Catégorie : Gouvernance Mondiale

En marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, The Bridge Tank contribue à des événements diplomatiques, de la société civile et du monde des affaires.

Après deux années de pandémie mondiale, l’Assemblée générale des Nations Unies reprend de plus belle en septembre 2022. Comme à sa tradition, cette semaine, très active, se voit réunir à New York les chefs d’Etat et de gouvernements, mais également de nombreux événements organisés par les communautés diplomatiques, de la société civile et du monde des affaires. A cette occasion, The Bridge Tank était présent et contributeur de ces trois dispositifs d’échanges.

Actif auprès de la communauté diplomatique, The Bridge Tank a pris part à nombre d’événements.

En tant que membre observateur de l’Internationale Libérale (LI), The Bridge Tank, représenté par Dr. Joël Ruet, Président, a assisté à la manifestation officielle de haut niveau co-roganisée par LI et « The Alliance of Her » sur le thème : Droits politiques et leadership des femmes – la clé pour relever les plus grands défis mondiaux de notre temps. The Alliance of Her est une plateforme dédiée à la promotion du leadership politique féminin et de la représentation égale en Europe, table ronde qui incluait notre board member, Hakima El Haite, Présidente de LI.

En amont de cette table ronde, Hakima El Haite a remis le prix de la Liberté de l’Internationale Libérale 2021 à Dr. Sima Samar, Ancienne rapporteuse des Nations Unies et ancienne Ministre des Affaires féminines d’Afghanistan. Tout au long de sa carrière, Dr. Samar n’a cessé de défendre la cause des femmes et des filles et promouvoir l’inclusion des femmes afghanes.

Parmi les participants, étaient présents : Sima Sami Bahous, Directrice exécutive d’ONU Femmes, Olha Stefanishyna, Vice-Première Ministre pour l’intégration européenne et euro-atlantique de l’Ukraine, Alexander De Croo, Premier Ministre, Royaume de Belgique, Viktorija Čmilytė-Nielsen, Présidente du Seimas (Parlement), Lituanie, Meryl L. Frank, Diplomate américaine et Membre du Conseil du Mémorial de l’Holocauste des États-Unis et Juli Minoves, ancien Président de LI.

The Bridge Tank a également participé à une réunion à huis clos organisée par la mission permanente estonienne auprès des Nations Unies sur le thème : « Crise en Biélorussie : implications pour la sécurité régionale et mondiale » autour de Sviatlana Tsikhanouskaya, cheffe de l’opposition démocratique biélorusse, qui a pu échanger avec diverses représentations diplomatiques auprès des Nations Unies. The Bridge Tank était aux côtés, entre autres, des représentations suédoise, allemande, britannique, états-unienne, de l’Union européenne auprès des Nations Unies et de la fondation Microsoft et de la fondation PEN pour cette réunion présidée par le ministre des Affaires Etrangères estonien.

Fort de son réseau et de ses actions, The Bridge Tank a permis la rencontre entre notre board member, Hakima El Haité, Présidente de l’Internationale Libérale et Sviatlana Tsikhanouskaya, cheffe de l’opposition démocratique biélorusse.

Auprès de la société civile, The Bridge Tank s’est joint à des rencontres en faveur de la lutte contre les déréglements climatiques, en particulier sur la question des Objectifs de développement durable (ODD), étant un des sujets clés de cette 77ème Assemblée générale des Nations Unies. Le “SDG Moment” (Moment des ODD) de cette année est l’occasion de recentrer l’attention sur les ODD de l’Agenda 2030 de l’ONU, un projet pour un avenir plus juste pour les personnes et la planète.

Joël Ruet a particulièrement apporté son expertise lors d’un déjeuner débat organisé par Diplomatic Courier. Ces échanges ont permis la réflexion autour des questions suivantes: sommes-nous sur la bonne voie pour atteindre les ODD d’ici 2030 ? Comment la pandémie a-t-elle accéléré ou fait dérailler les solutions ? Comment nos objectifs (individuels et organisationnels) s’alignent-ils sur les ODD ? Comment créer des collaborations hors du commun ? Les Objectifs mondiaux en action 2022 réuniront des dirigeants du secteur privé et des organisations internationales afin qu’ils puissent tirer parti de leur expérience, de leur accès au marché et de leurs ressources pour atteindre les ODD. Ainsi, les participants se sont entendus pour conclure sur “la nécessité d’un changement transformationnel [de nos sociétés] pour progresser sur les ODD”.

Dans une continuité des échanges sur les ODD, Joël Ruet a pris part au Sommet annuel de Concordia 2022, qui a été, selon les organisateurs, le plus grand rassemblement en marge de l’Assemblée générale de Nations Unies. Il a pour objectif de réunir les plus grands acteurs du monde pour susciter le dialogue, promouvoir la collaboration et ouvrir collectivement la voie vers un avenir plus équitable et durable autour des thèmes : durabilité environnementale ; commerce mondial, fabrication et chaînes d’approvisionnement ; droits humains et progrès social ; inclusion financière.

Sur ces sujets et autour du Prix Nobel de la Paix, The Bridge Tank a participé à une réunion organisé par le Comité de protection des journalistes (CPJ).

The Bridge Tank s’est enfin investi auprès du monde des affaires, en participant tout d’abord au forum “Invest Africa”, où son Président, Joël Ruet, a pu rencontrer un certain nombre d’acteurs des investissements en Afrique, en particulier en RDC et Namibie – deux pays en pleine transformation qui méritent un regard attentif. Il s’est également rendu à une reception organisée par la représentation de Microscoft auprès des Nations Unies pour échanger sur l’évolution du monde économique.

Analyse – Où a disparu la COP 15 chinoise ?

Par Joël RUET et Malaurie LE BAIL – Après avoir été reportée à quatre reprises en raison de la pandémie, la COP 15 sur la biodiversité aurait dû débuter le 25 avril 2022 à Kunming en Chine. Désormais reportée à la fin d’année 2022 à Montréal au Canada pour raisons logistiques et sanitaires, la Chine en assumera, cependant, toujours la Présidence. Peu de couverture médiatique, peu d’analyses académiques et journalistiques, la COP 15 est la grande absente de l’actualité internationale à l’heure où les écosystèmes s’épuisent. La responsabilité n’en incombe-t-elle pas au pays hôte, peu impliqué : la Chine ?

