ne s’agit pas seulement d’une réponse à un choc à court terme, mais qu’elle ouvre la voie à une accélération structurelle de la transition énergétique, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables ou le gaz. Le fait que plusieurs pays aient des stratégies énergétiques différentes sur le nucléaire en tant qu’énergie renouvelable, sur les utilisations de l’hydrogène ou sur les moteurs de mobilité n’a pas empêché des progrès considérables dans la taxonomie et sert de complément positif, donc de couverture, aux transitions énergétiques européennes.

Enseignements de la session plénière

Lors de la session plénière du forum de Boao, des dirigeants du monde entier ont pris la parole pour traiter des grandes questions d’actualité. Après avoir souligné que « l’agression russe a fragilisé l’ordre mondial », le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong a insisté sur le fait qu’au-delà de l’établissement de relations fortes avec la Chine, les pays asiatiques devaient se rapprocher les uns des autres, en soulignant le rôle central de l’ANASE. Faisant l’éloge du RCEP et de la dynamique transpacifique, le Premier ministre Lee a appelé l’Asie à rester une région ouverte établissant des partenariats.

Pedro Sanchez, Premier ministre de l’Espagne, a déclaré que l’Espagne, qui assumera prochainement la présidence de l’UE, souhaite contribuer au rétablissement de la paix et de la confiance. Le pays entend se concentrer sur une approche renouvelée de la mondialisation, soucieuse de son empreinte environnementale et de sa stabilité, en allant au-delà des seules préoccupations liées aux coûts. L’UE construit donc une nouvelle industrie verte et numérique et défendra ses valeurs et ses intérêts. La Chine et l’UE, bien que concurrentes, peuvent également rester partenaires tant que la souveraineté des pays est respectée et que des conditions de concurrence équitables sont maintenues. Selon le Premier ministre Sanchez, la Chine et l’UE doivent rester des partenaires sur le plan économique, mais aussi et surtout travailler ensemble pour atteindre les objectifs fixés dans l’accord de Paris, les ODD, et fournir des financements pour le développement et les risques liés à la dette pour les pays en développement.

 
Ban Ki Moon, Président du Forum de Boao
Lee Hsien Loong, Premier Ministre, Singapour
Pedro Sanchez, Premier Ministre, Espagne
Li Qiang, Premier ministre, Chine

Joel Ruet a également assisté au discours du premier ministre chinois Li Qiang devant les délégués du forum de Boao. Dans son discours, le Premier ministre Li a déclaré que « sans la paix, l’Asie n’aura pas un avenir radieux », avant d’ajouter que « les nombreuses questions auxquelles l’humanité est confrontée doivent être abordées par consensus ». Pour ce faire, Li Qiang a souligné le rôle des pays BRICS dans l’application d’une législation multilatérale, qualifiée de « plus juste et plus équitable » que le système actuel des Nations unies.

Li Qiang a déclaré que « dans un monde incertain, la voie de la prospérité de la Chine est une source de certitude », soulignant l’importance de la croissance de la Chine pour les pays en développement en général et pour l’Asie et l’économie mondiale. La trajectoire de la Chine consistera à « poursuivre l’effort d’approfondissement de la demande tout en structurant l’offre d’une manière favorable à l’investissement étranger ».

Il convient toutefois de rappeler que les investissements ont atteint leur niveau le plus bas en 2022 en raison de la politique « zéro covid » de la Chine, qui aura un impact sur les résultats économiques des deux prochaines années et qui a affaibli la confiance des investisseurs étrangers dans le marché chinois. Ce cycle à court terme devra être amorti, les perspectives à moyen terme étant plus encourageantes et servant de transition alors que la fenêtre d’opportunité démographique se referme.

