Catégorie : Événements et rapports

Notre décryptage du Nouveau Modèle de Développement

Contexte:

L’Ambassadeur et ancien Ministre de l’Intérieur Chakib Benmoussa, Président de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) a remis ce mardi 25 mai 2021 son rapport général lors d’une cérémonie présidée par le Roi Mohammed VI.

La vision décrite dans ce rapport est qu’à l’horizon 2035, le Maroc soit reconnu comme un pays démocratique : « En 2035, le Maroc est un pays démocratique, où toutes et tous sont en pleine capacité de prendre en main leur devenir et de libérer leur potentiel, de vivre en dignité au sein d’une société ouverte, diverse, juste et équitable. C’est un pays créateur de valeur, qui fructifie ses potentialités de manière durable, partagée et responsable. Capitalisant sur ses progrès significatifs à l’échelle nationale, le Maroc s’érige en puissance régionale exemplaire, à l’avant-garde des grands défis qui interpellent le monde. »

Aussi, le rapport de la CSMD donnera lieu à un pacte national pour le développement – proposition inédite au Maroc. L’objectif est d’ancrer le Nouveau Modèle de Développement comme référentiel commun des acteurs et engager les différentes parties. Autrement dit, le pacte serait l’outil d’un renouvellement des rapports de l’Etat avec les acteurs du développement (partis politiques, institutions constitutionnelles, secteur privé et partenaires sociaux, territoires et tiers secteur) ; renouvellement dont les maîtres mots sont : responsabilisation, subsidiarité, partenariat, durabilité et inclusion.

Axes de développement

Le rapport général de la CSMD, « le Nouveau Modèle de Développement, libérer les énergies et restaurer la Confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous », s’articule autour de trois parties :

  • Le Maroc d’aujourd’hui et le monde à venir
  • Le Nouveau Modèle proposé par la Commission
  • La proposition des leviers de changements pour y parvenir

Il est accompagné de 3 annexes qui complètent la compréhension du nouveau modèle de développement et de son élaboration :

  • Une synthèse des écoutes et des contributions qui ont alimenté la démarche de co-construction de la CSMD. Le document décrit l’approche participative adoptée pour l’élaboration du nouveau modèle de développement. Il retranscrit la richesse des échanges avec les citoyens et les institutions ;
  • Un recueil des notes thématiques, projets et paris d’avenir appartenant au nouveau modèle de développement, accompagné de ses axes stratégiques de transformation et de ses leviers de changement ;
  • Une liste des contributions, auditions, activités et bibliographies qui ont contribué aux travaux de la CSMD.
  1. Benmoussa a évoqué lors d’une conférence de presse tenue à Rabat le mercredi 26 mai l’ambition du nouveau modèle de développement, de placer « l’humain au centre de tout choix». Il a aussi ajouté que ce rapport permettrait de se « positionne(r) sur des domaines d’avenir tout en préservant ses ressources naturelles et les valorisant« , en n’oubliant pas de mentionner que le nouveau modèle de développement est un appel général à la mobilisation, appelant à une nouvelle forme d’organisation et un mode de gouvernance rénové. Ce rapport prévoit une mise en œuvre des actions et des objectifs de développement à l’horizon 2035.

Une “place de choix”, un “atout précieux dans le processus de développement du pays”, tels sont les termes utilisés pour décrire les « Marocains du Monde » ou Marocains résidant à l’étranger (MRE) qui font l’objet d’une section spéciale dans le rapport CSMD. En effet, ils figurent comme l’un des cinq leviers du changement nécessaires pour l’amorçage du nouveau modèle de développement. De ce fait, il faut relever simultanément les cinq objectifs de développement interdépendants et complémentaires que sont :

  • la prospérité,
  • l’automatisation (empowerment),
  • l’inclusion,
  • la durabilité,
  • et le leadership régional dans des domaines ciblés.
Figure 1: Ambition pour le Maroc à l'horizon 2035

Le tableau ci-dessous a été publié dans le rapport de la Commission, il a pour vocation de donner une consistance claire à ses objectifs de développement de manière chiffrée et quantifiable. La Commission propose une sélection d’indicateurs qui visent à mesurer l’impact final en termes de développement. Ils démontrent l’impératif de résultats pour les acteurs en charge de la mise en œuvre, mais en conservant une certaine flexibilité sur les solutions et mesures appropriées pour leur atteinte. La publication de ces indicateurs n’est pas anodine, elle vise à installer un climat de confiance et de transparence de l’action publique et une culture de la performance et du résultat.  

Les valeurs des indicateurs ci-dessus visent un objectif pour 2035, elles peuvent être amenées à évoluer en fonction des recherches en cours au Maroc et à l’international. L’objectif du Maroc est de pouvoir se situer dans la 1ère moitié, voire le tiers supérieur, des classements mondiaux qui font référence aux secteurs prioritaires du Nouveau Modèle de Développement.

Figure 2: Indicateur de résultat du Nouveau Modèle de développement

Narjis Hilale, membre de la CSMD, met l’accent sur tous les aspects constituant le rapport que ce soit celui de la gouvernance, de la culture, des mentalités, des compétences et de l’économie. Narjis Hilale insiste que le fil conducteur du rapport est de comprendre les “Marocains du Monde” dans leurs diversité et pluralité. Cet élément est crucial et assure le succès des politiques à venir qui leur sont dédiées. Autrement dit, un des éléments clés est le développement d’un soft power marocain. Afin d’atteindre les Marocains du monde, l’utilisation des nouvelles technologies digitales est nécessaire. Il vise la création d’une stratégie de communication ciblée et adaptée.