Au travers de cette COP 15, la Chine a manqué une opportunité diplomatique majeure en termes de visibilité et d’avancement des thèmes environnementaux. La communication de la Chine a été brouillée dès le début, avec le report annoncé mais le maintien partiel de la COP 15. La réunion virtuelle d’octobre 2021 a été marquée par la promotion d’un « consensus de Kunming » qui n’a en réalité pu être négocié qu’en mars 2022 à Genève. Ce qui est devenu une « pré-COP » n’est apparue que très peu dans les médias occidentaux. Pétrie de rhétorique, cette « pré-COP » n’est en fait qu’une coquille vide.

La faible présence de la Chine à la COP 26 sur le climat n’était déjà pas passée inaperçue. Elle est l’un des nombreux pays dont le principal dirigeant n’a pas participé en personne, aux côtés du Brésil, de la Russie et de la Turquie. Au lieu de cela, la Chine a été représentée par l’envoyé spécial pour le climat, Xie Zhenhua, qui a évoqué brièvement les engagements continus du pays en matière de réduction des émissions de carbone sans faire de nouvelles déclarations, ce qui n’a pas été sans remettre en question l’engagement du pays dans la lutte mondiale contre le changement climatique. C’est un secret de polichinelle que l’extension de la COP26 à la COP27 de la date butoir pour des Contributions Déterminées Nationales (CDN) est largement due à ce faible engagement chinois à Glasgow.

Être l’hôte d’une conférence mondiale comporte son lot de récompenses et d’auto-promotion, mais, entre propagande et absence, des doutes sont apparus quant à la capacité de la Chine, l’un des plus grands émetteurs de CO2 et de plastique au monde, à assumer ses responsabilités en tant que pays hôte de la COP 15. La Chine n’a pas encore signé l’Engagement mondial sur le méthane, une promesse lancée par les États-Unis et l’Union européenne lors de la COP 26, ainsi que par 103 pays représentant 70 % de l’économie mondiale, pour maintenir à portée de main l’objectif de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré.

Selon les observateurs de Glasgow, la Chine continue de s’isoler de plus en plus de la sphère internationale. Le manque d’information et de transparence concernant la COP 15 ne fait que renforcer ce qui a été dit par ces observateurs. De plus, la COP 15 est la première grande conférence mondiale au sein du système des Nations unies officiellement labellisée sous le concept de « civilisation écologique », concept proposé par Xi Jinping et largement déployé par la propagande chinoise. Mais la COP 15 accouche d’une coquille vide.

L’Union européenne s’est, quant à elle, dans le même temps fixée des objectifs ambitieux : réduire les émissions de carbone de 55 % d’ici 2030 et devenir neutre en carbone d’ici 2050. Pour l’Europe, la COP 15 et la COP 26 ont été largement considérées comme de simples continuations du Congrès mondial de la nature de l’UICN, qui s’est tenu en septembre 2021 à Marseille, en France, et qui a abouti au « Manifeste de Marseille », également appelé « feuille de route » des négociations internationales, appelant les gouvernements à s’engager dans des plans ambitieux de conservation de la nature. L’UE réfléchit à un protocole sur la préservation de la biodiversité par un commerce plus attentif à cette dernière et à une limitation de la « déforestation importée ». Rien d’aussi précis dans la « civilisation écologique » chinoise.

Il manque à la COP sur la biodiversité un équivalent de ce que l’ « Accord de Paris » est à la COP sur le changement climatique. La Chine avait un rôle à jouer dans le soutien de cet événement. Signe de repliement sur soi, la communication, en amont et en aval de l’événement COP de Kunming, est plus que médiocre. L’attitude « profil bas » de la Chine ne fait qu’aggraver le manque de sensibilisation et de communication auprès du grand public sur les questions de biodiversité à l’échelle internationale.

En phase avec le calendrier international, The Bridge Tank s’est positionné sur le sujet et a rédigé un rapport. Lire notre analyse approfondie ici.

AUKUS – The Bridge Tank en entretien avec Frank Wisner

L’ambassadeur Frank Wisner, ancien sous-secrétaire à la défense des États-Unis, replace l’AUKUS dans son contexte : un regroupement technologique de nations partageant les mêmes idées face à l’affirmation de la Chine, tout en restant ouvert au dialogue avec la Chine et à la collaboration avec l’Europe, l’Inde et d’autres pays.

La discussion a porté sur les tensions récentes entre la France et AUKUS, les changements géopolitiques survenus depuis le lancement d’AUKUS, y compris en matière de questions nucléaires, et les possibilités d’une coopération technologique plus large entre AUKUS et la France, AUKUS et l’Inde et le Japon.

Cette conversation a été menée suite à un webinaire, co-organisé par The Bridge Tank et le Maritime Research Center.

La vidéo de l’entretien (en anglais)

Tournée européenne OMVS – The Bridge Tank pour la promotion de l’hydrodiplomatie

The Bridge Tank s’est associé à l’OMVS pour une tournée européenne de promotion de l’hydro-diplomatie qui s’est déroulée du 9 au 24 juin 2022 à Genève, Oslo, La Haye, Paris et Bruxelles. Hamed SEMEGA, Haut-Commissaire de l’OMVS et membre du Board du Bridge Tank, et Joël RUET, président du Bridge Tank, ont rencontré de nombreux interlocuteurs  pour aborder les sujets en lien avec l’hydrodiplomatie : le droit international des cours d’eau internationaux, l’hydro-développement durable, la paix construite par la gestion partagée des bassins transfrontaliers, ou encore la préservation des têtes de sources des grands fleuves.

The Bridge Tank et l’OMVS ont décidé d’organiser à l’autonome prochain un atelier de travail sur ces questions avec l’ensemble des acteurs avec lesquels ils ont échangé et en l’élargissant à de nombreux responsables politiques et associatifs.

