Catégorie : Événements et rapports

UE-Chine : quelles visions d’un futur en commun, quels dissensus, quels critères ?

Dans la foulée de l’accord de principe UE-Chine sur l’investissement le 30 décembre 2020, cette rencontre « en nuage » le 21 janvier 2021 entre praticiens des négociations et de la sphère économique, qui avaient déjà débattu dans des travaux préparatoires le 15 octobre 2020, livre des objectifs, des critères, des outils pour la définition d’une relation bilatérale UE-Chine renouvelée.

Les intervenant.e.s en étaient : 

LU Shaye, Ambassadeur de Chine en France,

Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre, 

Irina Bokova, ancienne Directrice générale de l’UNESCO et Board Member, The Bridge Tank,

François Loos, ancien Ministre de l’industrie et ancien Ministre délégué au commerce extérieur,

Sylvie Bermann, ancienne Ambassadeure de France en Chine 

Stéphane Gompertz, ancien directeur d’Afrique, Quai d’Orsay et Board Member, The Bridge Tank,

Fatima Hadj, Membre de la Communauté Goalkeeper, Bill & Melinda Gates Foundation, 

François Quentin, ancien Directeur Général Adjoint, Thalès, et ancien Président du Conseil d’Administration de Huawei France,

La session était animée par Joël Ruet, président, The Bridge Tank.

Accédez au replay sur notre chaîne YouTube

Revue de détail ci-dessous (entre parenthèses le minutage des temps forts des interventions, accessibles sur le replay YouTube). 

1 – Sur les « cercles » de la coopération bilatérale UE-Chine : divergences politiques, intérêts économiques communs, indépendance dans l’inter-dépendance multi-latérale

Lu SHAYE (9’54) dans son intervention introductive a très amplement commenté la situation géopolitique, les raisons nombreuses d’une coopération UE-Chine, puis s’est penché sur l’accord d’investissement Chine-UE. Abordant frontalement un contexte évidemment aujourd’hui très débattu sur la Chine, il a notamment problématisé ce dernier accord dans une perspective où des « courants atlantistes » craindraient qu’il ne « compromette l’alliance transatlantique, (indiquant qu’) ils appellent à une meilleure coordination entre l’Europe et les Etats-Unis et à attendre l’arrivée au pouvoir de l’administration Biden pour affronter ensemble la Chine, sans quoi, selon eux, « en cas de conflit, l’UE sera seule face à la Chine ». Cette idée de se joindre aux Etats-Unis contre la Chine est extrêmement myope. En Europe, les milieux politique, intellectuel et les principaux médias ont tous un sens aigu de l’autonomie stratégique, le président Macron et la chancelière Merkel y sont très attachés, ce que je partage entièrement. » 

Le Premier Ministre Jean-Pierre RAFFARIN (47’14) a plaidé l’autonomie stratégique de l’Europedans un contexte de bipolarisation du monde : « l’Europe n’a pas envie d’être la balle de ping-pong qui reçoit des coups de raquette un jour des États-Unis et le lendemain de la Chine ». C’est pourquoi elle « a besoin de renforcer son ambition d’autonomie stratégique. L’Europe doit avoir une propre stratégie qui lui permet de défendre sa propre orientation et sa propre autonomie stratégique. L’Europe va vers une défense de sa propre souveraineté. Il est clair que l’Europe reste une alliée des US, coopère avec la Chine, mais l’Europe ne veut pas être alignée. Nous avons bien compris que notre liberté dépendait de notre indépendance. » (55’58) Pour autant, l’Europe veut parler à tout le monde en tant que partenaire de l’équilibre mondial. Dans un contexte de rivalités sino-américaines, il rappelle que le multilatéralisme nécessite que, dans les désaccords, la discussion reste possible entre les acteurs : « Il est hors de question de se laisser imposer une rupture de dialogue par un partenaire international qui exigerait de nous le silence ». (1’11’25)

L’Ambassadeure Sylvie BERMANN (1’47’55) abonde dans ce sens : « la relation entre les États-Unis et la Chine sera déterminante dans les années qui viennent. Pour autant, ça ne doit pas être un G2, ce n’est l’intérêt de personne. Le triangle constitué avec l’Union européenne sera également essentiel. » D’autant plus que la force européenne n’est pas à sous-estimer : l’Union européenne reste le plus grand marché du monde, ce que n’ignorent ni les États-Unis ni la Chine.

