Relations UE-Chine, tendances contradictoires? La preuve par l’industrie

Le constat paradoxal d’un désaccord profond et d’une coopération nécessaire

Les relations entre l’UE et la Chine sont aujourd’hui conditionnées par un double constat : constat d’un désaccord profond sur les valeurs politiques, en matière de droits de l’homme et de démocratie, mais aussi constat de la nécessité pour les deux puissances de coopérer sur des enjeux majeurs, comme le climat, les matières stratégiques ou les industries d’avenir.

C’est d’ailleurs sur le fond l’essence également de la doctrine Blinken, la différence sur la forme étant sans doute plus frontale sur le choc diplomatique qaunt aux différences… allant jusqu’au différend.

Si l’UE est désormais le premier partenaire commercial et investisseur étranger en Chine, une méfiance profonde et durable marque les relations bilatérales et tend à les envenimer. Partenaires stratégiques et rivaux systémiques, l’UE et la Chine arrivent aujourd’hui à un tournant de leurs relations. Aussi, l’UE doit redéfinir sa politique chinoise, entre prise de position assumée, coopération pragmatique, et négociations inévitables, pour sortir du stop and go provoqué par ces tendances antagonistes.

Qu’elle prenne la forme d’une guerre technologique, commerciale ou d’une dipmomatie musclée des droits de l’homme, une tendance à la confrontation gagne du terrain dans les rapports diplomatiques entre les puissances chinoises et occidentales. La montée des tensions diplomatiques entre l’UE et la Chine, illustrée par les sanctions européennes au sujet du travail forcé dans la province du Xinjiang et les contre-sanctions chinoises qui ont suivi, ont mis un coup d’arrêt à la coopération bilatérale, comme le démontre le vote du Parlement européen le 20 mai en faveur de la suspension des négociations pour la ratification de l’Accord global sur l’investissement annoncé en décembre 2020.

Pourtant, le même jour, un partenariat a été annoncé autour des matériaux de batterie entre les industriels allemand BASF et chinois Shanshan. Cette double actualité témoigne bien d’une incohérence de la ligne de conduite européenne à l’égard de la Chine. Au-delà de l’incompatibilité apparente des deux systèmes politiques illustrée par un ton de moins en moins diplomatique, une réelle complémentarité des intérêts entre les deux parties subsiste. En fait, l’UE et la Chine ne peuvent se passer d’entretenir avec l’autre, sinon une coopération, du moins un dialogue ouvert et pragmatique sur certains enjeux.

BASF et Shanshan s’associent en une joint-venture dans le secteur des matériaux pour batteries

Si le feu est rouge en termes de coopération politique avec la Chine, la collaboration industrielle sino-allemande reste pour sa part au beau fixe. Les deux leaders se sont lancés dans une co-entreprise au service du marché chinois, le plus grand dans le secteur des matériaux de batterie. Pour BASF, fournisseur mondial de premier plan de Fabrication Assistée par Ordinateur (FAO) à l’industrie automobile, c’est l’occasion d’accéder au marché chinois de la FAO, élargissant son empreinte mondiale avec une chaîne d’approvisionnement de matériaux actifs cathodiques intégrée et unique. BASF deviendrait la première entreprise à disposer de capacités sur tous les principaux marchés d’ici 2022. De son côté, Shanshan, l’un des principaux fournisseurs de matériaux pour batteries au lithium-ion desservant à la fois le marché de la mobilité électrique et de l’électronique grand public, bénéficierait du réseau mondial de clients automobiles de BASF pour renforcer sa compétitivité sur le marché chinois.

Grâce aux solides capacités de technologie et de développement à empreinte mondiale de l’un, et à la vaste expérience du marché chinois de l’autre, ces deux géants, en combinant leur expertise, comptent offrir une compétitivité incomparable en matière d’innovation, de proximité client et de coût et devenir un des principaux fournisseurs mondiaux de FAO. L’objectif est de générer d’importantes synergies technologiques et d’accélérer la transformation de l’électrification de l’industrie du transport.

L’enjeu de ce partenariat est central quand on sait que la Chine a la mainmise sur les chaînes de valeur des matériaux stratégiques nécessaires à la fabrication des batteries dont elle domine le marché et détient environ 90% de la production mondiale. En outre, la Chine est un acteur incontournable dans les chaines d’approvisionnement dans les domaines clés de la transition énergétique (panneaux solaires, turbines d’éoliennes, hydrogène). 

Quelle méthode pour une position européenne cohérente ?

Entre dissensions politiques profondes et coopération innovante sur des enjeux d’avenir, la relation sino-européenne est soumise à des tendances contradictoires qui semblent irréconciliables et empêchent l’UE de maintenir une ligne de conduite univoque.

En tout cas, le divorce sino-européen n’est pas consommé. Au-delà des sirènes des rivalités politiques, des points de convergence permettent encore aujourd’hui de parler de visions d’avenir en commun. Dans la perspective de la COP26, il est nécessaire d’établir des axes stratégiques incontournables vers lesquels orienter la coopération sino-européenne. Le sujet des matières premières, agricoles et minérales, est par exemple un point d’appui central de cette coopération, tout comme le climat ou la transition énergétique et industrielle.

L’UE ne pourra imposer ses vues qu’à condition de faire preuve d’un discours unanime et cohérent. Il convient donc qu’elle s’accorde d’abord en interne sur sa ligne de conduite, puis en externe en se positionnant selon une méthode souple apte à sortir du stop and go permanent dans les relations internationales. Ainsi, elle pourra tenir un dialogue précis mais ferme dans la négociation, redéfinir des partenariats exigeants et durables, respectueux du droit, et fondés sur une réelle réciprocité. En un mot, assumer un rôle de « puissance d’équilibre ». 


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