Notre décryptage du Nouveau Modèle de Développement
Contexte:
L’Ambassadeur et ancien Ministre de l’Intérieur Chakib Benmoussa, Président de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) a remis ce mardi 25 mai 2021 son rapport général lors d’une cérémonie présidée par le Roi Mohammed VI.
La vision décrite dans ce rapport est qu’à l’horizon 2035, le Maroc soit reconnu comme un pays démocratique : « En 2035, le Maroc est un pays démocratique, où toutes et tous sont en pleine capacité de prendre en main leur devenir et de libérer leur potentiel, de vivre en dignité au sein d’une société ouverte, diverse, juste et équitable. C’est un pays créateur de valeur, qui fructifie ses potentialités de manière durable, partagée et responsable. Capitalisant sur ses progrès significatifs à l’échelle nationale, le Maroc s’érige en puissance régionale exemplaire, à l’avant-garde des grands défis qui interpellent le monde. »
Aussi, le rapport de la CSMD donnera lieu à un pacte national pour le développement – proposition inédite au Maroc. L’objectif est d’ancrer le Nouveau Modèle de Développement comme référentiel commun des acteurs et engager les différentes parties. Autrement dit, le pacte serait l’outil d’un renouvellement des rapports de l’Etat avec les acteurs du développement (partis politiques, institutions constitutionnelles, secteur privé et partenaires sociaux, territoires et tiers secteur) ; renouvellement dont les maîtres mots sont : responsabilisation, subsidiarité, partenariat, durabilité et inclusion.
Axes de développement
Le rapport général de la CSMD, « le Nouveau Modèle de Développement, libérer les énergies et restaurer la Confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous », s’articule autour de trois parties :
- Le Maroc d’aujourd’hui et le monde à venir
- Le Nouveau Modèle proposé par la Commission
- La proposition des leviers de changements pour y parvenir
Il est accompagné de 3 annexes qui complètent la compréhension du nouveau modèle de développement et de son élaboration :
- Une synthèse des écoutes et des contributions qui ont alimenté la démarche de co-construction de la CSMD. Le document décrit l’approche participative adoptée pour l’élaboration du nouveau modèle de développement. Il retranscrit la richesse des échanges avec les citoyens et les institutions ;
- Un recueil des notes thématiques, projets et paris d’avenir appartenant au nouveau modèle de développement, accompagné de ses axes stratégiques de transformation et de ses leviers de changement ;
- Une liste des contributions, auditions, activités et bibliographies qui ont contribué aux travaux de la CSMD.
- Benmoussa a évoqué lors d’une conférence de presse tenue à Rabat le mercredi 26 mai l’ambition du nouveau modèle de développement, de placer « l’humain au centre de tout choix». Il a aussi ajouté que ce rapport permettrait de se « positionne(r) sur des domaines d’avenir tout en préservant ses ressources naturelles et les valorisant« , en n’oubliant pas de mentionner que le nouveau modèle de développement est un appel général à la mobilisation, appelant à une nouvelle forme d’organisation et un mode de gouvernance rénové. Ce rapport prévoit une mise en œuvre des actions et des objectifs de développement à l’horizon 2035.
Une “place de choix”, un “atout précieux dans le processus de développement du pays”, tels sont les termes utilisés pour décrire les « Marocains du Monde » ou Marocains résidant à l’étranger (MRE) qui font l’objet d’une section spéciale dans le rapport CSMD. En effet, ils figurent comme l’un des cinq leviers du changement nécessaires pour l’amorçage du nouveau modèle de développement. De ce fait, il faut relever simultanément les cinq objectifs de développement interdépendants et complémentaires que sont :
- la prospérité,
- l’automatisation (empowerment),
- l’inclusion,
- la durabilité,
- et le leadership régional dans des domaines ciblés.
Le tableau ci-dessous a été publié dans le rapport de la Commission, il a pour vocation de donner une consistance claire à ses objectifs de développement de manière chiffrée et quantifiable. La Commission propose une sélection d’indicateurs qui visent à mesurer l’impact final en termes de développement. Ils démontrent l’impératif de résultats pour les acteurs en charge de la mise en œuvre, mais en conservant une certaine flexibilité sur les solutions et mesures appropriées pour leur atteinte. La publication de ces indicateurs n’est pas anodine, elle vise à installer un climat de confiance et de transparence de l’action publique et une culture de la performance et du résultat.
Les valeurs des indicateurs ci-dessus visent un objectif pour 2035, elles peuvent être amenées à évoluer en fonction des recherches en cours au Maroc et à l’international. L’objectif du Maroc est de pouvoir se situer dans la 1ère moitié, voire le tiers supérieur, des classements mondiaux qui font référence aux secteurs prioritaires du Nouveau Modèle de Développement.