Financement du nouveau modèle de développement

Concernant la question du financement, M. Benmoussa a précisé que ces projets nécessiteront des financements publics additionnels de 4% du PIB annuellement en phase d’amorçage (2022-2025) et de 10% du PIB en rythme de croisière à l’horizon 2030. Ici ne sont comptabilisés que certains objectifs de développement, ceux associés aux chantiers du capital humain et de l’inclusion (éducation ; enseignement supérieur ; santé ; protection sociale ; jeunesse), qui requièrent des dépenses publiques récurrentes importantes. D’autres part, les projets au centre du nouveau modèle de développement comme les cinq axes retenus, les réformes structurelles qui les accompagnent (eau, énergie, transport et logistique, numérique…), la transformation productive de l’économie, et le développement d’écosystèmes territoriaux (projets régionaux, fonds d’appui, pôles de recherche et formation, etc.), devront être propulsés à partir de 2022 afin de favoriser la création de valeur et d’emplois.

La stratégie de financement du NMD est focalisée sur sa phase d’amorçage, poussée par l’Etat et ayant pour objectif une reprise par le secteur privé « Il faut augmenter les ressources de l’Etat à travers le recours à la fiscalité, sans augmenter les impôts, et la diversification du financement par le biais du secteur privé. Nous avons besoin d’un secteur privé fort« , affirme Chakib Benmoussa. L’hypothèse de cette stratégie soutient qu’un amorçage réussi provoquera une dynamique positive permettant au NMD de s’autofinancer partiellement tout en contribuant à l’accroissement de ressources.

Cette stratégie s’articule en cinq leviers faisant appel au financement public et privé, afin d’amorcer les grands chantiers du NMD de manière simultanée :

  • Une politique budgétaire actant les réallocations nécessaires au financement des chantiers transformateurs
  • Une politique budgétaire agile, qui s’inscrit dans la dynamique de moyen-long terme
  • Une politique fiscale plus efficace, à même de permettre la mobilisation de ressources supplémentaires, dont le potentiel est estimé entre 2 et 3% du PIB.
  • Une amorce rapide de la transformation structurelle de l’économie, à même de générer des ressources à moyen-terme permettant la soutenabilité du modèle. Celle-ci faisant appel à un rôle accru des EEP (Établissements et Entreprises Publics) et du secteur privé national et international.
  • Des conditions propices pour l’accroissement de l’investissement privé national et international, à travers un cadre d’investissement attractif. Aussi, la diversification des mécanismes et des systèmes de financement au service de la transformation économique.

Le Président de la Commission soutient que les chantiers principaux, de par leur portée transformationnelle, favoriseraient la transition vers un nouveau palier de croissance annuelle du PIB pouvant atteindre 6% en moyenne à partir de 2025 et 7% à partir de 2030. Il s’agit aussi de la résorption des inégalités hommes-femmes, principalement en matière d’accès à l’emploi, générerait un supplément annuel de croissance du PIB entre 0,2% et 1,95%.

Figure 3: Stratégie de financement du NMD

A l’horizon 2030, le rapport préconise une part du numérique dans le PIB s’élevant à 5%, les IDE (investissements directs étrangers) investis dans le numérique atteindront 10% du total des IDE. Quant aux compétences formées au numérique, toutes compétences confondues seront de 50 000 par an. Dans ce rapport, le numérique constitue un moyen efficace pour augmenter la confiance entre le citoyen, les entreprises et l’Etat, permettant ainsi une relation fluide, transparente et simplifiée. Pour cela, les objectifs sont de développer une infrastructure de qualité sur l’ensemble du territoire, de faciliter un accès rapide aux informations et d’offrir de nouveaux canaux de services et participation. Le numérique est aussi perçu comme un outil d’inclusion économique, sociale et territoriale. Le paiement mobile est aussi reconnu comme une opportunité d’inclusion économique et sociale des populations vulnérables.

Télécharger la version PDF ici: The Bridge Tank_analyse_Maroc_Juin2021

Financement de l’économie africaine : Accompagner la Modernisation des Economies

Par Clarisse Hida et Joël Ruet

A l’heure où va se tenir le 18 mai 2021 à Paris le Sommet sur le financement de l’économie africaine, à l’invitation d’Emmanuel Macron et avec les chefs d’Etat et de gouvernement africains, la réflexion doit aller bien au-delà du refinancement de la dette souveraine, pour intégrer les dynamiques d’un système financier africain en plein transformation, secteur bancaire compris, tant au niveau du secteur privé que des banques commerciales.

L’Afrique s’est montrée résiliente depuis la crise économique de 2008 avec une dette contrôlée jusqu’au covid, et, pour de nombreux pays, contractée en lien à une transformation, un essor de l’assiette fiscale, et des marges restantes à ce niveau en terme de soutenabilité. Mais surtout le continent, et notamment le sous-continent de l’Afrique sub-saharienne, a démontré un essor réel de ses économies servi par la croissance de banques panafricaines à aujourd’hui mieux accompagner internationalement.

Mais aujourd’hui l’Afrique reste sous-bancarisée, et un traitement « classique » des économies africaines par les outils du système bancaire éventuellement appuyés par un outil public multilatéral pour l’évaluation correcte des risques, incluant les enjeux de ‘notation’, semble prometteur.

POINTS CLÉS
Il convient d’aborder la question du financement et de la croissance africaine par :
–       Le maintien de l’aide publique au développement dans un contexte de COVID-19 qui, en soi, ne constitue pas un risque spécifique à l’Afrique.
–       La relance des investissements publics et privés étrangers en Afrique, en améliorant la perception des opportunités africaines, dont la notation plus juste des actifs financiers privés comme souverains.
–       Et enfin, l’appui à l’accès aux marchés de capitaux par les banques commerciales puisqu’il est clair que de nombreux régimes bancaires sont sains et ne doivent être ni sous-exploités ni même, sous-estimés.

Dans chacune des pistes proposées, la communauté internationale doit jouer un rôle d’intégrateur ou d’intermédiaire qui dépasse le cadre de l’aide au développement. Cette triple approche permettrait d’aborder de nouveaux types de financeurs, qui sauraient mieux saisir les spécificités et les stratégies des Etats, notamment, mais pas seulement, vis-à-vis de la dette et de son refinancement.