L’Ambassadeure Sylvie BERMANN explique que les quatre ans de présidence TRUMP ont changé la donne. Il y a une méfiance maintenant dans les sociétés occidentales par rapport aux États-Unis. L’autonomie stratégique de l’Union européenne, cette souveraineté de l’Union européenne est maintenant renforcée chez les gouvernants, mais également dans les opinions publiques. Vis-à-vis de la Chine, il y a davantage de méfiance dans l’opinion publique, que les gouvernements prennent en considération. A cet égard, les concessions qui ont été faites par la Chine sur la question du travail forcé dans l’accord sur l’investissement ont été appréciées. Cet accord qui est un accord de principe devrait être validé par le parlement européen qui, si on a entendu certaines voix divergentes, devrait néanmoins être adopté définitivement sous la présidence française de l’Union européenne en 2022. 

Au final, Jean-Pierre RAFFARIN propose 3 « cercles » schématiques (57’07) sur lesquels se fonde la coopération (ou non-coopération) entre Europe et Chine, auxquels souscrit Sylvie BERMANN 

–      Un cercle politiquequi témoigne des divergences entre l’Europe et la Chine. (54’14) –     « Ce cercle politique, il faut le regarder avec lucidité, mais avec le respect que se doivent des nations qui veulent se parler. »

–      Un cercle du marché: le marché chinois pour une entreprise européenne mondiale est un marché impératif, tout comme l’est le marché américain. Il explique qu’il n’est pas question de demander aux grandes entreprises européennes de choisir, et de renoncer à un de ces marchés« L’extraterritorialité imposée par les US est inacceptable. L’accès au marché chinois doit pouvoir être garanti dans le cadre d’un accord équilibré. Ce qui est permis chez l’un, doit être permis chez l’autre. Autant, sur les intérêts politiques, nous avons des divergences, autant sur les intérêts de marché, nous voyons bien que nous avons un intérêt commun à trouver un équilibre. » (1’01’33)

–      Un cercle de coopération internationale« Nous voyons bien que nous avons besoin de la Chine et la Chine, si elle ne veut pas être isolée, a besoin de l’UE » (1’01’55)

Le rôle des Etats-Unis est régulièrement revenu à l’origine du déséquilibre des relations multilatérales actuelles, une bonne synthèse étant apportée par l’industriel François QUENTIN (2’41’40) « La relation entre la Chine et les États-Unis est une relation ancienne, au départ très déséquilibrée, mais s’équilibrant progressivement. On voit d’ailleurs aujourd’hui les conséquences de ce rééquilibrage qui n’est pas toujours apprécié par les Américains. » (2’42’14)

S’il faut construire c’est plus que jamais dans un monde mouvant et donc des voies concrètes sont nécessaires ; elles ont été proposées par les intervenant.e.s.

2 – Axes de coopération concrète, intérêts et confiance

Jean-Pierre RAFFARIN, repris en cela par les autres intervenant.e.s qui ont chacun.e précisé tout ou partie de ces points, a posé que la coopération avec la Chine doit s’affirmer autour de 3 axes (1’07’51)

–      Un volet stratégiquesur les questions d’indépendance, de transport, d’énergie, de villes durables etc. (1’08’06) 

–      Un volet coopération avec les pays tiers, notamment avec l’Afrique. (1’08’06)

–      Un volet sur les routes de la Soie, avec notamment l’idée d’une route à double sens, ouverte, avec une approche climats-compatible. (1’08’40)

Irina BOKOVA, ancienne directrice de l’UNESCO (1’17’45) rajoute un 4èmeaxe en mettant en lumière le rôle important de l’UE et de la Chine pour réformer le système multilatéral aujourd’hui affaibli:

–      « La Chine et l’UE ont la responsabilité de coopérer et réformer le système onusien. »Avec notamment, autour de l’ONU, 3 sujets de coopération (1’20’50) : sur l’Agenda 2030« la Chine et l’UE doivent encourager les réflexions autour de la mise en oeuvre de l’agenda 2030, parce que les conséquences du Covid sont négatives », le lien entre Biodiversité et climatsur lequel « la Chine s’engage dans une dynamique plus positive »,  la coopération UN, Chine et UE en Afrique,elle-même sur 4 espaces : santé, sécurité alimentaire, transformation et transition écologique et création d’une zone de libre-échange très ambitieuse en Afrique.