Cette tournée fait suite au travail conjoint réalisé lors du Forum mondial de l’eau 2022, auquel The Bridge Tank était associé.  L’Organisation pour la mise en valeur pour le fleuve Sénégal (OMVS) avait alors été distinguée par le Grand Prix Hassan II pour l’eau. Selon le jury, l’organisation ouest-africaine basée à Dakar, qui regroupe le Mali, la Mauritanie, le Sénégal et la Guinée, a été distinguée pour son action en faveur de la « réalisation de la sécurité hydrique et alimentaire » du grand bassin transfrontalier, mais aussi pour son action pour « la paix, la prospérité et le développement territorial » de ses pays membres. L’hydrodéveloppement et l’hydrodiplomatie ont en effet été au cœur du modèle de l’organisation. L’OMVS a, en effet, fonctionné pendant plus de 50 ans indépendamment des tensions nationales ou internationales dans la région qu’elle couvre ; elle a servi de modèle pour la redynamisation de son organisation sœur pour le fleuve Gambie, et l’organisation reçoit régulièrement des visites d’organisations fluviales du monde entier, Asie centrale incluse.

Les questions de l’eau, en particulier celles autour des bassins, sont généralement abordées dans une approche utilitariste, c’est-à-dire au travers de l’accès à l’eau. Cette vision est consensuelle au sein des organisations internationales et lors d’événements internationaux. Toutefois, l’évolution pessimiste des écosystèmes aquifères impactés par les dérèglements climatiques pose ainsi la question de la durabilité de ces ressources.

C’est dans cette perspective, ancrée dans des aspects juridiques internationaux et onusiens que la délégation a débuté sa tournée à Genève lors de la conférence « Leçons et perspectives sur la coopération sur l’eau pour l’Afrique et l’Europe : du Forum de Dakar de 2022 à la Conférence des Nations unies sur l’eau de 2023 au Palais des Nations. M. Semega a ainsi présenté le travail et le potentiel de l’OMVS, qui est souvent reconnue comme une organisation modèle, sur le plan organisationnel, politique, juridique et d’investissement.

 

 

Pour approfondir le sujet, la délégation a ensuite rencontré le Professeur Mads Adenaes, spécialiste du droit international auprès de l’Université d’Oslo en Norvège. Cet échange a été l’occasion de discuter des perspectives du droit international de l’eau. Ils ont insisté sur le fait que l’eau doit être abordée de manière holistique, en tant que bien commun, c’est-à-dire que l’eau ne doit plus seulement être un objet de rivalité entre puissances, mais être un bien commun vital à partager. C’est ce que cherche à prôner les organisations de bassins, qui ne se concentrent pas à l’échelle étatique, mais bien à l’échelle de la ressource.

Sur le plan du l’hydrodéveloppement, l’eau est un élément majeur aux écosystèmes, aux sociétés et aux économies, c’est pourquoi elle est nécessaire à leur bon développement. M. Semega a eu l’occasion d’échanger avec des acteurs du monde du développement, en particulier Mme Marie-Noëlle Reboulet, Présidente du GERES et M. Pierre Jacquemot, Président du Groupe Initiatives, ayant pour cœur de métier la solidarité énergétique, climatique et sociale et M. Lars Andreas Lunde, chef de la section « Nature et climat » de l’agence de développement norvégienne, le NORAD. Ces structures ont permis de tirer la conclusion suivante : une multitude de solutions existent sur le terrain, avec une forte dimension bottum up, qui nécessite une plus grande connaissance, concertation et coordination pour agir et partager les savoirs faires.

Les discussions ont été fructueuses au point d’organiser une nouvelle rencontre avec le GERES et le Groupe Initiatives dont l’OMVS est membre, dans les prochaines semaines. Ces discussions ont également pu se poursuivre grâce à l’organisation d’un side event à Bruxelles, par The Bridge Tank et l’OMVS, lors du « Africa Energy Forum » sur le thème « Infrastructures eau-énergie pour la paix au Sahel », en présence de Mme la Ministre Amal Mint Maouloud, ancienne ministre mauritanienne de l’équipement et du transport, M. Abdoulaye Dia, Directeur Général de SEMAF/OMVS et M. Romain Cres, Spécialiste du développement économique au sein du GERES.

Les actions de l’OMVS sont menées en faveur de la paix, puisque selon le Haut-Commissaire « quiconque sait partager l’eau, peut tout partager ». Ce message a été répété à de nombreuses reprises lors de la tournée européenne, en particulier lors de la rencontre avec Monsieur le Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin, Président des Leaders pour la Paix.

MM. Raffarin et Semega se sont entendus sur l’importance et le rôle des organisations de bassins à contribuer à l’hydrodiplomatie et la paix dans le monde. L’hydrodiplomatie a une dimension plus globale que l’hydropolitique, qui demeure réserver aux Etats. L’hydrodiplomatie souligne l’idée selon laquelle la gestion de l’eau et des bassins n’est plus l’affaire des Etats, mais de tous autour d’une ressource au sein des territoires.

Sur ce sujet, The Bridge Tank a été à l’initiative d’un déjeuner de travail entre le Haut-Commissaire et M. Erik Orsenna, President de l’Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) en présence de personnalités influentes dans le milieu autour de la situation des ressources naturelles en Afrique de l’Ouest et de l’hydrodiplomatie dans le bassin du fleuve Sénégal, à l’occasion duquel nos Board Member l’ambassadeur Stéphane Gompertz et Me Jean-Claude Beaujour étaient présents. 

Dernier point, mais non des moindres, la délégation a mené des réunion de travail avec l’agence de coopération norvégeinne, du Ministère de la coopération internationale à La Haye, l’OIEau et Réseau International des Opérateurs de Bassins et le fonds d’investissement en infrastuctures STOA à Paris.