Le Bridge Tank au Forum de BOAO 2021 : un partenariat ancré dans une vision commune

Le Bridge Tank au rendez-vous annuel du « Davos chinois »

Après une année de pandémie qui avait conduit en 2020 à son annulation, le Forum de BOAO a renouvelé du 18 au 21 avril 2021 sa  conférence annuelle dans un contexte fluctuant entre reprise des échanges internationaux et tentation de repli. Le « Davos chinois » joue à ce titre un rôle déterminant dans le calendrier international en prônant un dialogue multilatéral ouvert, à l’heure où le Covid19 a durablement bousculé l’équilibre international et engendré une série de nouveaux défis tout en exacerbant ceux qui lui pré-existaient.

Depuis 2018, le Président du Bridge Tank Joël RUET est intervenant au Forum de BOAO dont le Bridge Tank est un partenaire. Comme chaque année, il est intervenu lors d’un panel de haut niveau aux côtés de leaders internationaux de la sphère politique et du monde des affaires, comme Dmytro KULEBA, ministre des Affaires Étrangères ukrainien, Jens ESKELUND, vice-président de la Chambre de Commerce européenne en Chine, ou LIU Hualong, président de China Poly Group. Des personnalités comme la directrice générale de l’OMC, Ngozi OKONJO-IWEALA, ou le Ministre de l’Environnement sud-coréen s’exprimaient cette année à BOAO.

Notre Président y était l’un des trois intervenants français, incarnant le cercle des think tanks, tandis que Jean-Pierre RAFFARIN et Henry GISCARD D’ESTAING, y représentaient respectivement le monde politique et économique. Cette plate-forme de dialogue de haut niveau, très attendue dans un contexte de retour aux discussions internationales, aspire à construire un consensus mondial et à promouvoir un développement commun et durable. Cette rencontre a notamment été l’occasion d’évoquer les mesures prises par les pays partenaires des Nouvelles Routes de la Soie pour garantir le maintien des échanges face au ralentissement du commerce et de l’investissement à l’échelle mondiale. Le rôle de la ligne China-EU Express dans la stabilisation de la chaine d’approvisionnement a également été abordé, ainsi que celui joué par l’e-commerce pour renouveler et développer la coopération économique internationale. Dans le contexte d’une implémentation des Nouvelles Routes de la soie, mais aussi d’un Accord d’investissement entre l’UE et la Chine qui fait débat, l’avenir des relations sino-européennes a également occupé l’espace de discussion.

Pour Joël Ruet, président du Bridge Tank, « l’investissement d’aujourd’hui fonde le commerce de demain »  

Dans son intervention, Joël Ruet a souligné la nécessité d’optimiser le commerce eurasiatique, incarné par l’essor de la ligne ferroviaire Chine-EU, en insistant sur le rôle de l’investissement en amont. À ce titre, il appelle à un rééquilibrage des échanges, à la faveur d’exportations de technologies et équipements européens vers la Chine. Sur ce point, le Bridge Tank a longuement abordé le sujet des atouts compétitifs de l’UE à faire valoir dans ses échanges avec la Chine.

Il a également abordé la question énergétique : la Belt and Road Initiative (BRI) pourrait jouer un rôle important en connectant les deux champions en hydrogène que sont l’Asie et l’Europe. Le Bridge Tank a d’ailleurs développé plusieurs pistes de coopération en termes de recherche qu’il serait stratégique de développer entre les deux régions.

Joël RUET a ajouté que l’UE ne comptait pas aborder la question climatique comme un sujet parmi d’autres, mais bien comme une problématique qui conditionne et prévaut sur les intérêts de chacun, et a mis cette approche en regard de la ligne Blinken : traiter séparément rivalités technologiques et coordination pour le climat. Joël Ruet a indiqué qu’il reste à voir si cette séparation est audible par la partie chinoise.

Il a également porté une réflexion sur la place de l’Afrique dans le projet des Nouvelles Routes de la soie, suggérant que celle-ci veut et doit y trouver sa place. Selon lui, les investissements sur le continent africain, encore trop limités aux infrastructures, gagneraient à valoriser d’avantage le contact entre individus en misant sur le capital humain et la formation des compétences.

Le Ministre ukrainien des Affaires Étrangères en faveur d’une coopération européenne ambitieuse autour de l’hydrogène

Le ministère des Affaires étrangères ukrainien a soulevé les nombreux défis mis au jour par la pandémie. Il soutient que le commerce international jouera un rôle clef dans la reprise économique mondiale, à condition d’une coopération dynamisée. Pour cela, et à l’image de l’Ukraine qui se pose en hub logistique stratégique, les régions du monde doivent gagner en connectivité afin de favoriser des interactions multilatérales.

Il prône une coopération européenne renforcée sur le secteur des énergies alternatives telles que l’hydrogène. Il appelle ainsi à des efforts coordonnés en faveur de l’investissement dans les technologies de l’hydrogène, assurant que l’Ukraine compte y jouer son rôle de partenaire stratégique. Le Bridge Tank partage avec intérêt l’enthousiasme du Ministre pour une coopération innovante autour de l’hydrogène, comme en témoignent ces nombreux travaux sur le sujet.

Pour Jens Eskelund, directeur général de Maersk et vice-président à la Chambre de Commerce européenne en Chine, « le monde des affaires permet un dialogue international constructif au-delà du politique ».

Jens Eskelund a évoqué le pré-Accord d’investissement entre l’UE et la Chine dont la ratification a été suspendue à cause de différends politiques. Pour lui, il s’agit là du dangereux symptôme d’un phénomène de politisation du commerce mondial : le cercle politique rencontre le monde des affaires. Pourtant, cette situation est intenable sur le long terme : les deux parties doivent être conscientes de la nécessité de maintenir un dialogue ouvert. Pour lui, le commerce demeure le domaine où des liens constructifs et francs peuvent être maintenus indépendamment des divergences politiques. Le monde des affaires a donc un rôle à jouer pour maintenir le contact là où les relations diplomatiques font face à une impasse.  