Au-delà des intérêts, la notion de confiance dans la négociation de ces intérêts, est clairement apparue comme centrale :

Le Ministre François LOOS est revenu sur la méthode du volet stratégique, notamment via l’analyse des éléments du traité (Accord de principe sur l’investissement UE-Chine) qui peuvent « faire basculer la confiance que l’on peut donner à la Chine pour investir dans ce pays » (1’35’49)

–      « La transparence dans les subventions sera acquise : c’est dire qu’elle ne l’était pas ;

–      Le traité sera favorable aux services, mais ne mentionne que trop peu l’industrie ;

–      Le règlement des différends n’est pas prévu or ceci est essentiel. »

Pour François LOOS (1’32’40), conserver et renforcer la confiance sur le long termepasse par le respect mutuel et la construction des indépendances : « L’indépendance nous a été rappelée par le Covid. Dans ce contexte nos politiques se construisent, avec des champions nationaux qui feront en sorte que la non-dépendancesoit acquise » (1’41’15)

« Sur cette non-dépendance, la Chine et l’UE partagent des questionnements en commun : énergie, alimentaire, matière première et certaines technologies ». L’UE doit construire ses champions industriels, telle le fait la Chine. (1’41’52)

Cette position bâtie sur des intérêts bien compris, de l’avis des intervenant.e.s, peut oeuvrer au multilatéralisme:

D’abord elle est argumentable. Pour Sylvie BERMANN (1’53’59)un certain nombre d’accusations de naïveté ou de critiques sur  un accord qui aurait été adopté dans la précipitation ne tiennent pas : « les négociations sont en cours depuis sept ans. D’autre part, il répond à des demandes formulées par l’Union européenne. Chaque année, il y avait un rapport de la chambre de commerce européenne à Pékin qui demandait à la Chine un certain nombre d’améliorations. Ces améliorations sont intervenues. » 

Stéphane GOMPERTZ (2’01’11) propose au-delà de l’accord, une action conjointe de la Chine et de l’UE en Afriqueen trois points :

–      Sécurité et politique : Dans un esprit de respect, il est possible de coopérer. pour essayer d’œuvrer à la stabilité, notamment à des groupes internationaux de contact regroupant un certain nombre de pays, les Nations Unies, l’Union africaine, les commissions régionales africaines… (2’01’50)

–      Le développement projets conjoints et investissements conjoints:l’appui aux petites et moyennes entreprises est vital, passer de l’informel au formel en se dotant simultanément de la capacité de développement, et des normes non économiques, non commerciales, non techniques. (2’05’48)

–      Le traitement de la dettela Chine devrait poursuivre sur la voie qu’elle a amorcée et se joindre de plus en plus aux initiatives du G20 pour traiter la dette de façon vraiment multilatérale. (2’14’15)

Cette approche renvoie à l’utile formule de François LOOS : « Le véritable multilatéralisme serait d’arriver à s’entendre sur des visions du futur ». (1’39’10)

3 – La question des normes économiques

François LOOS a introduit également la question des normes : « Les normes et les régulations sont nécessaires faire exister les visions du futur de façon collective. Sur cette branche de l’économie moderne, de l’investissement, il faut travailler ensemble et si possible avec les États-Unis, pour que les questions d’environnement, les questions d’énergie, les questions de matières premières, les questions d’alimentation aient un horizon compréhensible et partageable par nos collègues des autres pays européens et des États-Unis et de la Chine. » (1’39’30)

La praticienne des critères extra-financiersFatima HADJ (2’21’56) a décliné ce point sur les normes ESG  en rappelant que « Les critères ESG sont la transcription dans le domaine financier des objectifs du développement durable » (2’25’08), en offrant « des axes de coopération précis. L’exemple de la taxonomieen est un, notamment en mettant en place des initiatives de coordination des critères ESG entre la Chine, l’UE et les US pour permettre d’avoir un langage commun. » (2’33’25). Aussi, Fatima HADJ suggère de mettre en place des comités, des commissions, des initiatives de coordination des critères ESG entre l’Europe, la Chine et les États-Unis.

François QUENTIN dans le même sens a mentionné que « la Chine et l’UE ont un problème de compréhension mutuelle sérieux, un problème de compréhension de fond», (2’45’38) y compris dans le fonctionnement des entreprises. Par exemple, il y a encore peu de gens en Europe qui comprennent ce que recouvre la notion de contrat en Chine – notion déjà complètement différentes aux US et dans le monde anglo-saxon ». Il évoque également un mépris mutuel qui s’est installé dans les relations entre les Etats-Unis et la Chine au point d’entraver un dialogue constructif. En effet, beaucoup d’entreprises américaines et chinoises étaient dans l’univers infondé de la méconnaissance ou de la condescendance. (2’44”39). Cependant une « base de jeunes qui grandit tous les jours (va) avoir une approche différente dans les relations économiques et sauront comment interpréter des actes profonds de prise de décision, de contractualisation ou de réponse managériale dans les entreprises à des situations qui ne sont pas toujours facile à résoudre pour un étranger au sens complet du terme. » et que « Le travail à mener dans les années à venir : mettre en place des actes concrets à la portée des entreprises et des gens qui travaillent ensemble ». (2’50’20)