Sur son propre continent, l’OMVS s’est vu confier, au sein de l’association internationale des opérateurs de bassins fluviaux, le secrétariat technique de l’association regroupant ses membres actifs sur le continent africain. La paix passant par le développement mais aussi par des décisions démocratiques, l’OMVS a mis en place un comité des usagers des bassins fluviaux, organe original de concertation ouverte avec la société civile. Consciente de ses responsabilités, l’OMVS, organisation qui a vu le jour en 1972 est aujourd’hui engagée dans une réflexion prospective sur son avenir, et sur l’avenir de sa contribution à l’Afrique et au monde.

Dans ce cadre, la tournée d’échanges avec des pairs, des experts et des leaders de tous les domaines de la société dans toutes les capitales de la paix et des domaines de l’innovation fluviale, de la conservation de la nature et notamment des écosystèmes des sources fluviales, vise à partager les résultats de cette réussite avec les parties prenantes de l’AG des Nations Unies, l’Union africaine, les communautés académiques et de la société civile, travaux auxquels The Bridge Tank s’associe.

Comment continuer de travailler avec la Chine?

Comment continuer de travailler avec la Chine? C’est la question que s’est posée le 3 juin 2022 un groupe de réflexion réuni par The Bridge Tank regroupant des personnalités du monde des think tanks, de la diplomatie, de la presse écrite nationale, des industries de défense et anciens officiers généraux.

« A vrai dire, sur le principe, travailler avec la Chine n’est pas une option mais une fatalité. La Chine est évidemment incontournable. Mais sur la manière de le faire, force est de constater que la tâche est devenue ces dernières années beaucoup plus difficile qu’auparavant : le pays s’est spectaculairement coupé du monde extérieur et a tendance à se replier sur ses immenses besoins domestiques ; d’inévitables débats intérieurs, qu’on devine particulièrement aiguisés, sont entourés d’une grande opacité ; et dans cette atmosphère tendue, les réactions occidentales pourraient encore envenimer dangereusement les choses.

C’est sur ce diagnostic désenchanté que se sont accordés les participants. Raison de plus pour qu’une position européenne, forte et persévérante, s’affine… »

Une note de compte rendu rédigée par l’Ambassadeur Philippe Coste, board member de The Bridge Tank:

Notre Board Member Stéphane Gompertz analyse l’état des relations entre l’Afrique et l’Europe

Le 7 juin 2022, notre Board Member Stéphane Gompertz, ancien Ambassadeur en Autriche et en Ethiopie, et ancien Directeur pour l’Afrique au Ministère français des Affaires Etrangères, a participé à une table ronde sur l’état actuel des relations entre l’Europe et l’Afrique et le potentiel pour de futurs partenariats. L’événement organisé au Forum Bruno Kreisky pour le dialogue international à Vienne, en Autriche, était le résultat d’une coopération entre le Centre austro-français pour le rapprochement en Europe (CFA/ÖFZ), l’ambassade de France en Autriche, l’Institut français des relations internationales (ifri) et The Bridge Tank.

Les relations entre l’UE et l’Afrique se sont détériorées ces dernières années, caractérisées par l’absence de confiance et de compréhension mutuelles, ce qui a affaibli la capacité à construire une coopération stable, orientée vers l’avenir et mutuellement fructueuse. L’Afrique se tourne de plus en plus vers d’autres partenaires pour le commerce, les investissements et la sécurité, notamment vers la Chine. Le séminaire organisé à Vienne avait pour but de discuter de la manière dont les relations et leurs perspectives sont perçues par les deux parties et de ce qui sera nécessaire pour surmonter les nombreux obstacles afin de parvenir à un changement de paradigme significatif.

Dans quelle mesure un nouveau partenariat entre l’Europe et l’Afrique est-il réaliste ?

La session a été ouverte par Gilles Pécout, ambassadeur de France en Autriche, et Dietmar Schweisgut, secrétaire général du Centre austro-français pour le rapprochement en Europe, suivi d’une interview de Toni Haastrup, maître de conférences en politique internationale à l’université de Stirling, co-éditeur du « Routledge Handbook on EU-Africa Relations ».

La discussion animée par Georg Lennkh, membre du conseil d’administration du Forum Bruno Kreisky pour le dialogue international, a rassemblé des représentants de l’UE et de l’Afrique :

  • Thierry Vircoulon, chercheur associé, Centre Afrique subsaharienne, IFRI
  • Ambassadeur Stéphane Gompertz, Board Member, The Bridge Tank
  • Ambassadeur Irene Horejs, ancienne ambassadrice de l’UE au Niger, au Mali, en République dominicaine, à Cuba et au Pérou
  • Margit Maximilian, journaliste, ORF Autriche
Dietmar Schweisgut

Une première évaluation de la dynamique actuelle entre l’UE et l’Afrique a fait émerger une conclusion commune entre les participants à la session, y compris notre board member Stéphane Gompertz, à savoir que le statu quo n’est plus une option. La guerre en Ukraine a contribué à ce changement. Pour la première fois, l’Union africaine a proposé sa médiation à l’Europe, à l’occasion de la rencontre entre le président sénégalais et le président de l’Union africaine, Macky Sall, et le président russe, Poutine, à Sotchi, le 3 juin 2022.

Notant l’influence croissante de la Chine en Afrique, Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre pour l’Afrique subsaharienne de l’IFRI, a fait remarquer que toutes les grandes puissances ayant des programmes d’aide en Afrique ont également des conditionnalités. Dans le cas de la Chine, la condition est que les pays africains ne reconnaissent pas Taïwan.

L’ambassadrice Irene Horejs, ancienne ambassadrice de l’UE au Niger, au Mali, en République dominicaine, à Cuba et au Pérou, a souligné qu’après le traité de Lisbonne, l’action de développement de l’UE en Afrique est devenue non seulement de plus en plus politisée, mais aussi trop bureaucratique. En plus d’être trop axées sur la sécurité, les politiques de l’UE à l’égard de l’Afrique ont souffert de problèmes similaires au cours des dernières décennies. Les instruments financiers consacrés à la migration et à la sécurité ont été trop lourds, trop lents et trop bureaucratiques, ce qui a donné des résultats décevants, a expliqué l’ambassadrice Horejs. Tous ces facteurs ont contribué à l’actuelle « fatigue de l’Europe » sur le continent africain.