Selon lui, et le Bridge Tank abonde dans son sens, une coopération internationale est en effet cruciale pour répondre à des enjeux d’avenir tels que le défi climatique : sur ce sujet, l’UE et la Chine ne peuvent se permettre de développer des technologies en parallèle sans converger.

LIU Hualong et l’importance d’œuvrer vers un état de confiance pour refonder les relations internationales

Dans un contexte de crispation des échanges diplomatiques, le PDG de Poly Group a invité à renouer avec un état de confiance, prérequis nécessaire à tout échanges commerciaux ou investissements internationaux. Selon lui, le partage de l’expérience et l’établissement de la confiance sont essentiels pour reconstruire un monde post-covid durable et stabiliser la chaine d’approvisionnement globale.

Joël Ruet rebondit sur cette intervention, renchérissant que des rapports constructifs doivent s’enraciner dans un état de compréhension mutuelle, alimenté par des réseaux internationaux et des projets culturels. En effet, pour qu’un rapprochement sur l’investissement puisse être acté par les entreprises, il est essentiel d’apprendre à se connaitre, à travers des initiatives multiculturelle.

The Bridge Tank au Forum de BOAO : pour aller plus loin

Si le Bridge Tank est un partenaire fidèle du Forum de BOAO depuis 2018, c’est parce qu’il œuvre dans ces travaux à proposer une vision du monde convergente avec celle partagée à BOAO, en faveur de l’ouverture et de la coopération. Les entretiens proposés ci-dessous, accordé par Joël Ruet à des médias chinois, permettent d’aller plus loin pour approfondir le sens de cette vision commune.

Au cours d’une interview de CGTN TV, Joël Ruet a notamment proposé des pistes de réflexion sur la coopération environnementale entre la Chine, l’Union Européenne et les États-Unis. Il a également évoqué la nécessité de renforcer la coordination entre le G20 et la BRI, et abordé la question de la gouvernance de ces nouvelles Routes de la soie auprès de ces journalistes.

Joël Ruet a été cité par CCTV13, une chaine d’information nationale chinoise, au sujet du rôle de BOAO dans l’intégration économique de l’Asie, mais aussi du monde à l’échelle globale. 

Lors d’un entretien à l’occasion de l’ouverture du Forum, le président du Bridge Tank a présenté son point de vue sur le commerce de demain, nécessairement fondé sur des investissements proactifs et ambitieux, une réforme de l’OMC, et le verdissement des Nouvelles Routes de la Soie. Repris dans un article de Xinhua News sur la place de la Chine dans le développement durable à l’échelle mondiale, Joël Ruet a soutenu que la BRI a un grand rôle à jouer dans la transition énergétique, en particulier dans le domaine de l’hydrogène. 

Pour retrouver l’ensemble des ressources médiatiques du Bridge Tank autour de cette édition 2021 du Forum de BOAO : https://thebridgetank.org/2021/04/28/le-bridge-tank-au-forum-de-boao-dans-les-medias/.

Issue Brief – Conflit sino-occidental, analyse et propositions

Par le Général (2s) Éric de la Maisonneuve.

Le tour qu’ont pris les relations sino-américaines en mars 2021 dénote une inquiétante dégradation. Les analyses que font les deux protagonistes de leurs rapports de forces sont en décalage autant sur le plan temporel que spatial.

Lire la note d’analyse:

UE-Chine : Pour un rapport de force constructif – quels enjeux autour du pré-accord de principe sur l’Investissement?

Par Philippe Coste, Pierre-Noël Giraud, Stéphane Gompertz, Henri de Grossouvre, Fatima Hadj, Brice Lalonde, François Loos, François Quentin, Joël Ruet, Raphaël Schoentgen, Alex Wang, avec Clarisse Comte et Claire Thomas.

Au terme de sept années de négociations, l’Union Européenne et la Chine sont parvenues à un accord d’investissement le 30 décembre 2020. Alors que Pékin souhaite y voir la promotion d’un « haut degré d’ouverture », l’UE aspire à travers ce traité à établir une « égalité des conditions de marché ».

Pour mener à bien ce projet, il reste à trouver un équilibre entre les intérêts stratégiques propres à chacun et les objectifs communs sur lesquels s’entendre… et à trouver des pistes pour agir concrètement.

Retrouvez la note d’analyse :

  • Ce traité prévoit l’intensification des relations économiques et commerciales entre l’UE et la Chine. Il garantit aux investisseurs de l’UE un plus large accès à la Chine et contribue aussi à la mise en place de conditions de concurrence plus équilibrées.
  • Des pistes de collaborations sont ici proposées, dans le domaine politique (place de la Chine dans les organisations internationales, polygouvernance), juridique (normes internationales, ESG), industriel (mobilité, décarbonation, rôle des PMEs), économique, environnemental, scientifique, technologique (transition énergétique, capture du carbone, hydrogène, nucléaire, nouvelles énergies), financier (introduction coordonnée de prix du carbone) et culturel.
  • Il s’agit pour l’UE de faire valoir avant tout et de manière coordonnée avec les pays membres ses intérêts stratégiques lors du processus de ratification.

Il faut traiter sérieusement les enjeux de long terme de la souveraineté technologique, de la compétition entre blocs, toutes causes possibles de « stop and go » dans les relations bilatérales.

Malgré les freins identifiés, le maintien d’un dialogue ouvert mais précis entre l’UE et la Chine est essentiel. L’Union Européenne doit continuer sa mue et faire respecter sa montée en puissance diplomatique tant en interne de l’UE que dans sa relation à la Chine : au-delà des relations d’État à État, c’est à l’UE en tant que communauté de négocier les termes d’une nouvelle relation bilatérale avec la Chine. C’est par cette voie qu’elle confirmera son statut de « puissance d’équilibre ».