A retenir

Si les relations internationales passent par les intérêts, la construction concrète de ces intérêts nécessite d’établir la confiance, et il a été rappelé quecela passe par le respect qui, sur le terrain, n’a pas toujours été au rendez-vous et ce dans chaque sens. A cette condition, des désaccords de système peuvent être actés, des intérêts potentiels véritablement construits, une implication mutuelle dans le multilatéralisme trouver son sens. En filigrane, ce qui est vrai de la relation bilatérale UE-Chine n’est pas si différent avec les Etats-Unis ; quand Jean-Pierre RAFFARIN, citant DE GAULLE sur la France, disait que l’UE veut être ce pays qui « parle à tout le monde » (1’11’24)

Echange avec la ministre Brune Poirson : Relance, transitions énergétiques et écologiques en Chine et en Europe

Brune Poirson, vice-présidente de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement et ancienne secrétaire d’État auprès du ministre français de la Transition écologique et solidaire d’Emmanuel Macron, s’est entretenue avec le Bridge Tank.

Elle a souligné l’importance de dynamiques telles que l’Accord de Paris de 2015, l’engagement du gouvernement chinois à devenir neutre en carbone d’ici 2060, ainsi que le Green Deal de la Commission européenne et l’Initiative Belt and Road. Elle a fait valoir que ces initiatives aideraient à développer une gouvernance mondiale qui comprendrait davantage de commerce avec et entre les pays en développement.

La Chine : un allié naturel pour l’Europe sur le climat

Elle soutient l’importance d’instaurer un dialogue avec la Chine et affirme qu’elle-même « ne rate jamais l’occasion de dialoguer et d’engager une connaissance mutuelle avec la Chine. » Elle souligne l’importance de la France à respecter l’Accord de Paris et rappel sa responsabilité en tant que 2ème pays hôte de cet accord. Elle revient aussi sur le désengagement des Etats-Unis de l’Accord de Paris, une situation délicate pour la France et l’Europe qui ont dû s’adapter et trouver d’autres alliés. La Chine correspondait aux exigences de l’urgence et « s’est trouvée être une alliée naturelle sur ces sujets-là. » Brune Poirson attire l’attention l’acte symbolique « acte très fort » de l’engagement de la Chine, qui ne possède pas la même façon de construire et de mettre en œuvre les politiques publiques que l’UE.

De plus, ces tendances fortes se sont accentuées durant la pandémie COVID-19 et ont mis en lumière le protectionnisme américain. Cela a permis à l’Europe d’accélérer sa vision, quelque part, l’environnement est un outil de puissance et de pouvoir pour l’Union européenne. En particulier avec le Green Deal, qui s’est ensuite transformé en plan de relance. Le Green deal répond à une vision du monde incluant le commerce avec d’autres zones, des missions territoriales claires existent de part et d’autre, quelque part il répond à une vision commune de l’UE et la Chine. Le Green Deal de la commission européenne est financé avec les plans de relance (avec l’appui de la BEI), et la Belt & Road Initiative, financée par des prêts entre gouvernements, des banques d’exportation (China Development bank), ou multilatérales (AIIB).

Les Chefs d’Etats européens devront répondre à ces tests d’ambition lors du prochain Conseil Européen et devront alors prouver leur engagement en relevant notamment les objectifs de réduction CO2. Pour la République Populaire de Chine, organisatrice de la COP15-Biodiversité, devra montrer sa capacité à engager des tiers dans la coopération internationale (en particulier l’ASEAN sur les sujets forestiers).

Un panorama stratégique qui cache des enjeux massifs et communs de transitions énergétiques

Étaient également présentes lors de ce Forum les personnalités suivantes : Ding Yifan, chercheur à l’Institut de développement mondial du Centre de recherche sur le développement du Conseil d’État de la République populaire de Chine, et Thomas Melonio, Directeur Exécutif Innovation, Recherche et Connaissance de l’Agence Française de Développement. Ils sont intervenus dans la session «Redémarrage, transitions énergétiques et écologiques en Chine et en Europe», animée par Raphaël Schoentgen, ancien CTO et membre du comité exécutif d’ENGIE et ancien président d’Hydrogen Europe.

En complément des propos de Brune Poirson, Ding Yifan a fait valoir que la décarbonation de la production d’énergie chinoise était un élément clé de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais qu’elle nécessitait également la transformation de l’économie de plusieurs régions chinoises. D’importants investissements chinois sont réalisés pour encourager la transition vers l’hydrogène, et c’est un domaine pour lequel une coopération entre l’UE et la Chine pourrait être bénéfique pour les deux parties. Thomas Melonio a, quant à lui, soutenu qu’il était crucial que l’Afrique soit incluse dans les nouveaux accords de coopération, d’autant plus que les banques de développement chinoises et européennes ont les mêmes objectifs en ce qui concerne l’Afrique.