L’ambassadeur Stéphane Gompertz a donné un aperçu des nouveaux partenaires de l’Afrique et a décrit les motivations de ces nouveaux acteurs qui s’installent sur le continent. Il s’est ainsi interrogé sur les objectifs de la Chine et sur la possibilité que sa présence devienne militaire. Par ailleurs, il a noté les intérêts stratégiques de l’Inde en Afrique et a rappelé le soutien de la Turquie à des mosquées intégristes sur le continent. L’hostilité de la Russie à l’égard de la présence française au Mali, mais aussi l’accord militaire entre la Russie et le Cameroun ont remodelé les relations entre l’Afrique et l’UE. L’ambassadeur Gompertz a reconnu des erreurs dans la stratégie des forces armées françaises sur le terrain. La France et l’UE auraient dû être plus prudentes dans leur approche. Elles auraient notamment dû éviter de discuter avec certaines factions djihadistes ou de donner des directives sur ce qu’est un bon régime.

Futures pistes d’action

Selon l’ambassadeur Gompertz, 6 pistes sont à explorer sur le front des relations Afrique-UE :

  1. Plus de solidarité avec l’Afrique au vu de la crise et de la guerre en Ukraine, notamment en ce qui concerne les réfugiés africains et la sécurité alimentaire ;
  2. Plus de réalisme avec les mouvements insurgés et dans les négociations avec ces derniers ;
  3. Plus de réalisme avec les régimes militaires sur la base de ce qu’ils fournissent, tout en évitant la politique du « deux poids, deux mesures » ;
  4. Mettre davantage l’accent sur le secteur privé, en particulier sur les petites et moyennes entreprises dirigées par des femmes.;
  5. Renforcement du soutien aux ONG;
  6. Une politique de communication claire à l’égard de la jeunesse africaine, utilisant toutes les applications et formes artistiques que la jeunesse affectionne.

« L’Europe doit défendre et non imposer ses valeurs en Afrique », a conclu l’ambassadeur Gompertz.

Le Centre austro-français pour le rapprochement en Europe a été créé en 1978 par le président Jacques Chirac et le chancelier Bruno Kreisky.

Stéphane Gompertz
Pour revoir la session en intégralité:

The Bridge Tank participe au Think 7 à Berlin

Le sommet Think7, qui a eu lieu les 23 et 24 mai 2022 à Berlin, est organisé par l’Institut allemand de développement / Deutsches Institut für Entwicklungspolitik (DIE) et l’Initiative pour des solutions globales (GSI), en tant que groupes de réflexion mandatés pour le processus Think7 pendant la présidence allemande du G7 en 2022. Il est organisé en partenariat avec la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES), le Conseil allemand des relations étrangères (DGAP) et l’Aspen Institute Germany. Plus de 300 participants ont assisté à cet événement, principalement en personne.

Le Dr Joël Ruet, Président de The Bridge Tank, était parmi les participants, notamment le premier jour, où ont été discutés les Task Forces dans lesquels The Bridge Tank est actif : Climat et environnement, Relance économique durable et Coopération internationale pour le bien commun mondial.

En présence du Chancelier fédéral allemand, Olaf Scholz, l’événement a été organisé autour des recommandations développées dans le communiqué du T7, qui sont les suivantes :

  • Des alliances fortes pour une planète durable.
  • Fixer le cap de la stabilité et de la transformation économiques en réponse aux conséquences du COVID-19.
  • Une meilleure préparation pour une vie saine.
  • Plus forts ensemble.
  • Des investissements durables pour un avenir meilleur.

Parmi les nombreux invités de haut niveau, Joël Ruet a accordé une attention particulière aux propos du ministre Wolfgang Schmidt, chef de la Chancellerie fédérale, qui a souligné l’importance d’inviter l’Afrique aux décisions du G7. M. Ruet partage également l’idée développée par Dennis J. Snower, Président de Global Solutions Initiative (GSI) et Co-Président de Think7 Germany qui a insisté sur la nécessité de renforcer le multilatéralisme alors que l’ordre mondial a récemment été brutalisé par la Russie dans la guerre en Ukraine. Dr. Sachin Chaturvedi, directeur général du Système de recherche et d’information pour les pays en développement (RIS), a expliqué que les institutions internationales, telles que le G7 et le G20, doivent s’adapter et être revisitées en fonction du contexte géopolitique.

Le Déjeuner de l’Innovation de The Bridge Tank à Davos : Géopolitique des technologies, investissements & finance

Après l’annulation de l’édition 2021 en raison de la pandémie de COVID-19, The Bridge Tank était de retour à Davos, dans les Alpes suisses, pour la réunion annuelle du Forum économique mondial qui s’est tenue du 22 au 26 mai 2022. Dans la lignée de sa précédente édition en janvier 2020, The Bridge Tank a rassemblé une nouvelle session d’échange de haut niveau le 25 mai dans le cadre de son désormais traditionnel Déjeuner de l’Innovation qui s’est tenu à Promenade 53.

Joel Ruet, économiste et président de The Bridge Tank, et Pranjal Sharma, chroniqueur économique et board member de The Bridge Tank, ont mené les discussions. Cette année, le Déjeuner de l’Innovation s’est penché sur « L’ère géopolitique de la technologie, de l’investissement et de la finance – scénarios, atténuation des risques et marchés émergents ».

La discussion a porté sur les dynamiques actuelles de la mondialisation, notant sa fragilité croissante, les chocs géopolitiques mettant les entreprises en danger et les crises économiques étant de moins en moins susceptibles d’être gérées de manière collective et efficace.

Les stratégies commerciales s’alignent désormais sur les grandes stratégies des États ; le commerce a des domaines stratégiques, l’investissement est souverain, la technologie n’est plus seulement concurrentielle mais aussi rivale. L’internet et la finance mondiale peuvent difficilement rester un système unifié car ils se heurtent à des géographies différentes. La Chine, les États-Unis et la Russie ont certainement lancé cette tendance, mais l’UE et l’Inde consacrent désormais plus d’énergie à l’acquisition de positions stratégiques dans ce nouvel ordre « no-deal ». Les observateurs de l’Afrique reconnaissent également les premiers signaux d’une prise de conscience régionale selon laquelle le continent devrait également jouer un rôle stratégique.