« Double Assemblée » de Chine : le Bridge Tank co-organise le Forum des Think Tanks et des Médias sur le Développement économique mondial

Un Forum sur le Développement économique mondial à l’occasion de la Double Assemblée à Pékin 

De concert avec ses partenaires chinois, le China International Publishing Group et le China Institute for Innovation & Development Strategy, ainsi que la Fondation Prospective & Innovation, le Bridge Tank a co-organisé le 8 mars 2021 un Forum hybride en marge de la Double Assemblée. 

À cette occasion, Joël Ruet est intervenu aux côtés de Wei Jianguo, ancien vice-ministre du Commerce en Chine et vice-président du Centre chinois pour les échanges économiques internationaux, de Cai Jiming, député à l’Assemblée Populaire Nationale et directeur du Comité Central de l’Association chinoise pour la promotion de la Démocratie, et de Zhang Yuyan, membre du 13ème Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois et directeur de l’Institut des Économies et Politiques mondiales.

Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre en France, a ouvert ce webinar aux côtés de quatre vice-ministres chinois et du vice-président du parlement d’Argentine. Pendant presque trois heures, les représentants de plus de dix pays, allant de la Russie à l’Inde, du Brésil à l’Afrique du Sud, ont approfondi de nouvelles pistes de réflexion notamment en faveur d’une coopération multilatérale, d’une reprise économique globale soutenue par l’innovation et d’une réforme de la gouvernance économique mondiale. Le rôle des think tanks internationaux dans la construction de plates-formes de dialogue a été souligné, et présenté comme un outil essentiel dans la fondation d’une communauté à l’échelle de l’humanité.

Les articles des médias chinois China Today, China.org, China Institute for Innovation and Development Strategy ont notamment couvert cet évènement. 

L’ouverture du Forum par Jean-Pierre Raffarin : contre la tentation de l’isolationnisme, une coopération internationale fondée sur l’innovation 

Dans son allocution, l’ancien Premier ministre a déclaré que le partage d’expérience et la compréhension mutuelle étaient essentiels pour accomplir un développement pacifique, objectif commun à tous les pays. À l’heure où une crise globale exacerbe la nécessité de formuler une réponse coordonnée face aux défis mondiaux, il a insisté sur les dangers d’une tentation à l’unilatéralisme et au protectionnisme. En soulignant le rôle de l’innovation, il a défendu que chaque pays devait mener activement une coopération internationale tout en sauvegardant sa propre souveraineté. Il a notamment mentionné la lutte contre le changement climatique, en évoquant les efforts conjoints de la France et de la Chine, un signal fort en faveur d’un consensus mondial pour le développement vert.

Passer de la crise à l’opportunité d’un renouveau, selon les intervenants chinois Wei Jianguo, Zhang Yuyan et Cai Jiming

L’ancien vice-ministre du Commerce Wei Jianguo a affirmé que la « double circulation » chinoise, pilier du 14ème Plan quinquennal lancé au même moment, allait faire émerger de nouvelles opportunités pour le développement économique mondial. Selon lui, au-delà de la crise qu’il traverse, le monde entre dans une nouvelle ère de la mondialisation, où la Chine doit mener un rôle essentiel. 

Mais les experts lui ont opposé un scénario moins optimiste, en alertant sur des risques systémiques actuels qui menacent l’économie mondiale, comme l’inflation, dont des symptômes — la forte hausse des prix des produits de base — sont déjà visibles. L’inflation et le changement climatique sont donc ressortis comme deux défis d’intérêt commun à relever conjointement.  

Zhang Yuyan appelle à une coopération internationale renouvelée, qui implique de travailler ensemble sur la question de la gouvernance mondiale. En effet, des discussions restent à mener, et cette responsabilité revient aux grandes puissances mondiales, qui doivent trouver le juste équilibre entre autonomie stratégique et intérêts communs. 

Cai Jiming a insisté sur l’importance de bâtir un système commercial mondial équitable et durable, fondé sur la notion d’intérêt comparatif dans la division international du travail, en s’opposant fermement aux tendances isolationnistes qui menacent l’équilibre des échanges mondiaux. 

Positionnement de la Chine en matière de sécurité mondiale et coopération sino-européenne tournée vers l’avenir : l’intervention de Joël Ruet 

Joël Ruet, président du Bridge Tank, a affirmé que la Chine devait clarifier sa position sur la question de la sécurité mondiale et contribuer à créer un environnement extérieur stable, selon une démarche plus multilatérale. Les intervenants se sont d’ailleurs accordés sur l’idée que la Chine devait jouer un rôle à la hauteur de son poids économique dans la gouvernance mondiale. 

Joël Ruet a évoqué le pré-Accord d’investissement conclu entre la Chine et l’UE, symbole des opportunités qui peuvent émerger d’une crise, tout en alertant sur deux priorités à ne pas négliger. En effet, il cible deux domaines où une coopération sino-européenne est fondamentale : l’environnement, où les paroles ambitieuses des chefs d’Etats doivent être mises en application par des actes concrets dans la perpective de la COP26, et la coopération industrielle, que le potentiel européen et chinois rend très prometteuse.

« Double circulation », développement de haute qualité, objectifs environnementaux décevants… : retour sur la Double Assemblée

La Double assemblée désigne les deux réunions plénières annuelles de l’Assemblée populaire nationale et du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois. Après une année de pandémie qui avait repoussé cette rencontre en mai 2020, les dirigeants chinois ont tenu cette année à la lancer dès le 5 mars, comme pour incarner la résilience exemplaire du pays et la normalité retrouvée des institutions du régime. D’autant plus qu’elle est marquée par le lancement du 14è Plan quinquennal 2021-2025 et les 100 ans du Parti Communiste Chinois. 