Narjis Hilale, membre de la CSMD, met l’accent sur tous les aspects constituant le rapport que ce soit celui de la gouvernance, de la culture, des mentalités, des compétences et de l’économie. Narjis Hilale insiste que le fil conducteur du rapport est de comprendre les “Marocains du Monde” dans leurs diversité et pluralité. Cet élément est crucial et assure le succès des politiques à venir qui leur sont dédiées. Autrement dit, un des éléments clés est le développement d’un soft power marocain. Afin d’atteindre les Marocains du monde, l’utilisation des nouvelles technologies digitales est nécessaire. Il vise la création d’une stratégie de communication ciblée et adaptée.
Financement du nouveau modèle de développement
Concernant la question du financement, M. Benmoussa a précisé que ces projets nécessiteront des financements publics additionnels de 4% du PIB annuellement en phase d’amorçage (2022-2025) et de 10% du PIB en rythme de croisière à l’horizon 2030. Ici ne sont comptabilisés que certains objectifs de développement, ceux associés aux chantiers du capital humain et de l’inclusion (éducation ; enseignement supérieur ; santé ; protection sociale ; jeunesse), qui requièrent des dépenses publiques récurrentes importantes. D’autres part, les projets au centre du nouveau modèle de développement comme les cinq axes retenus, les réformes structurelles qui les accompagnent (eau, énergie, transport et logistique, numérique…), la transformation productive de l’économie, et le développement d’écosystèmes territoriaux (projets régionaux, fonds d’appui, pôles de recherche et formation, etc.), devront être propulsés à partir de 2022 afin de favoriser la création de valeur et d’emplois.
La stratégie de financement du NMD est focalisée sur sa phase d’amorçage, poussée par l’Etat et ayant pour objectif une reprise par le secteur privé « Il faut augmenter les ressources de l’Etat à travers le recours à la fiscalité, sans augmenter les impôts, et la diversification du financement par le biais du secteur privé. Nous avons besoin d’un secteur privé fort« , affirme Chakib Benmoussa. L’hypothèse de cette stratégie soutient qu’un amorçage réussi provoquera une dynamique positive permettant au NMD de s’autofinancer partiellement tout en contribuant à l’accroissement de ressources.
Cette stratégie s’articule en cinq leviers faisant appel au financement public et privé, afin d’amorcer les grands chantiers du NMD de manière simultanée :
- Une politique budgétaire actant les réallocations nécessaires au financement des chantiers transformateurs
- Une politique budgétaire agile, qui s’inscrit dans la dynamique de moyen-long terme
- Une politique fiscale plus efficace, à même de permettre la mobilisation de ressources supplémentaires, dont le potentiel est estimé entre 2 et 3% du PIB.
- Une amorce rapide de la transformation structurelle de l’économie, à même de générer des ressources à moyen-terme permettant la soutenabilité du modèle. Celle-ci faisant appel à un rôle accru des EEP (Établissements et Entreprises Publics) et du secteur privé national et international.
- Des conditions propices pour l’accroissement de l’investissement privé national et international, à travers un cadre d’investissement attractif. Aussi, la diversification des mécanismes et des systèmes de financement au service de la transformation économique.
Le Président de la Commission soutient que les chantiers principaux, de par leur portée transformationnelle, favoriseraient la transition vers un nouveau palier de croissance annuelle du PIB pouvant atteindre 6% en moyenne à partir de 2025 et 7% à partir de 2030. Il s’agit aussi de la résorption des inégalités hommes-femmes, principalement en matière d’accès à l’emploi, générerait un supplément annuel de croissance du PIB entre 0,2% et 1,95%.
A l’horizon 2030, le rapport préconise une part du numérique dans le PIB s’élevant à 5%, les IDE (investissements directs étrangers) investis dans le numérique atteindront 10% du total des IDE. Quant aux compétences formées au numérique, toutes compétences confondues seront de 50 000 par an. Dans ce rapport, le numérique constitue un moyen efficace pour augmenter la confiance entre le citoyen, les entreprises et l’Etat, permettant ainsi une relation fluide, transparente et simplifiée. Pour cela, les objectifs sont de développer une infrastructure de qualité sur l’ensemble du territoire, de faciliter un accès rapide aux informations et d’offrir de nouveaux canaux de services et participation. Le numérique est aussi perçu comme un outil d’inclusion économique, sociale et territoriale. Le paiement mobile est aussi reconnu comme une opportunité d’inclusion économique et sociale des populations vulnérables.
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