Les règles de la prochaine phase de la mondialisation ne seront plus décidées uniquement par l’Occident. En effet, les marchés émergents d’Asie et d’Afrique seront les coauteurs de ces règles.

Davos 2022: The Bridge Tank se tient aux côtés de l’Ukraine lors du Forum économique mondial

Après l’annulation de l’édition 2021 en raison de la pandémie de COVID-19, The Bridge Tank était de retour à Davos, dans les Alpes suisses, pour la réunion annuelle du Forum économique mondial, du 22 au 26 mai 2022. C’est sans surprise que l’attaque de la Russie contre l’Ukraine s’est retrouvée au cœur des discussions du Forum économique de cette année. The Bridge Tank a exprimé son soutien à l’Ukraine et s’est joint aux appels pour une plus grande solidarité internationale.

Joel Ruet, président de The Bridge Tank, a participé au petit-déjeuner ukrainien (Ukrainian Breakfast) le 25 mai, un événement traditionnellement organisé par la Fondation Victor Pinchuk. Cette année, le Ukrainian Breakfast a abordé les questions difficiles de la tournure que prenait la guerre, de l’avenir de l’Ukraine et du monde, et de l’après-guerre. Parmi les participants aux tables rondes figuraient des personnalités telles que Dmytro Kuleba, ministre ukrainien des affaires étrangères, Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, Egils Levits, président de la Lettonie, ainsi que le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy, qui a participé à l’événement par visio-conférence. Natalie Jaresko, ancienne ministre des finances de l’Ukraine, a également participé à l’événement.

 

Échanges avec la Commission Européenne sur l’autonomie stratégique de l’UE

Le 10 mai 2022, The Bridge Tank s’est joint à un voyage d’études à Bruxelles à la rencontre du Commissaire européen Thierry Breton. Le voyage était organisé par la Fondation Prospective et Innovation (FPI) et son président Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre. The Bridge Tank était représenté par Joël Ruet et Philippe Coste, respectivement président et board member de l’organisation.

Ce voyage d’études sur le thème de la souveraineté et de l’autonomie européenne face aux pressions et tensions mondiales était constitué de cinq entretiens avec des hauts dignitaires, chercheurs et hauts fonctionnaires de l’UE. La délégation du voyage d’étude a ainsi pu échanger avec Laurence Graff, Cheffe d’unité à la direction générale de l’action pour le climat (DG CLIMA) de la Commission Européenne, avec deux représentants du think tank belge EGMONT – Institut royal des Relations internationales, avec l’Ambassadeur Philippe Léglise-Costa, Représentant Permanent de la France auprès de l’UE, avec Denis Redonnet, Directeur général adjoint de la Direction générale pour le Commerce à la Commission européenne, et enfin avec Thierry Breton, Commissaire européen pour le marché intérieur.

The Bridge Tank est heureux de publier aujourd’hui le compte-rendu de cette journée à Bruxelles.

Le commissaire européen Thierry Breton – Rapport de force et géopolitique du marché intérieur: pour une réglementation et des chaînes de valeur renforcées

Sur le marché européen, le consommateur et ses intérêts ont longtemps joué un rôle prépondérant, du fait notamment de l’influence britannique. Selon Thierry Breton, Commissaire européen pour le marché intérieur, une dynamique différente s’opère toutefois aujourd’hui, basée sur l’idée de remettre l’entreprise, les hommes et leurs savoir-faire au-devant des produits.

Les crises récentes ont révélé des fragilités dans le rapport de force de l’Europe avec la Chine et les États-Unis. La Chine a ainsi pu bloquer sur son territoire certains produits au détriment de la demande du marché, tels que les masques. Les États-Unis ont par la suite retenu sur leur sol les vaccins produits par des entreprises européennes aux États-Unis à travers un executive order du Président Biden. La démonstration de la capacité de réplique de l’UE avec le blocage de l’exportation de la production de Johnson & Johnson en Europe avait ouvert la voie à des négociations sur la base de ce rapport de force. Selon Thierry Breton, une démondialisation est aujourd’hui impossible et certaines dépendances vont nécessairement perdurer (ex. en matière de terres rares et semi-conducteurs). Plutôt que d’établir une « souveraineté » européenne, il s’agit donc d’établir un rapport de force s’appuyant sur la taille du continent européen, afin d’assurer une autonomie relative et une capacité de choisir et de se défendre.

M. Breton à ce titre revenait précisément d’un voyage aux Etats-Unis et d’une rencontre avec Elon Musk notamment pour faire passer le message politique que désormais l’UE appliquerait strictement ses règles et intérêts face aux GAFA et multinationales technologiques sans possibilité d’extra-territorialité, avec le Digital Market Act et le Digital Service Act qui fixent les règles d’accès au marché européen.

La Commission a plus généralement ces dernières années fait un bilan des faiblesses des chaînes de valeurs dans chaque secteur critique (ex. batteries, semi-conducteurs, lithium, terres rares). Il est aujourd’hui devenu impossible de raisonner pays par pays au sein de l’UE, les écosystèmes et approches réglementaires doivent se constituer au niveau continental. Pour le lithium il s’agit par exemple de développer les capacités de raffinage, les ressources du continent en lithium étant suffisantes.

Jean-Pierre Raffarin & Thierry Breton

Sur les semi-conducteurs, une montée en puissance de l’autonomie européenne est importante. Un premier mapping a reconnu les capacités européennes existantes, avec notamment un centre d’excellence de 5000 personnes en Flandres, ou encore un centre à Grenoble. Des moyens de production très sophistiqués sont nécessaires pour ces semi-conducteurs mais des acteurs existent en Europe, avec notamment l’entreprise de semi-conducteurs néerlandaise ASML, qui est dotée de la seconde capitalisation boursière en Europe derrière LVMH et supérieure au géant américain Intel. L’objectif de l’UE est donc de passer de 10% à 20% d’autosubsistance, ce qui représente une multiplication par 4 du volume de production au vu de la multiplication par 2 du marché mondial prévue sur la même période. Un appui public de 43 milliards d’euros viendra soutenir les entreprises les plus innovantes, ce qui contribuera à établir ce nouveau rapport de force en cas de crises et de blocages.