Parmi les temps forts de cet évènement, le Premier ministre Li Keqiang a fixé pour 2021 un objectif de croissance à 6%. Ce chiffre modéré témoigne que la priorité sera moins centrée sur un PIB attrayant — le FMI mise sur une reprise à 8% — que sur une croissance stable dans un contexte d’incertitude, et sur trois piliers : la « réforme, l’innovation, et un développement de haute qualité ». Aussi, le budget alloué à la recherche-développement augmentera de plus de 7% par an ces cinq prochaines années, pour réaliser des percées dans les technologies d’avenir et permettre à la Chine de gagner en autonomie stratégique. Une autre priorité du régime est la mise à niveau de la chaîne d’approvisionnement et la promotion de la consommation intérieure, notamment dans le secteur automobile et de l’électroménager. 

En fait, la Double assemblée comme le 14ème Plan quinquennal ont pour fil conducteur le paradigme de développement de la « double circulation ». Cette notion désigne une stratégie de développement à deux volets qui implique un soutien à la fois du marché intérieur et extérieur pour stimuler des modes de consommation à long terme. Le cycle domestique est particulièrement mis en avant tandis qu’il est complété par un cycle international, avec le commerce extérieur et les investissements à l’étranger. Cet objectif de miser sur l’immense marché intérieur chinois s’ancre dans une volonté de se couvrir des chocs extérieurs, dans contexte de montée des tensions diplomatiques et d’instabilité de l’économie mondiale.

Li Keqiang s’est également arrêté sur la question environnementale : il appelle à la promotion du verdissement des modes de vie et de production. Par exemple, un des objectifs pour 2021 est d’atteindre un taux de 70% pour l’utilisation des énergies propres pour le chauffage. Le 14ème Plan prévoit que la Chine réduise sa consommation d’énergie par unité de PIB de 13,5% et les émissions en CO2 de 18%. Du reste, les experts affirment que les objectifs mentionnés ne représentent pas une réelle accélération pour atteindre la neutralité carbone attendue en 2060, faute de moyens concrets. Par exemple, la Double assemblée ainsi que le 14ème Plan quinquennal ont introduit l’idée d’un « plafonnement des émissions de CO2 », sans en fixer concrètement un. S’il est encourageant qu’un volet portant sur le changement climatique soit pour la première fois adopté dans un plan d’échelle nationale, ces premières indications en matière d’environnement sont donc souvent perçues comme ambiguës, voire décevantes. 

Le ministre Brice Lalonde, ancien SG Adjoint de l’ONU, échange sur la transition écologique avec le Bridge Tank

Brice Lalonde, qui a occupé les fonctions de ministre français de l’Environnement, secrétaire général adjoint de l’ONU pour le climat, et de Coordonateur exécutif à Rio+20, a détaillé les principales problématiques de la transition écologique autour desquelles les puissances doivent engager un nouveau cycle de coopération technologique.

Perspectives de coopération sino-européenne

Brice Lalonde a rappelé que l’électrification de nos économies est le maitre mot de cette transition, nécessitant le déploiement et l’amélioration de techniques telles que les batteries, les électrolyseurs, et posant plus largement la question de la production d’électricité à grande échelle. Brice Lalonde estime que c’est dans ce cadre que le nucléaire trouve toute sa pertinence et doit être un sujet d’échanges technologiques. Il a rappelé, à titre d’exemple, la précédente signature d’un accord France-Chine sur la construction d’une usine de retraitement des déchets nucléaires.
L’intervenant a en sus évoqué à plusieurs reprises la perspective d’une utilisation future de carburants de synthèse, qui consistent à capturer et réutiliser le gaz carbonique émis comme énergie. Brice Lalonde a ainsi insisté sur la distinction entre les ressources énergétiques du présent et celles du future, illustrant son propos par l’exemple de l’eau, qui devrait devenir une ressource stratégique en raison de la technologie de l’électrolyse de l’eau, permettant la production d’hydrogène.
Enfin, l’ex-ministre a abordé les enjeux de recherche autour de la fixation du carbone, sous forme de photosynthèse artificielle ou par le biais de la séquestration du dioxyde de carbone (CO2), sur lesquels la Chine et l’UE doivent également travailler en commun.

Gouvernance mondiale et avenir du commerce international

D’autre part et en dehors des seules relations sino-européennes, Brice Lalonde a plus largement présenté le manque de coopération internationale sur les sujets écologiques comme la principale lacune empêchant le déploiement de la transition écologique à grande échelle. Un changement de paradigme lui semble nécessaire avec la mise en place d’un minimum de gouvernance mondiale sur ces sujets, à rebours de la configuration actuelle où les programmes climatiques souverains se contentent de s’additionner, sans dimension supranationale. Il nous manque ainsi, estime-t-il, de grands accords de coopération internationaux, pour le gaz par exemple, où les industriels gaziers se coordonneraient pour financer la transition des économies charbonnées vers le gaz, bien moins émetteur en CO2. Il lui parait en conséquence crucial de revitaliser le multilatéralisme, afin de mener à bien des projets tel que la mise en place d’un marché carbone commun à l’échelle internationale.

Enfin, sur le sujet du commerce international, l’ex-ministre de l’Environnement a pu s’opposer à une certaine doxa qui voudrait le présenter comme une pratique désuète dans un monde cherchant à atteindre la neutralité carbone. A contrario, Brice Lalonde estime que le commerce peut être écologique. « On a absolument besoin du commerce. Le commerce peut être un allié très puissant de l’environnement », a-t-il affirmé. Pour ce faire, les règles commerciales ne doivent plus seulement se concentrer sur les produits finis, mais également sur les normes de production (i.e. la régulation des émissions de gaz à effet de serre liées à la production). De ce point de vue, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), a encore toute sa place dans le monde de demain. L’OMC a d’ailleurs déjà accepté la primauté du droit de l’environnement lors de cas préalables, lorsque ce droit est entériné par des accords internationaux. Dans le futur, les Etats pourraient ainsi théoriquement se prévaloir d’accords écologiques internationaux imposant des normes de production afin de bloquer les importations de pays les enfreignant.