Regardez l’analyse du discours du premier ministre chinois Li Qiang par Joël Ruet pour CGTN :

Conférence des Nations Unies sur l’Eau : L’hydro-diplomatie à l’honneur d’un side event organisé par The Bridge Tank & l’IAGF

Le 23 mars, deuxième jour de la Conférence des Nations unies sur l’eau 2023 à New York, The Bridge Tank et Initiatives pour l’avenir des grands fleuves (IAGF) ont coorganisé un side event officiel sur l’hydro-diplomatie intitulé « Towards an inclusive, pre-emptive, and positive hydro-diplomacy » (Vers une hydro-diplomatie inclusive, préventive et positive). Les organisations partenaires du side event incluaient notamment le Partenariat Français pour l’Eau, le Geneva Water Hub, IHE Delft, le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique, et APCO Worldwide, qui a accueilli la session.

La session animée par Joel RUET, Président, The Bridge Tank, et économiste à l’Institut interdisciplinaire de l’innovation i3t de l’École polytechnique a rassemblé un panel de décideurs politiques, de chercheurs et d’experts de renom comprenant :

  • Mirela KUMBARO FURXHI, Ministre du tourisme et de l’environnement, République d’Albanie
  • Erik ORSENNA, Président, Initiative pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF), Membre de l’Académie française
  • Christian BRETHAUT, Directeur scientifique, Geneva Water Hub (GWH), Observatoire mondial pour l’eau et de la paix (OMEP)
  • Marie-Laure VERCAMBRE, Directrice générale, Partenariat français pour l’eau
  • Alyssa OFFUTT, Chercheuse, Institut IHE Delft pour l’éducation relative à l’eau
  • Clémence AUBERT, Responsable du département Pilotage stratégique et Missions d’Intérêt Général, CNR (Compagnie Nationale du Rhône)
  • Suvi SOJAMO, Chercheuse, Institut finlandais pour l’environnement, et Conseillère principale, Water Cooperation and Peace – Finnish Water Way
 

Le panel s’est attaqué au sujet de l’hydro-diplomatie, s’appuyant sur l’engagement de longue date de The Bridge Tank sur cette question, un engagement qui avait déjà permis l’organisation d’un side event sur l’hydro-diplomatie en partenariat avec l’IAGF en mars 2022 lors du Forum mondial de l’eau à Dakar. Le 6 décembre 2022, The Bridge Tank avait ensuite convié un panel de haut niveau sur l’hydro-diplomatie à Paris, en marge du Sommet de l’ONU-Eau sur les eaux souterraines 2022 coordonné par l’UNESCO.

Ce side event, intitulé « Towards an inclusive, pre-emptive, and positive hydro-diplomacy » a exploré la diversité des initiatives, des outils, des mécanismes institutionnels et des conceptions de l’hydro-diplomatie qui sont développés à travers le monde et qui pourraient être mobilisés au sein d’une pratique élargie et renouvelée de l’hydro-diplomatie. Les exemples de la rivière Vjosa en Albanie et du Rhône en France, présentés respectivement par Madame la Ministre Kumbaro Furxhi et Clémence Aubert, ont fourni deux approches complémentaires de la gestion durable et multisectorielle des ressources en eau et des programmes de renaturation, l’une à travers un Parc National de Rivière Sauvage – le premier du genre en Europe – l’autre à travers les efforts de renaturation déployés par une entreprise.

La session visait à élargir la conversation et la pratique de l’hydro-diplomatie au-delà de la seule activité des diplomates, afin de la rendre plus inclusive. Les discussions ont donc porté sur la manière de relier la diplomatie officielle et la diplomatie parallèle, en intégrant la communauté scientifique et les praticiens de l’eau dans la diplomatie officielle, un principe mis en avant et promu par la Finlande dans son approche et sa pratique de l’hydro-diplomatie au fil des ans. En outre, les différentes contributions ont souligné le rôle central de la Convention sur l’eau en tant que fondement partagé et langage commun sur lequel construire de nouveaux cadres et accords de coopération dans le domaine de l’eau, comme l’a noté Alyssa Offutt de l’IHE Delft Institute for Water Education. Le développement des données, de la coopération et des outils représentent des facteurs contribuant à l’établissement d’une paix durable, comme l’illustre le travail du Geneva Water Hub.

L’industrie des services de l’eau est loin d’être exclue de ce processus ; elle a accompli une transformation environnementale notable, comme le montre le Partenariat français pour l’eau, qui constituait l’épine dorsale de la société civile de « l’équipe France » lors de la conférence.