DG CLIMA, Laurence Graff – Politique et ambitions climatiques européennes: neutralité carbone et souveraineté énergétique

Selon Laurence Graff, Cheffe d’unité à la direction générale de l’action pour le climat (DG CLIMA), la politique climat européenne a aujourd’hui un intérêt à la fois national et international. C’est en 2008, durant la présidence française, que le premier paquet climat-énergie a été conclu. Celui-ci a ouvert la voie à un leadership européen sur les questions environnementales qui a permis d’avoir des résultats dans les états membres mais également au niveau international. Tout cela a été rendu possible par l’approche différenciée et de solidarité concrète par le biais de différents fonds européens. La Commission Européenne (CE) est en effet attentive aux mécanismes de soutien à la vulnérabilité climatique. Cela s’est illustré en 2022 par la création d’un Fonds social pour le climat. Mais l’enjeu du climat est aussi stratégique, englobant des enjeux d’innovation et de compétitivité internationale.

Le pacte vert pour l’Europe a quant à lui revu ses objectifs à la hause en passant de -40% à -55% d’émissions en 2030 par rapport à 1990 afin d’assurer une trajectoire de neutralité carbone. Il s’agit toutefois de s’assurer que les impacts économique négatifs soient maîtrisés sans pour autant remettre en cause le pacte vert. La non-action coûterait de plus en plus cher et le coût de l’adaptation augmenterait. Selon Frans Timmermans, VP de la CE, le pacte vert représente une nouvelle stratégie de croissance avec des enjeux d’accompagnement et de gestion de la transition économique pour certains secteurs, en renforçant les filières du futur et en accompagnant celles en difficulté.

L’objectif fixé est que l’Europe devienne le premier continent neutre en carbone, une vision plus que jamais utile compte tenu du besoin actuel de souveraineté énergétique. Cette préoccupation est également au coeur du plan RePowerEU de la CE, révélé le 18 mai 2022. Ce nouveau plan énergétique européen avec des mesures sur les énergies renouvelables, les économies d’énergie, et l’efficacité énergétiques redéfinit les interdépendances et repense les sources d’énergie. Au sujet de la taxe carbone aux frontières, une priorité de la présidence française, les discussions étaient encore en cours au moment de ces échanges.

Le marché carbone européen a commencé par des plans nationaux et s’est aujourd’hui totalement harmonisé, couvrant ainsi les 12,000 plus grosses installations émettrices, qui représentent ensemble la moitié des GES de l’UE. La mise aux enchères de ces crédits notamment pour les entreprises énergétiques génère des revenus contribuant aux finances des états avec une obligation de réutilisation pour le climat à hauteur de 50% et permet l’abondement de différents fonds (ex: pour l’innovation à travers des appels à projets de €2-3 milliards, ou fonds de modernisation pour 10 nouveaux pays).

Au niveau international, l’UE est active avec ses partenaires stratégiques du G20. Depuis 10 ans, le dialogue informel UE-Chine s’est montré excellent et présente selon Laurence Graff le “meilleur moyen de faire passer des messages” sur les marchés carbone. D’autres partenaires se sont quant à eux montrés plus réticents, notamment les USA (qui restent malgré cela  sur la voie de leurs objectifs climatiques) ou encore le Brésil, l’Inde et la Russie. Face à la « fatigue des COPs » observée par certains, l’UE a concentré ses efforts sur une approche constructive en bilatéral avec ses partenaires. Au sein du G7, les efforts se concentrent sur l’établissement d’une vision stratégique climat et sur les secteurs de l’industrie et du commerce. Le point focal de la COP27 était ainsi principalement dédié à l’adaptation et à son financement.

En Afrique, la diversité du continent requiert une approche différenciée: soutien à la réduction des émissions de GES pour certains pays (ex. Afrique du Sud), adaptation, captation de carbone sur projets forestiers et agricoles pour d’autres. Cette diversité exige ici aussi une approche bilatérale en fonction des capacités locales existantes ou à faire émerger. En mai 2022, la COP27 se profilait déjà comme compliquée, l’UE anticipant des demandes africaines importantes et des reproches d’un manque de solidarité de la part de l’UE.

EGMONT – Institut royal des Relations internationales : Puissance globale européenne et rapports de force

Après les crises financières et migratoires des 20 dernières années, l’Union Européenne semblait en être ressortie fragilisée et avec un sentiment d’inachevé. Les crises causées par le COVID-19 et la guerre en Ukraine ont permis des avancées fortes et irréversibles. Bien que des difficultés existent dans le développement d’une position diplomatique commune, avec notamment le risque de fissure dans la position des 27 en matière de sanctions imposées à la Russie, les propositions de la présidence française visant à faire de l’Union une puissance globale se mettent en place. Cela est notamment possible grâce à l’évolution de la position de l’Allemagne, dont le gouvernement actuel se montre plus européen que les précédents, ouvert à des avancées à géométrie variable pour une coopération renforcée. Egmont observe ainsi des signaux positifs sur la relation franco-allemande.

Une proposition faite par le président Macron au Parlement Européen vise à mettre fin à la position ambiguë de l’UE sur les Balkans occidentaux, en donnant un statut particulier et faisant preuve d’une solidarité renforcée avec les pays candidats à l’adhésion mais ne pouvant pas encore être intégrés à l’Union. La position actuelle est particulièrement décriée par la Serbie, qui est devenue un relai important de la Russie de Poutine en Europe.

Au cours des échanges entre les différents participants à cette réunion, la question du rapport de force entre l’UE et Pékin s’est retrouvée une fois encore au coeur des discussions. Bien que la Chine accepte de laisser des marges financières fortes aux groupes européens, un changement de cap de la part des autorités chinoises pourrait sérieusement fragiliser ces groupes. Le projet européen doit nécessairement inclure une position forte face aux états-puissances et encourager une union des démocraties. Une telle position se manifeste par un rapport de force continental de l’UE face à la Chine, en particulier sur le plan des relations commerciales, pour lesquelles l’Union a déjà indiquée son intention de rééquilibrer le rapport de force. Selon Egmont, c’est aujourd’hui d’abord autour du pouvoir normatif du marché européen que commence à s’imposer la puissance économique européenne.

