Le 7 juin 2022, notre Board Member Stéphane Gompertz, ancien Ambassadeur en Autriche et en Ethiopie, et ancien Directeur pour l’Afrique au Ministère français des Affaires Etrangères, a participé à une table ronde sur l’état actuel des relations entre l’Europe et l’Afrique et le potentiel pour de futurs partenariats. L’événement organisé au Forum Bruno Kreisky pour le dialogue international à Vienne, en Autriche, était le résultat d’une coopération entre le Centre austro-français pour le rapprochement en Europe (CFA/ÖFZ), l’ambassade de France en Autriche, l’Institut français des relations internationales (ifri) et The Bridge Tank.
Les relations entre l’UE et l’Afrique se sont détériorées ces dernières années, caractérisées par l’absence de confiance et de compréhension mutuelles, ce qui a affaibli la capacité à construire une coopération stable, orientée vers l’avenir et mutuellement fructueuse. L’Afrique se tourne de plus en plus vers d’autres partenaires pour le commerce, les investissements et la sécurité, notamment vers la Chine. Le séminaire organisé à Vienne avait pour but de discuter de la manière dont les relations et leurs perspectives sont perçues par les deux parties et de ce qui sera nécessaire pour surmonter les nombreux obstacles afin de parvenir à un changement de paradigme significatif.
Dans quelle mesure un nouveau partenariat entre l’Europe et l’Afrique est-il réaliste ?
La session a été ouverte par Gilles Pécout, ambassadeur de France en Autriche, et Dietmar Schweisgut, secrétaire général du Centre austro-français pour le rapprochement en Europe, suivi d’une interview de Toni Haastrup, maître de conférences en politique internationale à l’université de Stirling, co-éditeur du « Routledge Handbook on EU-Africa Relations ».
La discussion animée par Georg Lennkh, membre du conseil d’administration du Forum Bruno Kreisky pour le dialogue international, a rassemblé des représentants de l’UE et de l’Afrique :
- Thierry Vircoulon, chercheur associé, Centre Afrique subsaharienne, IFRI
- Ambassadeur Stéphane Gompertz, Board Member, The Bridge Tank
- Ambassadeur Irene Horejs, ancienne ambassadrice de l’UE au Niger, au Mali, en République dominicaine, à Cuba et au Pérou
- Margit Maximilian, journaliste, ORF Autriche
Une première évaluation de la dynamique actuelle entre l’UE et l’Afrique a fait émerger une conclusion commune entre les participants à la session, y compris notre board member Stéphane Gompertz, à savoir que le statu quo n’est plus une option. La guerre en Ukraine a contribué à ce changement. Pour la première fois, l’Union africaine a proposé sa médiation à l’Europe, à l’occasion de la rencontre entre le président sénégalais et le président de l’Union africaine, Macky Sall, et le président russe, Poutine, à Sotchi, le 3 juin 2022.
Notant l’influence croissante de la Chine en Afrique, Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre pour l’Afrique subsaharienne de l’IFRI, a fait remarquer que toutes les grandes puissances ayant des programmes d’aide en Afrique ont également des conditionnalités. Dans le cas de la Chine, la condition est que les pays africains ne reconnaissent pas Taïwan.
L’ambassadrice Irene Horejs, ancienne ambassadrice de l’UE au Niger, au Mali, en République dominicaine, à Cuba et au Pérou, a souligné qu’après le traité de Lisbonne, l’action de développement de l’UE en Afrique est devenue non seulement de plus en plus politisée, mais aussi trop bureaucratique. En plus d’être trop axées sur la sécurité, les politiques de l’UE à l’égard de l’Afrique ont souffert de problèmes similaires au cours des dernières décennies. Les instruments financiers consacrés à la migration et à la sécurité ont été trop lourds, trop lents et trop bureaucratiques, ce qui a donné des résultats décevants, a expliqué l’ambassadrice Horejs. Tous ces facteurs ont contribué à l’actuelle « fatigue de l’Europe » sur le continent africain.
L’ambassadeur Stéphane Gompertz a donné un aperçu des nouveaux partenaires de l’Afrique et a décrit les motivations de ces nouveaux acteurs qui s’installent sur le continent. Il s’est ainsi interrogé sur les objectifs de la Chine et sur la possibilité que sa présence devienne militaire. Par ailleurs, il a noté les intérêts stratégiques de l’Inde en Afrique et a rappelé le soutien de la Turquie à des mosquées intégristes sur le continent. L’hostilité de la Russie à l’égard de la présence française au Mali, mais aussi l’accord militaire entre la Russie et le Cameroun ont remodelé les relations entre l’Afrique et l’UE. L’ambassadeur Gompertz a reconnu des erreurs dans la stratégie des forces armées françaises sur le terrain. La France et l’UE auraient dû être plus prudentes dans leur approche. Elles auraient notamment dû éviter de discuter avec certaines factions djihadistes ou de donner des directives sur ce qu’est un bon régime.
Futures pistes d’action
Selon l’ambassadeur Gompertz, 6 pistes sont à explorer sur le front des relations Afrique-UE :
- Plus de solidarité avec l’Afrique au vu de la crise et de la guerre en Ukraine, notamment en ce qui concerne les réfugiés africains et la sécurité alimentaire ;
- Plus de réalisme avec les mouvements insurgés et dans les négociations avec ces derniers ;
- Plus de réalisme avec les régimes militaires sur la base de ce qu’ils fournissent, tout en évitant la politique du « deux poids, deux mesures » ;
- Mettre davantage l’accent sur le secteur privé, en particulier sur les petites et moyennes entreprises dirigées par des femmes.;
- Renforcement du soutien aux ONG;
- Une politique de communication claire à l’égard de la jeunesse africaine, utilisant toutes les applications et formes artistiques que la jeunesse affectionne.
« L’Europe doit défendre et non imposer ses valeurs en Afrique », a conclu l’ambassadeur Gompertz.
Le Centre austro-français pour le rapprochement en Europe a été créé en 1978 par le président Jacques Chirac et le chancelier Bruno Kreisky.