Brice Lalonde était l’un des principaux intervenants du forum du Bridge Tank portant sur la coopération UE-Chine post-Covid-19. Il a participé à un panel intitulé « Développement vert ou civilisation écologique ? » qui était modéré par Wen Cui-Pottier, ancienne journaliste du Shangai Media Group. Ce forum a eu lieu au Palais Brongniart à Paris le 15 octobre 2020.Les autres intervenants de cette session étaient Nicolas Imbert, Directeur Exécutif de Green Cross France & Territoires et deux membres du Conseil d’Orientation du Bridge Tank : Guillaume Henry, président de l’Association pour l’analyse écologique du droit, et Zhao Wei, chercheur à l’Université Sun Yatsen.

Le ministre Edmond Alphandéry échange avec les experts du Bridge Tank à propos de la tarification du carbone

Edmond Alphandéry, ancien ministre français de l’Economie et Président de la Task Force sur le prix du carbone, a longuement étayé sa vision de la place et de l’importance de la tarification du carbone dans la transition écologique, ainsi que le caractère incontournable de cette mesure afin de mener à bien les objectifs de neutralité carbone, dans le cadre de l’accord de Paris.

La tarification du carbone : un outil incontournable de la transition écologique

Edmond Alphandéry a d’abord tenu à rappeler l’ampleur de l’enjeu posé par le réchauffement climatique et la complexité des problématiques qui se posent pour y répondre : sachant que nous émettons 40 milliards de tonnes de CO2 chaque année, a-t-il expliqué, si nous postulons raisonnablement que le prix de la tonne de CO2 doit être de l’ordre de 100 euros (selon les principales évaluations), alors une tarification du carbone aurait un coût de 4000 milliards d’euros chaque année, soit le Produit National Brut (PNB) allemand.

Dans ce cadre, l’ancien ministre perçoit la tarification du carbone comme centrale à la lutte contre le réchauffement climatique. Son explication est simple : lorsque le carbone à un prix, l’ensemble des agents économiques (ménages, entreprises, Etat) sont incités à réduire leurs émissions, voire à les arrêter ou à trouver des alternatives, ce afin de diminuer leurs dépenses.
L’intervenant a précisé qu’il existe deux solutions applicables et appliquées actuellement afin de donner un prix au carbone.
La taxe carbone d’abord, qui est simple, efficace, mais politiquement difficile à mettre en place et dont l’ajustement est complexe.
L’instauration d’un marché du carbone, ensuite, où des permis d’émissions sont émis en fonction du volume d’émissions total souhaité. Les permis sont achetés par les acteurs du marché au prorata de ce qu’ils émettent, et leur prix est défini par l’offre et la demande.
Selon le président de la Task Force sur le prix du carbone, le marché carbone a pour avantage tautologique d’être un marché, et donc d’inciter à l’innovation ainsi qu’à l’adoption de comportement vertueux par les agents afin de revendre leurs permis (voir l’exemple de Tesla aux Etats-Unis). Il a néanmoins pour défaut de se caractériser par une forte volatilité du prix du carbone.
C’est cette dernière raison qui a incité l’ancien ministre à présider la Task Force sur le prix du carbone afin de promouvoir auprès des décideurs un ciblage du prix du carbone et non plus des volumes, comme il est fait actuellement. Sur le marché carbone européen par exemple, il affirme que cela permettrait de donner une stabilité à un prix du carbone qui s’était par exemple effondré lors de la crise des subprimes, et également de gagner en lisibilité.

Face aux enjeux climatiques, la Chine doit se saisir de l’outil de tarification du carbone

Edmond Alphandéry a ensuite évoqué la place de la Chine, qu’il juge incontournable, autour de ces sujets. Les émissions du pays sont effectivement supérieures à celles des Etats-Unis et de l’Europe réunis. A ce titre, il a tenu à rappeler que le gouvernement chinois est conscient des enjeux à l’oeuvre et a déjà promu un certain nombre de mesures de transition écologique. Une tarification du carbone y existe par exemple, avec un prix qui reste toutefois largement insuffisant et qui se limite au domaine de l’énergie.
L’ex-ministre a en sus fait part de l’existence, de son point de vue, d’une réelle volonté chinoise de mener à bien des réformes. Il a plus particulièrement salué les initiatives et les discussions qui ont lieu entre différentes personnalités européennes et chinoises, discussions auxquelles il a lui même pris part, afin de défendre une convergence des prix du carbone des deux puissances.
Pour Edmond Alphandéry, si une telle réforme était promue, cela ne serait pas moins qu’une révolution dans la lutte contre le réchauffement climatique.

En guise de conclusion, le panéliste a soumis une proposition aux autorités chinoises, dans le cadre de leur grand programme stratégique qu’est la BRI. Le gouvernement multipliant les investissements énergétiques, notamment dans les centrales thermiques, Edmond Alphandéry jugerait pertinent et efficace d’introduire un prix interne du carbone dans les entreprises et les industries financées par les fonds chinois. Cela simulerait une tarification du carbone et inciterait donc à la décarbonation, tout en envoyant un message fort à l’international en soulignant l’importance réelle que la Chine accorde à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Edmond Alphandéry s’est dit prêt à supporter immédiatement une telle initiative.