Ambassadeur Léglise-Costa – Dynamiques européennes en réponse aux crises présentes et futures

La session d’échange avec l’Ambassadeur Philippe Léglise-Costa, Représentant Permanent de la France auprès de l’UE, a permis d’aborder les dynamiques actuelles dans la stratégie commune de l’Union européenne.

Selon l’Ambassadeur Léglise-Costa, l’évolution de la position allemande est particulièrement notable, un constat similaire à celui de l’institut Egmont. Face aux différentes crises qui ont frappées le continent ces dernières années, l’Allemagne a pris des décisions fortes caractérisées par une plus grande ouverture aux préoccupations communes. Cela contraste avec une approche passée plus germano-centrée. Au-delà du conceptuel, le tandem franco-allemand s’en est trouvé renforcé. L’appui de l’Allemagne à la présidence française a par exemple permis le vote du texte sur le mécanisme de réciprocité sur les marchés publics. Le texte sur les subventions aux entreprises d’Etat avançant également, celui-ci contribuera au rééquilibrage du rapport de force avec par ex. la Chine.

Selon l’ambassadeur Léglise-Costa, la position européenne en matière de stratégie de défense doit aujourd’hui progresser et encourager l’UE à se rééquiper pour réduire sa dépendance des États-Unis, ne serait-ce que par risque de changement politique aux US.

La préparation de l’avenir demande également d’anticiper le débat sur la sortie de guerre face à la Russie et déterminer la menace que présente la Russie pour l’Europe, quel que soit le régime en place. Face à la Chine, un rapprochement Russie-Chine présente une source de préoccupation pour des nombreux européens. La stratégie de l’UE reste sur les mêmes bases qu’en 2019 tout en insistant sur le statut de rival stratégique et en évitant les antagonisme, un statut duquel la Chine s’accommode. Cette taxonomie a également été reprise par le président Biden aux États-Unis.

La Chine a fait des erreurs en sanctionnant par exemple des parlementaires européens, ce qui a créé un effet de cohésion parlementaire contre l’accord sur l’investissement. Elle semble aujourd’hui attentive à ne pas prêter le flanc à la critique de contournement de sanctions, en dépit de l’augmentation de ses importations.

DG TRADE, Denis Redonnet – Autonomie stratégique ouverte et guerre froide économique

L’Union Européenne sort aujourd’hui d’une ère d’accords de libre-échange tous azimuts qui en a fait la juridiction avec le plus grand nombre. L’approche a aujourd’hui changé et les problématiques d’intégration économique en ont fait de même pour se concentrer sur une approche « d’autonomie stratégique ouverte. » Celle-ci entend continuer de profiter des bénéfices de l’ouverture tout en oeuvrant un mouvement de rééquilibrage pour contrebalancer les pratiques de certains partenaires économiques.

Les crises auxquelles fait face l’UE aujourd’hui génèrent des demandes accrues de précaution et de protectionnisme. Ces tendances au repli protectionniste se retrouvent dans le voisinage sud de l’UE dans la mise en oeuvre des accords de remplacement d’importations européennes par des produits locaux. D’autres types de difficultés rencontrées aujourd’hui concernent les distorsions de concurrence globale liées au capitalisme d’état chinois qui génère des distorsions autour du coût du capital et du système des entreprises d’Etat. Face à cela, force est de constater que les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne permettent pas une bonne gouvernance de ces pratiques. Ceci explique en partie le retrait des États-Unis de ce système et les tarifs illégaux du point de vue de l’OMC que s’imposent aujourd’hui US et Chine. Ces pratiques bloquent le système de règlement de différends qui formait l’un des appareils les plus avancés dans la gouvernance internationale. Bien que les 25 pays membres de l’OMC (dont la Chine fait partie) aient mis en place un système alternatif, l’absence des États-Unis de ce processus de réforme de l’OMC rend vain tout effort de réforme porté par l’UE.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a exigé une réaction et adaptation rapide de la part de l’UE. Celles-ci s’illustrent sur le plan économique par la rapidité de mise en place des cinq premiers paquets de sanctions.

En matière d’exportations, 25% des exportations de l’UE et du G7 vers la Russie sont sous sanction. Cette stratégie se positionne indubitablement dans une perspective de guerre froide de moyen à long terme, permettant ainsi de fragiliser et dégrader le potentiel industriel russe à cet horizon. Les relations économiques et commerciales sont ici utilisées à des fins de puissance. Les États-Unis donnent de plus des signaux qu’ils pourraient en faire de même envers la Chine, ce qu’ils avaient commencé à appliquer au géant chinois des télécoms Huawei et appliquent aujourd’hui à la Russie. Un tel élargissement à toute la Chine aurait des conséquences gigantesques.

L’idée européenne d’un cartel d’acheteurs serait difficile à mettre en œuvre et la perspective de sanctions secondaires américaines sur le reste du monde risque de causer une fragmentation encore plus sévère. Bien qu’un découplage lent et partiel entre l’économie atlantique et asiatique était depuis longtemps attendu, le découplage inattendu et fort entre l’UE et Russie inquiète sur son potentiel de contagion. Les questions de souveraineté et de résilience économique de l’Union Européenne ont donc été centrale pour la Direction générale pour le Commerce. Le travail effectué en 2021 par l’équipe de Thierry Breton sur les vulnérabilités stratégiques s’appuie sur le diagnostic commun entre la DG TRADE (Commerce) et GROW (Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME).

Conclusion

Comme a pu le noter la Fondation Prospective et Innovation à la suite de ce voyage, « le climat international continue de se dégrader dangereusement mais l’Union fait face avec une belle réactivité, notamment en déclinant sous toutes ses formes l’idée de souveraineté. »

 
 
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