Brune Poirson, Ding Yifan et Thomas Melonio sont intervenus lors du Forum sur les relations sino-européennes et l’impact de la pandémie COVID-19. Ce forum a eu lieu au Palais Brongniart le 15 octobre 2020.

Échange entre François Loos, ancien ministre de l’Industrie et du Commerce extérieur, et le Bridge Tank sur les visions d’avenir communes entre l’UE et la Chine

Praticien expérimenté du monde de l’industrie et du commerce international, François Loos préconise une nécessaire restructuration des relations UE-Chine, en soumettant l’idée que la résilience chinoise devait montrer la voie vers une reprise de l’activité mondiale.

Polytechnicien et ingénieur des mines de formation, François Loos est aussi un homme politique engagé, député du Bas-Rhin, conseiller régional d’Alsace et ministre délégué à l’industrie et ministre délégué au commerce extérieur dans les gouvernements Villepin et Raffarin sous la présidence Chirac.

La défense d’une Europe unie

À l’occasion de son intervention sur la mondialisation post-covid, François Loos a expliqué que la relation UE-Chine était entravée par des relations bilatérales au lieu de répondre à une approche communautaire. Les pays de l’UE doivent se montrer coordonnés et cohérents face à la Chine. En effet, leur absence d’unité de l’UE est un dangereux handicap, comme l’illustre l’exemple de la production photovoltaïque en Europe menacée par les importations chinoises. Il a mis en lumière les failles du mode de gouvernance européen, reposant sur la volonté des pays consommateurs et sur un système de décision à la majorité inapte à lutter contre le dumping ou à parler d’une même voix à l’OMC.

Entre recherche d’indépendance et coopération stratégique

Le COVID a démontré à tous la nécessité d’aspirer à l’indépendance, ou non-dépendance, face à ses voisins. Pour François Loos, cette autonomie ne peut être acquise pour l’UE qu’à condition qu’elle dispose elle aussi de champions nationaux dans des secteurs stratégiques, notamment dans l’industrie. 

Toutefois, l’indépendance n’exclut pas la coopération. Loin d’avoir été atténué par la crise, le poids de la Chine dans l’économie mondiale s’est renforcé et rend l’enjeu d’une coopération sino-européenne d’autant plus central, comme en témoigne la discussion en cours de nouveaux accords sino-européens. 

D’autant plus que cette recherche d’indépendance nationale n’est pas toujours stratégique selon l’ancien ministre : il a évoqué le cas des « bonnes délocalisations », celles où l’implantation d’une entreprise dans un pays étranger sert le marché de ce même pays. Reste à voir si la Chine va accélérer la mise en place des mesures prévues pour encourager les Européens à s’implanter en Chine sur un pieds d’égalité face aux entreprises locales. 

Vers une vision de l’avenir en commun 

L’ancien ministre a insisté sur la nécessité de conjuguer les visions du futures chinoises et européennes. Pour cela, il est nécessaire de définir les axes stratégiques vers lesquels orienter la coopération sino-européenne. À l’image de l’UE qui a été initiée en 1952 par une collaboration sur le charbon et l’acier, il a appelé à une coopération basée sur des enjeux d’intérêt commun qui fonderait un nouveau type de relations à l’échelle mondiale et avec la Chine. Le sujet des matières premières, agricoles et minérales, est par exemple un point d’appui central de cette coopération, stratégique des deux côtés en matière d’énergie et d’alimentation puisque la Chine dépend de ses importations pour nourrir sa population.

De même, l’environnement est un autre sujet de coopération possible et nécessaire avec la Chine, à condition de ne pas uniquement aborder la question sous l’angle des grandes entreprises, mais bien d’y associer, à l’échelle locale, le monde des petites et moyennes entreprises, les villes, les collectivités, qui sont au plus proche de la réalité et des solutions concrètes. 

Lors du Forum de Coopération UE-Chine organisé le 21 janvier 2021, l’ancien ministre a précisé que ces visions collectives ne pouvaient exister sans des normes et des régulations communes. Il est en effet essentiel que les questions d’environnement, d’énergie, de matières premières, d’alimentation aient un horizon compréhensible et partageable par les pays européens, les États-Unis et la Chine. 

Pour parvenir à un dialogue précis et ouvert avec la Chine, François Loos préconise d’organiser avec celle-ci des groupes de travail pour définir ces visions du futur, générer un état de confiance et avancer ensemble sur ces secteurs précis. 

François Loos suit de près les travaux du Bridge Tank, notamment sur la relation UE-Chine. Ces éléments sont tirés de son intervention lors du Forum pour la coopération UE-Chine post-covid, organisé par le Bridge Tank le 15 octobre 2020.