En clôture de la session, Hamed SEMEGA, ancien haut-commissaire de l’Organisation de mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), a annoncé le lancement de la Water for Peace Africa Foundation en partenariat avec The Bridge Tank, l’IAGF et les organismes de bassins fluviaux d’Afrique de l’Ouest. La fondation aura pour but de promouvoir une coopération entre tous les acteurs de la région et d’encourager le partage d’informations, de données et des bonnes pratiques afin de promouvoir la paix.

La vidéo de la session

Conférence des Nations Unies sur l’Eau : The Bridge Tank et l’IAGF organisent un side event sur la préservation du Massif du Fouta Djallon

La préservation du Massif du Fouta Djallon en Guinée, château d’eau de l’Afrique de l’Ouest abritant les sources des grands fleuves de la région, a réuni The Bridge Tank, Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF), et l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), qui ont organisé ensemble un side event officiel de la Conférence des Nations Unies sur l’eau 2023, le vendredi 24 mars, avec le soutien de la France et de la Guinée.

Ce massif forestier est plus que jamais en danger – menacé par les actions combinées des populations locales laissées pour compte par le mal-développement, d’un bétail nécessitant des pratiques plus résilientes, et des effets du changement climatique exigeant une adaptation agraire et sylvicole à portée de main. La présence de hauts dignitaires français et guinéens, dont Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie de la République française, et la directrice de cabinet d’Aly Seydouba Soumah, ministre de l’énergie, de hydraulique et des hydrocarbures, République de Guinée, ainsi que de hauts responsables d’organismes de bassin d’Afrique de l’Ouest, tels que Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée et Abderahim Bireme Hamid, secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger, et des acteurs du développement actifs sur le terrain ont fait de cette conférence une occasion unique de tirer la sonnette d’alarme et d’appeler à une action concertée pour la préservation du Massif du Fouta Djallon.

Erik Orsenna & Bérangère Couillard

Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie, France, a ouvert la session en soulignant l’importance de protéger le Fouta Djallon et les sources des grands fleuves d’Afrique de l’Ouest, et a rappelé à l’auditoire la place toute particulière de la France dans le développement de la gestion intégrée des ressources en eau.

Erik Orsenna, président de l’IAGF (Initiatives pour l’avenir des grands fleuves), a lancé un vibrant appel à l’action pour préserver ces écosystèmes forestiers qui fournissent en eau une région où vivent 300 millions d’habitants. Il a notamment souligné le rôle crucial des organisations de bassins fluviaux pour préserver la paix et développer la coopération transfrontalière, alors que la région est confrontée à un stress hydrique croissant.

Joel Ruet & Soufiana Dabo
Lionel Goujon
Abderahim Bireme Hamid

Représentant un organisme de bassin qui a contribué au développement et à la coopération en Afrique de l’Ouest, Soufiana Dabo, coordinateur national de la cellule OMVS en Guinée, a présenté le contexte spécifique du Fouta Djallon et les risques pesant sur ses sources, de la déforestation à l’ensablement des cours d’eau, en passant par des pratiques agricoles obsolètes.

Lionel Goujon, responsable de la division Eau et Assainissement de l’Agence Française de Développement a présenté les initiatives existantes et les actions déjà menées sur le terrain, notamment en partenariat avec les Organismes de Bassin de la région.

Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, a ensuite dévoilé une feuille de route de solutions pour sauvegarder le Fouta Djallon, incluant notamment la nécessité d’impliquer les jeunes entrepreneurs technologiques locaux, de former les populations locales, et de mobiliser la finance verte pour étendre les actions sur le terrain. Le secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger, M. Abderahim Bireme Hamid, a également souligné l’importance de mobiliser les populations locales avec leurs connaissances et solutions basées sur la nature.

Ce side event organisé dans l’enceinte du siège des Nations Unies était placé sous le haut patronage de la Guinée et de la France, et soutenu par l’Agence Française de Développement (AFD), le Partenariat Français pour l’Eau, le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), le Geneva Water Hub et la Chaire Technology for Change de l’École Polytechnique.

