Brice Lalonde, qui a occupé les fonctions de ministre français de l’Environnement, secrétaire général adjoint de l’ONU pour le climat, et de Coordonateur exécutif à Rio+20, a détaillé les principales problématiques de la transition écologique autour desquelles les puissances doivent engager un nouveau cycle de coopération technologique.
Perspectives de coopération sino-européenne
Brice Lalonde a rappelé que l’électrification de nos économies est le maitre mot de cette transition, nécessitant le déploiement et l’amélioration de techniques telles que les batteries, les électrolyseurs, et posant plus largement la question de la production d’électricité à grande échelle. Brice Lalonde estime que c’est dans ce cadre que le nucléaire trouve toute sa pertinence et doit être un sujet d’échanges technologiques. Il a rappelé, à titre d’exemple, la précédente signature d’un accord France-Chine sur la construction d’une usine de retraitement des déchets nucléaires.
L’intervenant a en sus évoqué à plusieurs reprises la perspective d’une utilisation future de carburants de synthèse, qui consistent à capturer et réutiliser le gaz carbonique émis comme énergie. Brice Lalonde a ainsi insisté sur la distinction entre les ressources énergétiques du présent et celles du future, illustrant son propos par l’exemple de l’eau, qui devrait devenir une ressource stratégique en raison de la technologie de l’électrolyse de l’eau, permettant la production d’hydrogène.
Enfin, l’ex-ministre a abordé les enjeux de recherche autour de la fixation du carbone, sous forme de photosynthèse artificielle ou par le biais de la séquestration du dioxyde de carbone (CO2), sur lesquels la Chine et l’UE doivent également travailler en commun.
Gouvernance mondiale et avenir du commerce international
D’autre part et en dehors des seules relations sino-européennes, Brice Lalonde a plus largement présenté le manque de coopération internationale sur les sujets écologiques comme la principale lacune empêchant le déploiement de la transition écologique à grande échelle. Un changement de paradigme lui semble nécessaire avec la mise en place d’un minimum de gouvernance mondiale sur ces sujets, à rebours de la configuration actuelle où les programmes climatiques souverains se contentent de s’additionner, sans dimension supranationale. Il nous manque ainsi, estime-t-il, de grands accords de coopération internationaux, pour le gaz par exemple, où les industriels gaziers se coordonneraient pour financer la transition des économies charbonnées vers le gaz, bien moins émetteur en CO2. Il lui parait en conséquence crucial de revitaliser le multilatéralisme, afin de mener à bien des projets tel que la mise en place d’un marché carbone commun à l’échelle internationale.
Enfin, sur le sujet du commerce international, l’ex-ministre de l’Environnement a pu s’opposer à une certaine doxa qui voudrait le présenter comme une pratique désuète dans un monde cherchant à atteindre la neutralité carbone. A contrario, Brice Lalonde estime que le commerce peut être écologique. « On a absolument besoin du commerce. Le commerce peut être un allié très puissant de l’environnement », a-t-il affirmé. Pour ce faire, les règles commerciales ne doivent plus seulement se concentrer sur les produits finis, mais également sur les normes de production (i.e. la régulation des émissions de gaz à effet de serre liées à la production). De ce point de vue, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), a encore toute sa place dans le monde de demain. L’OMC a d’ailleurs déjà accepté la primauté du droit de l’environnement lors de cas préalables, lorsque ce droit est entériné par des accords internationaux. Dans le futur, les Etats pourraient ainsi théoriquement se prévaloir d’accords écologiques internationaux imposant des normes de production afin de bloquer les importations de pays les enfreignant.
Brice Lalonde était l’un des principaux intervenants du forum du Bridge Tank portant sur la coopération UE-Chine post-Covid-19. Il a participé à un panel intitulé « Développement vert ou civilisation écologique ? » qui était modéré par Wen Cui-Pottier, ancienne journaliste du Shangai Media Group. Ce forum a eu lieu au Palais Brongniart à Paris le 15 octobre 2020.Les autres intervenants de cette session étaient Nicolas Imbert, Directeur Exécutif de Green Cross France & Territoires et deux membres du Conseil d’Orientation du Bridge Tank : Guillaume Henry, président de l’Association pour l’analyse écologique du droit, et Zhao Wei, chercheur à l’Université Sun Yatsen.