Rencontre entre Hakima El Haite, Présidente de l’Internationale libérale et le Président ivoirien Alassane Ouattara.

Hakima El Haite, Présidente de l’Internationale libérale et membre du conseil d’orientation du Bridge Tank, a eu une audience privée avec Alassane Ouattara, le Président ivoirien, le 15 décembre 2020. Cet événement s’est déroulé en marge de l’investiture d’Alassane Ouattara à la présidence. Ils ont échangé sur les activités de l’Internationale libérale, ainsi que sur les perspectives de développement de la Côte d’Ivoire.

L’Internationale libérale est la fédération mondiale des partis politiques démocratiques libéraux et progressistes. Récemment, elle a notamment appelé au respect de la démocratie et des droits de l’homme lors des élections ougandaises et a appelé la Commission des Nations Unies sur la condition de la femme à condamner la violence contre les défenseurs des droits de l’homme égyptiennes.

Forum libéral de dialogue politique : liberté de la presse et lutte contre les fake news à l’ère du numérique.

El Haj Kasse, membre du Conseil d’orientation du Bridge Tank, était l’un des principaux orateurs lors du Forum libéral de dialogue politique consacré à la liberté de la presse et à la lutte contre les fake news à l’ère du numérique. Cet événement a eu lieu le 7 décembre 2020 à Dakar, au Sénégal.

Parmi les autres intervenants figuraient Seydou Gueye, porte-parole et coordinateur de la communication de la présidence de la République, Mamadou Ibra Kane, directeur général du groupe Futurs Médias, et Mame Less Camara, directeur de l’information du groupe Futurs Médias.

Définition de la feuille de route pour le G20

Suresh Prabhu, sherpa indien du G7 et du G20 et membre du conseil d’orientation du Bridge Tank, Nicolas Pinaud, Sherpa du G20 de l’OCDE, Joël Ruet, Deep Kapuria, coprésident du groupe de travail B20 sur l’économie numérique et l’industrie 4.0 et président du comité régional du CII sur l’Europe centrale, ont participé au webinaire du 26 novembre 2020 organisé par la Déclaration du Sommet de Riyad. Les orateurs ont discuté de la feuille de route pour le G20 au-delà du sommet du G20 de Riyad, qui a eu lieu plus tôt en 2020. L’Inde prend la présidence du G20 après l’Italie, elle définit alors des lignes directrices pour l’atténuation des les impacts du COVID-19 et la gestion de la reprise économique si tôt est essentielle à l’efficacité.

L’intervention de Nicolas Pinaud était intitulée «Sortir de la pandémie: des opportunités pour relever les défis structurels et mieux reconstruire». Il a fait valoir que le plan d’action du G20 restait un document vivant qui devait être utilisé pour définir la réponse du G20 et son engagement à faire avancer la coopération économique internationale et à réduire les inégalités, ainsi que la suspension du service de la dette. Il a également souligné la nécessité de reconnaître que la connectivité universelle, sécurisée et abordable est un catalyseur fondamental de l’économie numérique et qu’une solution mondiale et consensuelle aux défis fiscaux de la numérisation doit être encouragée. Il a souligné le soutien du G20 pour relever les défis environnementaux urgents, en particulier avec son intention de jouer un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et du Programme d’action d’Addis-Abeba. Nicolas Pinaud a classé la présidence italienne des actions du G20 en trois grandes catégories: les hommes, la planète et la prospérité. Ces catégories sont ensuite subdivisées pour suivre soit le Sherpa Track, axé sur la protection sociale, les nouvelles formes de travail, le reboisement urbain et l’égalité des sexes, ou le Finance Track, axé sur la productivité, la numérisation et la finance durable.

Les Entretiens du Bridge – être social-démocrate en Afrique

Entretien avec l’ancien Premier Ministre Martin Ziguélé, candidat à la présidentielle en Centrafrique. En conversation avec l’ambassadeur Stéphane Gompertz et Joël Ruet, Martin Ziguélé évoque l’exigence de justice sociale, la remise en ordre des finances publiques, les programmes de formation à la jeunesse, la souveraineté réelle de l’état face aux intérêts privés, les constitutions africaines, le covid…

Retrouvez l’interview de Martin Ziguélé autour des questions ci-dessous:

Retrouvez l’entretien sur notre chine YouTube:

1.   Monsieur le Premier Ministre, vous êtes candidat à l’élection présidentielle centrafricaine du 27 décembre, contre, notamment, le président sortant Faustin Archange Touadéra et l’ancien général-Président François Bozizé. Quel sens donne-vous à votre  candidature et quelle sont vos chances de l’emporter cette fois ? 

