Alors que la COP 27 touche à sa fin, The Bridge Tank poursuit ses efforts en faveur de la justice climatique à Sharm El Sheikh, en Égypte.
Le 17 novembre 2022, The Bridge Tank et l’Internationale libérale ont uni leurs forces et coorganisé un side event sur la finance climat – “Towards a balanced, empowered, North-South blended climate finance for mitigation and adaptation.” The Bridge Tank était représenté par Dr. Joël Ruet, président, et notre board member Dr Hakima El Haite, présidente de l’Internationale libérale.
The Bridge Tank a mis à profit sa longue expérience sur le thème de la finance climat, ayant contribué à la Task Force « Changement climatique et financement » du T20 au cours des six dernières années.
Parmi les participants au panel figuraient Mme Kadiatou N’Diaye, ancienne Ministre de l’Environnement, des Eaux et Forêts de Guinée, des représentants de la Fondation Brazzaville, des directeurs de la Banque agricole du Niger et le président du parti conservateur égyptien.
Le débat a porté sur l’état actuel de la finance climat et du financement de l’adaptation aux changements climatiques. Alors qu’un doublement de l’effort pour ce dernier a été inclus dans le Pacte de Glasgow pour le climat, portant le financement de l’adaptation d’environ 20 milliards de dollars à 40 milliards de dollars, de nombreux défis subsistent. Certains pays développés ne tiennent notamment pas leurs engagements financiers.
La présidente du Fonds bleu pour le Bassin du Congo a ainsi quitté la COP 27 pour dénoncer ce soutien financier manquant. En 2021, le président américain Joe Biden avait promis 50 millions de dollars au Fonds d’adaptation mais cette contribution ne s’est jamais concrétisée. Cette année, Joe Biden a augmenté l’engagement des États-Unis, promettant cette fois-ci 100 millions de dollars. L’exemple du Bassin du Congo est toutefois emblématique de l’écart entre les promesses institutionnelles et la réalité du terrain.
Aujourd’hui, les 82 milliards de dollars de finance climat officiellement mobilisés pour le Sud sont constitués à 60% de prêts privés. Bien que confronté aux effets les plus graves de la crise climatique actuelle, le continent africain ne reçoit que 5% de ces fonds.
Il ne s’agit donc là « ni d’une forme d’obligation ni de solidarité » a déclaré Hakima el Haite puisque les transferts promis ne sont pas contraignants et que les prêts ont un prix. Le consensus politique dans les Etats du Sud est de déplorer les fonds manquant, ce qui est d’autant plus alarmant si l’on considère les prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) selon lesquelles il ne resterait que 8 ans avant que la situation ne devienne critique.
Partant de ce constat, le panel a discuté des moyens concrets d’adapter les outils financiers afin de rendre la finance climat plus efficace et plus équilibrée. Les difficultés d’accréditation aux Fonds vert pour le climat (GCF) et Fonds d’adaptation (FA) ont notamment été évoquées, la mobilisation des fonds nécessaires ayant été comparée à un « parcours du combattant ».
Bien qu’elle soit faisable, la mobilisation de sommes dans les dizaines de millions de dollars est ralentie par de longues procédures administratives. Le défi est encore plus grand pour les projets de grande envergure dont les besoins financiers se chiffrent en centaines de millions USD.
Le panel s’est donc penché sur deux questions majeures : développer des sources de financement innovantes et des canaux de décaissement efficients.
La piste des partages des rentes a notamment été évoquée. Celle-ci nécessiterait un futur cadre de réglementation au niveau de l’État pour les contrats privés établissant des accords de partage des bénéfices permettant aux fonds privés et publics d’être versés dans un fonds public commun dédié à des projets concrets. Cette procédure est par exemple déjà utilisée par les sociétés pétrolières. Bien qu’agissant uniquement comme mécanisme parallèle, les crédits carbone pourraient également inclure un reversement direct aux bénéficiaires sociaux.
Les discussions sur les financements alternatifs semblent avoir abandonné l’idée d’une taxation du Nord depuis la COP21 et la COP 22. La solidarité n’est donc pas un terme approprié pour décrire les processus financiers actuels. Avec 80% de la production pétrolière africaine exploitée par des sociétés étrangères, la promesse de financement climatique de 100 milliards de dollars devrait être définie comme une dette du Nord envers le Sud. Mais la finance climat actuelle à base de prêts a un effet inverse, créant une dette supplémentaire du Sud envers le Nord.
D’autres idées proposées se construisent autour d’un système de gouvernance renouvelé. Les problèmes de bancabilité, de transparence, et de compétence associés aux pays du Sud reflète le manque de confiance du Nord envers le Sud. Alors que les défis à la cogestion et au cofinancement se trouvent aussi en partie dans une mauvaise gestion des ressources et des richesses africaines, entravant ainsi la capacité du continent à s’auto-financer pour l’adaptation et l’atténuation, de nouveaux mécanismes doivent être développés pour transformer cette défiance Nord-Sud en confiance mutuelle.
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La mise en place d’incubateurs développant des projets structurants à grande échelle pourrait être un moyen d’y parvenir. Travailler sur la cogestion et la co-gouvernance est donc une perspective encourageante, car celle-ci est déjà bien établie dans d’autres cadres, par exemple les business angels ou les fonds d’investissement.
Un autre point clé abordé lors de ce panel implique l’idée d’inverser les conditionnalités afin que l’Afrique puisse elle-même imposer des conditionnalités. Celles-ci pourraient par exemple inclure l’obligation pour les bailleurs d’être présents sur le terrain et ainsi favoriser l’émergence de bureaux d’études locaux et de sociétés de développement locales. L’un des enjeux principaux est donc que les Etats et les bailleurs internationaux soutiennent l’émergence de sociétés multinationales africaines et sous-régionales.
Les problèmes de ressources humaines et de capacités administratives dans le Sud doivent également être reliés à la complexité des procédures internationales. Des signes encourageants existent néanmoins, comme par exemples le programme de micro financements du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et ses procédures administratives assouplies.
Enfin, les questions de financement innovant « bottom-up » ont constitué un autre point de discussion du panel. Pour s’assurer que les actifs complexes soient garantis par des actifs plus simples, un fonds panafricain de sécurité et dérisquage serait nécessaire.
La question des garanties foncières doit également être étudiée, afin de développer un système qui viserait, par exemple, à ce que les projets soient financés à 95% par des subventions et à 5% d’apports locaux ou garantis par des banques privées. Il reste toutefois à savoir si ces dernières seraient acceptées par les agences bilatérales.
Néanmoins, les banques commerciales sont prêtes à aller de l’avant sur de tels projets au vu de l’urgence à agir, comme le montre l’exemple du Niger. Chaque année, le Niger perd 100 000 ha à cause de la désertification, rendant le besoin de financement d’autant plus pressant.