Edmond Alphandery était l’un des principaux intervenants du forum du Bridge Tank portant sur la coopération UE-Chine post-Covid-19. Il a participé à un panel modéré par Philippe Coste, ancien ambassadeur français, portant sur le verdissement des investissements dans l’Union Européenne (UE) et en Chine, et s’intéressant aux enjeux de la Belt & Road Initiative (BRI). Le forum a eu lieu au Palais Brongniart à Paris le 15 octobre 2020.  Les autres intervenants de cette session étaient d’autre part Pierre-Noël Giraud, professeur d’économie à l’Ecole des mines de Paris, Djellil Bouzidi, membre de la Haute Autorité de la Statistique et du Conseil d’Orientation du Bridge Tank, et Song Luzheng de l’Université de Fudan.

Échange sur le rôle de la culture dans les relations internationales entre Irina Bokova, ancienne directrice générale de l’UNESCO, et les experts du Bridge Tank

Première femme élue à la direction générale de l’UNESCO, ministre des Affaires Étrangères en Bulgarie en 1996, et ancienne ambassadrice de Bulgarie en France, Irina BOKOVA est une femme politique passionnée et polyvalente, qui partage avec le Bridge Tank les valeurs d’ouverture et de dialogue. Au cours de sa carrière, elle s’engage dans les efforts internationaux en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’éducation pour tous et de l’accès à la culture. Parmi ses nombreux domaines d’action, la coopération scientifique pour le développement durable lui tient particulièrement à cœur. Elle a également plaidé pour l’adhésion de la Bulgarie à l’UE et à l’OTAN, et continue de militer pour l’intégration européenne en promouvant les valeurs de diversité et de respect des droits de l’Homme.

Irina Bokova, membre du Conseil d’orientation du Bridge Tank et co-organisatrice du Forum de coopération UE-Chine

Dès la session d’ouverture, l’ancienne directrice générale de l’UNESCO a rappelé que la coopération sino-européenne devait prendre en compte un aspect humain et culturel, à l’image des Objectifs du Développement Durable de l’Agenda 2030, qui permettra un rapprochement constructif dans les domaines économiques, politiques, sécuritaires, environnementaux.

Elle a donné une dimension plus « onusienne » aux débats, pour mener une réflexion sur le multilatéralisme, le globalisme et le climat, dont la Chine et l’UE sont des acteurs incontournables. Le dialogue entre ces deux puissances est donc essentiel pour construire un monde post-covid plus inclusif, durable et multilatéral et pour réformer le système multilatéral aujourd’hui affaibli, comme elle le rappellera d’ailleurs à l’occasion Forum du 21 janvier 2021. Irina Bokova a insisté sur la place grandissante de la Chine dans cet ouvrage : elle a rappelé les engagements de neutralité carbone du président Xi Jinping à l’horizon 2060, la place centrale de la Chine dans la reprise de l’activité mondiale, ainsi que le rôle de Pékin dans l’intégration de la culture et de la science à l’Agenda 2030 des Nations Unies. 

Quels échanges humains post-covid ?

Irina Bokova a fédéré les débats autour de la question des échanges humains, qu’ils soient culturels, éducatifs ou scientifiques dans l’élaboration d’une vision du futur. Ce thème essentiel doit s’inscrire dans le débat plus large sur les questions géopolitiques et des transitions écologiques. L’ancienne ministre des Affaires Étrangères a affirmé qu’il existe une convergence dans la réflexion sur ce volet de coopération entre l’UE et la Chine qui sont deux grandes puissances culturelles. Il s’agit donc d’un aspect incontournable du débat d’actualité sur le recentrage des relations sino-européenne, d’autant plus crucial que la Chine a largement investi dans les domaines patrimoniaux, culturels et identitaires ces dernières années.

En effet, Xi Jinping a fait revivre un grand projet de l’UNESCO, la route de la soie, en conférant une véritable importance aux enjeux patrimoniaux, culturels et identitaire. Les nouvelles Routes de la soie, au-delà des flux commerciaux, doivent jouer un rôle dans l’édification de ponts interculturels. De plus, la Chine figure aujourd’hui au premier rang sur la liste du patrimoine mondial à l’UNESCO. Ce secteur fait partie intégrante de son économie, démontrant au monde que la culture et ses industries peuvent représenter un poids non-négligeable dans la croissance et dans les échanges d’un pays.

La digitalisation des échanges culturels 

Irina Bokova s’est appesantie sur la place et les dangers du digital dans la promotion de la culture. Par sa capacité à créer des ponts entre les sociétés, il présente un potentiel énorme, à tel point que les Nations Unies vont bientôt adopter un dispositif érigeant l’accès au digital en un droit humain. Toutefois, elle a alerté sur les risques liés à la technologie : celle-ci tend à uniformiser et gommer la diversité et menace de fragmenter les sociétés en créant dans les communautés l’isolement et l’aliénation. 

À condition donc de s’inscrire dans une démarche éthique au service de l’humanité, les technologies demeurent un espace de créativité extraordinaire et une plate-forme de connexion inégalée, permettant de relier les musées au numérique en attisant la curiosité sur des projets culturels. L’ancienne directrice de l’UNESCO a conclu qu’une nation ne s’éveille jamais sans curiosité pour sa culture, chose qu’a bien compris la Chine quand elle a achevé en sept ans la construction de 5000 musées, et pour la culture de l’autre, pilier de toute coopération et rempart contre l’intolérance.

Irina Bokova est membre du Conseil d’orientation du Bridge Tank, qui se fait régulièrement le relais de ses réflexions et de son expertise. Elle a notamment co-organisé et ouvert le Forum de Coopération UE-Chine post-Covid aux côtés de Joël Ruet, président du Bridge Tank et Sylvie Bermann, ambassadeure de France en Chine.

Ce Forum « hybride » a réuni le 15 octobre 2020 quatre anciens ministres, cinq anciens ambassadeurs et une trentaine d’experts au Palais Brongiart à Paris, ainsi qu’une centaine d’inscrits sur trois continents, pour partager des échanges nourris, informés et précis sur des questions économiques, industrielles, de société et de culture sur la relation UE-Chine. 

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