2.   Que signifie être un social-démocrate dans le contexte africain ? Comment concilier l’exigence de justice sociale et la volonté de remettre de l’ordre dans les finances publiques, comme vous vous y êtes attaché pendant votre primature entre avril 2001 et mars 2003 ? 

3.   Quel bilan faites-vous de l’Accord de paix en RCA du 6 février 2019 ?  Comment peut-on mettre fin aux violences qui perdurent ?                                                                                                                                                      

4.   La constitution centrafricaine limite le nombre de mandats présidentiels à deux. C’est le cas ailleurs mais deux dirigeants d’Afrique de l’ouest se sont récemment affranchis de cette règle. Qu’en pensez-vous ? 

5.   Quel jugement portez-vous sur les relations qu’entretient la RCA avec la Russie ? Je pense notamment à la forte présence du groupe Wagner. Un article de Jeune Afrique, en août 2019, avait pour titre : « Russie-Afrique : Centrafrique, le pays des Soviets ? »

6.   L’épidémie de COVID-19 n’a pas été en Afrique le désastre sanitaire que beaucoup prédisaient. Mais ses conséquences économiques sont  dramatiques. Comment le continent peut-il surmonter ce choc ? 

7.   Comment l‘Afrique peut-elle diminuer sa dépendance vis-à-vis des ressources naturelles ?   

Sessions du Forum pour la coopération UE-Chine post-Covid-19 – 后疫情时代的中欧合作研讨会

Le premier volet de notre Forum co-organisé par The Bridge Tank et l’Ambassade de Chine, a réuni le 15 octobre en format “hybride”  4 anciens ministres, 5 anciens ambassadeurs et au total 30 expert-e-s au Palais Brongniart à Paris ainsi que 150 inscrits sur 3 continents et plus d’une quinzaine de villes pour des échanges nourris, informés, et précis sur des questions économiques, industrielles, de société et de culture sur la relation UE-Chine. 

Programme téléchargeable:

Il a été ouvert par Joël Ruet, Irina Bokova, membre du Board du Bridge qui a précisé les attentes quant aux 6 panels du Forum hybride, et par l’Ambassadeur Sylvie Bermann qui a donné son point de vue et suggestions quant aux enjeux à débattre entre l’UE et la Chine. 

Ces échanges seront suivis de contributions libres via un Forum en ligne ouvert, dont les recommandations donneront la matière d’un “livre blanc” qui sera présenté par The Bridge Tank lors d’une conférence de restitution en présence de l’Ambassadeur de Chine en France et de personnalités publiques françaises et européennes. 

Nos travaux ont traité de questions diplomatiques, de culture, d’échanges humains, économiques et industrielles, se concentrant sur des enjeux en commun entre l’Union Européenne et la Chine : les transitions énergétiques, économiques – notamment l’avènement de nouveaux modèles industriels, les biens publics mondiaux. Les expert-e-s étaient à 80% environ français ou européens et à 20% chinois, tous praticiens indépendants. 

Ce forum se déroule à un moment important où l’Union Européenne et la Chine ont démarré des négociations vers un accord sur l’investissement.

Les Compte rendus des sessions sont disponibles ci-dessous, après la galerie Photos.

Forum pour la coopération UE-Chine post-Covid-19 – Session d’Introduction

后疫情时代的中欧合作研讨会 – Forum Co-organisé par The Bridge Tank et l’Ambassade de Chine en France

Les échanges introductifs entre Irina Bokova et Sylvie Bermann, ancienne ambassadeur de France en Chine ont permis de rappeler l’importance d’ancrer les coopération économiques et environnementales dans les Objectifs du Développement Durable qui incluent l’humain, et de partir du concret pour arriver à du concret renouvelé et faire des propositions dans cette direction. Le concept d’Europe « puissance d’équilibre » proposé par Sylvie Bermann est un fil rouge de nos travaux.

La puissance d’équilibre renvoie aussi à la vision et à la projection stratégique et ce concept va être questionné très vite avec l’élection américaine selon le vainqueur. Combiner la puissance et l’équilibre est concept plutôt chinois, assez dialectique, cela permettra-t-il d’éviter de tomber dans le piège de Thucydide ? L’agenda avance, évolue, et ce forum entend contribuer modestement au débat.

Irina Bokova, en tant que membre de comité d’orientation du Bridge Tank et ancienne Directrice générale de l’UNESCO, souhaite donner une dimension plus “Onusienne” aux débats, pour mener une réflexion sur le multilatéralisme, le globalisme, le climat. Il s’agit de reconstruire un monde plus juste, plus inclusif et plus multilatéral après la crise du covid. La Chine et l’Union Européenne sont des acteurs très importants dans ces débats sur le multilatéralisme et les Nations Unies en général. Il y actuellement un recentrage en cours dans ces domaines. L’Union Européenne ambitionne dans ce processus de recentrage de se positionner et de trouver sa place dans un monde pleinement en mutation. Vu du reste du monde, le rôle de ces deux puissances et de leur dialogue est extrêmement important.