G20/Business 20: Deuxième réunion de la Task Force B20 Inde sur l’Énergie, le Changement Climatique et l’Efficacité des Ressources

La présence de The Bridge Tank à New Delhi, en Inde, dans le cadre du CII Partnership Summit 2023 du 13 au 15 mars, a permis à Joël Ruet, Président, The Bridge Tank, de participer à la deuxième réunion de la Task Force B20 Inde sur l’Énergie, le Changement Climatique et l’Efficacité des Ressources (B20 India Task Force on Energy, Climate Change & Resource Efficiency). En tant que membre du groupe de travail, The Bridge Tank avait participé à sa première réunion lors de la Conférence de Lancement du groupe d’engagement Business 20 (B20) du G20, le 24 janvier 2023, à Gandhinagar, en Inde.

La deuxième réunion de la task force, qui s’est tenue le 15 mars, a soulevé trois questions essentielles : (1) l’accélération des transitions ‘zéro émission nette’, (2) une plus grande contribution globale de l’énergie verte, y compris de l’hydrogène et de l’ammoniac verts, et (3) un meilleur accès au financement pour ces transitions. Conformément à l’un des objectifs de la présidence indienne du G20, le groupe de travail a souligné l’importance d’inclure les pays en développement dans ces développements.

L’accent a notamment été mis sur le fait que, bien que des normes mondiales en matière d’ESR, des normes non financières ainsi qu’une impulsion technologique par le biais d’un soutien public soient nécessaires, certains pays bénéficient d’avantages en termes de coûts d’investissement que d’autres n’ont pas. Par conséquent, plus encore que le soutien en ressources humaines ou l’aide au transfert de technologie, il est nécessaire d’instaurer des conditions de concurrence équitables sur le plan financier afin d’inclure les pays en développement, comme l’ont souligné certains membres de la task force, dont The Bridge Tank. Tout en recommandant que les banques multilatérales de développement et les fonds privés prennent ce problème au sérieux, une partie du débat a été consacrée à l’idée de concentrer l’argent public sur la réduction des risques et, selon The Bridge Tank, d’impliquer les écosystèmes financiers locaux, nationaux et régionaux dans ces projets ainsi dérisqués.

De plus, si l’on va au-delà des solutions uniquement adaptées aux pays du G20 – comme la présidence indienne du G20 souhaite que celui-ci prenne en compte les problèmes de l’Afrique par exemple – un débat s’ouvre alors sur l’inégalité des capacités en matière de collecte et traitement de données à travers le monde, qui s’ajoute à l’inégalité des coûts du capital. Il s’agit là d’une ligne de contribution que nous continuerons à intégrer dans le groupe de travail d’ici à sa troisième réunion en avril et à sa réunion finale en juin.

Les discussions et le feedback entre la première et la deuxième réunion de la task force ont soulevé de nombreuses autres questions, notamment l’établissement de normes mondiales pour l’hydrogène, l’évaluation du cycle de vie et du champ d’application des produits recyclables, l’établissement de dispositions pour les transactions nationales et internationales sur le carbone et la facilitation de l’accès au financement et à la technologie. En outre, il est primordial d’inclure et de reconnaître le rôle que les micro, petites et moyennes entreprises ont à jouer. Comme l’ont fait remarquer certains membres de la task force, des résultats et des actions clairs sont nécessaires, car le coût de l’inaction en matière d’adaptation au changement climatique serait désastreux, notamment pour les régions côtières.

La réunion a été convoquée par quelques-uns des principaux dirigeants de l’industrie indienne :

  • M. Sajjan Jindal, Président directeur général, Groupe JSW – président de la task force
  • M. Vineet Mittal, Président, Groupe Avaada – vice-président de la task force
  • M. T V Narendran, Directeur général, Tata Steel – vice-président de la task force
  • M. Christian Cahn von Seelen, Membre du comité exécutif de Volskwagen – vice-président de la task force
  • M. Jean-Pierre Clamadieu, Président du conseil d’administration, ENGIE – vice-président de la task force (représenté par son chef de cabinet)
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