La pandémie a montré l’interdépendance du monde aujourd’hui et le besoin de coopération pour une globalisation plus humaine, plus proche du peuple – c’est aussi l’attente des citoyens européens. Il faut approfondir la coopération et continuer la réflexion sur la place de l’Europe et sur la Chine, plutôt que d’entrer dans une nouvelle géopolitique. Il est important de prendre en compte le côté humain et culturel, pas seulement les investissements, qui permet le rapprochement dans les domaines économiques, politiques et sécuritaires.

Sylvie Bermann note de concert qu’il est important d’avoir des lieux de figures libres, de s’y exprimer en toute franchise pour faire des propositions concrètes. Cela nécessite un ancrage au-delà des relations inter-étatiques qui se sont un peu figées, crispées avec la crise sanitaire. La crise du covid est plus un révélateur et accélérateur de tendances qui étaient sous-jacentes qu’un véritable renouvellement. Il faut reconstruire, mais pas à partir d’une page blanche : il existe des équilibres géopolitiques donc il faut tenir compte. Les grandes puissances mondiales (US, UE, Chine) sont très différentes. La France est toujours à la pointe dans ce domaine, et le Président Macron avait formulé dès son discours de la Sorbonne des éléments portant sur l’autonomie de l’UE. Cette autonomie stratégique s’interprète de différentes manières. Il y a la défense et la sécurité européenne (ne pas dépendre de l’OTAN et des US qui tendent à se tourner vers le Pacifique et la Chine), mais aussi la question de l’autonomie économique et financière, d’où l’opposition de l’Europe aux sanctions extraterritoriales : il n’est pas admissible qu’un autre pays dicte ce que l’UE peut faire ou avec qui elle commerce.

Mme Bermann s’est aussi exprimée sur l’euro, les investissements, le climat, la santé, l’éducation, la science.

Joël Ruet a clos la session d’introduction et ouvert les travaux des panels en rappelant que les entre l’UE et la Chine concernent aussi les blocs et pays qui veulent compter et s’en donnent les moyens (l’Amérique latine, l’Afrique depuis un certain temps avec l’agenda 2063 qui dessine des voies d’émergence programmées pour un horizon de 40 ans).

Quelle vision pour une gouvernance mondiale innovante, plurielle, inclusive ?

Les ambassadeurs Stéphane Gompertz, Geneviève des Rivières, Sun Haichao, ainsi que le Président de l’IPSE Emmanuel Dupuy ont évoqué avec Joël Ruet le rôle de la Chine et de l’UE sur plusieurs biens publics mondiaux et les aires de gouvernance mondiale auxquelles travailler en commun, dont la sécurité et le climat, couvrant également l’action économique étrangère comparée de ces entités dans en Amérique Latine et en Afrique, explorant des voies et commune en prenant l’exemple de la zone Amérique Latine de coopération économique en pays tiers, notamment en Afrique.

Quelques recommandations ont émergé:

La Chine pourrait jouer un plus grand rôle dans le domaine des relations politiques, pour traiter des conflits intérieurs et extérieurs comme en Centrafrique.

A l’heure actuelle, la Chine est observatrice au club de Paris : si elle le rejoignait, quel serait l’avantage en termes de biens publics communs ?

Chine et UE pourraient coopérer à une gouvernance inclusive pour les Suds en accompagnant la diversification de l’économie des pays ; la mise en place de stratégies pour transformer les exportations et les diversifier, y ajoutant de la valeur, la favorisation du commerce régional, de l’entreprenariat et de l’aide aux PME, et la diminution de l’économie informelle.

Sur plusieurs sujets, il apparaît possible de créer des partenariats entre l’UE et la Chine : dans le domaine des relations internationales, de la démilitarisation, de la dénucléarisation ou encore sur les biens communs comme la biodiversité.

Enfin des propositions de gouvernance du multilatéralisme ont été énoncées :

La Chine a longtemps adopté une approche bilatérale, traitant les relations internationales pays par pays plutôt que via une approche globale. Il apparaît désormais nécessaire de rassembler des groupes de travail multilatéraux, incluant les organisations économiques pour traiter ces sujets et identifier les possibilités de travail commun ans un multilatéralisme bien compris qui doit également passer par la poly-gouvernance. En effet, il ne peut y avoir uniquement les États comme seuls décideurs et penseurs : les différents acteurs non-étatiques ont un rôle à jouer

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