Les 15 et 16 juin 2023, d’éminents décideurs de toute l’Europe et du monde entier se sont réunis à Madrid, en Espagne, à l’occasion du Concordia Europe Summit 2023. Deux jours de conversations de haut niveau à huis clos sur le thème de la démocratie, de la sécurité et des risques géopolitiques ont permis d’aborder certaines des questions les plus urgentes auxquelles l’Europe est confrontée, notamment la cybersécurité, la sécurité énergétique et les outils diplomatiques. The Bridge Tank était présent au sommet, représenté par son président Joel Ruet et Raphael Schoentgen, board member, qui a participé à une session sur la transition énergétique de l’Europe.
Souveraineté européenne : Objectifs climatiques, autonomie et sécurité énergétique
Lors de la session d’ouverture du sommet, l’ancien président de la Commission européenne (CE), José Manuel Barroso, a témoigné du lien étroit entre l’établissement d’objectifs climatiques à caractère contraignant et la concrétisation des objectifs de sécurité énergétique en Europe. Malgré les défis que représentent ces objectifs climatiques, la stratégie UE 2020 a été réalisée en élargissant le problème de sa composante environnementale à la sécurité énergétique, gagnant ainsi les nouveaux membres de l’UE à mesure que la CE lançait des investissements dans les infrastructures, a-t-il noté. Cette approche a également été utilisée par les États-Unis et l’Inde.
Plaçant le débat actuel sur l’autonomie stratégique de l’UE dans son contexte géopolitique, Othmar Karas, premier vice-président du Parlement européen, a noté que l’agression de la Russie avait largement conditionné le débat sur l’autonomie stratégique et la souveraineté de l’UE, ainsi que sur sa stratégie de défense. M. Karas a déclaré que ce débat était mené « dans un esprit de coopération avec l’OTAN ».
Le président de The Bridge Tank, Joel Ruet, a profité de cette occasion pour échanger avec le premier vice-président du Parlement européen sur la contribution du Green Deal européen à l’autonomie stratégique de l’UE. Les politiques contraignantes ne sont en effet bénéfiques que dans la mesure où elles s’inscrivent dans des compromis plus larges. Il est donc important que l’UE et les États-Unis ne perdent pas leur coopération en matière d’autonomie face aux régimes illibéraux. En particulier, la guerre des subventions à court terme à laquelle se livrent actuellement les deux blocs constitue une tendance inquiétante, selon Joel Ruet.
Au milieu des nouvelles rivalités qui se dessinent, les dix prochaines années seront cruciales pour mettre au point les modèles de financement et d’inventeurs/adoptateurs PPP, a soutenu Will Roper, ancien secrétaire adjoint de l’armée de l’air américaine.
Au cours d’une session sur le « chemin vers l’indépendance », l’ambassadrice Paula Dobriansky, ancienne sous-secrétaire d’État américaine aux affaires mondiales sous la présidence de George W. Bush, a rappelé que le gouvernement américain était également très concentré sur les ramifications de la guerre en Ukraine. Elle a reconnu les avancées notables en matière d’énergie nucléaire et d’hydrogène en Europe, ce qui a également été souligné par d’autres intervenants qui ont insisté sur la nécessité de travailler sur l’offre de sécurité énergétique afin de progresser vers l’autonomie de l’Europe. Cette question a également été abordée par notre board member Raphael Schoentgen lors d’une session sur « Le paysage énergétique de l’Europe : Alternatives pour la transition vers les énergies renouvelables ».
Diplomatie et sécurité transatlantiques et le rôle de l’Amérique latine
La question de la coopération transatlantique a été un thème central du sommet. Les avantages d’une Europe forte et souveraine pour les États-Unis ont été soulignés par différents intervenants, les partenariats bénéficiant de la force et de la confiance des deux parties.
Une session intitulée « Diplomatie et sécurité transatlantiques : Forces et opportunités futures » (Transatlantic Diplomacy & Security : Strengths and Future Opportunities) a réuni l’ancien président colombien Iván Duque Márquez, le ministre espagnol des affaires étrangères José Manuel Albares, l’ambassadrice américaine en Espagne Julissa Reynoso et Radoslava Stefanova de l’OTAN.
Selon José Manuel Albares, la relation transatlantique est très importante dans le contexte de l’agression russe. Les États-Unis sont un allié naturel de l’UE et l’agenda transatlantique sera au cœur de la prochaine présidence espagnole de l’UE, y compris dans le domaine technologique, a déclaré M. Albares. Dans ce processus d’évolution vers une Europe de la défense et une plus grande intégration, l’UE doit également envisager un processus de prise de décision basé sur la majorité qualifiée et non sur l’unanimité, a-t-il ajouté.
Le rôle central de l’alliance transatlantique est également reconnu de l’autre côté de l’Atlantique, a soutenu l’ambassadrice Reynoso, ajoutant que l’actuel président des États-Unis a été celui qui a le plus cru à cette alliance dans l’histoire récente. Sur cette base, Radoslava Stefanova a rappelé à l’auditoire que l’OTAN assurait déjà un certain degré d’intégration des systèmes et des acquisitions militaires sur la base des engagements des pays membres, et qu’elle œuvrait donc à la convergence.
Iván Duque Márquez a évoqué les opportunités créées par la présidence espagnole de l’UE en offrant un point d’union entre l’Amérique latine et l’UE. Les écosystèmes d’Amérique latine sont essentiels dans la lutte contre le changement climatique et le continent est un acteur clé de l’approvisionnement en énergie, qu’il s’agisse de pétrole, de gaz ou d’hydrogène vert, mais aussi de la sécurité alimentaire de l’UE. En outre, l’Amérique latine est confrontée à des questions similaires à celles soulevées au sein de l’UE quant à la meilleure façon d’aborder ses relations avec la Chine, en particulier en matière de commerce.
Iván Duque a également évoqué ces questions lors d’une session avec l’ancien président du Mexique Felipe Calderón, au cours de laquelle ils ont discuté du rôle de l’Amérique latine dans la durabilité mondiale. Iván Duque a notamment souligné l’hypocrisie qui veut que la tonne de CO2 vaille 50 dollars à Bruxelles et 5 dollars dans le bassin du Congo ou en Amazonie. Felipe Calderon a appelé à une véritable mise en œuvre du principe du « pollueur-payeur » et à une récompense pour l’absorption à un prix égal sur l’ensemble de la planète. « Le financement réel des coûts d’investissement est plus important que les promesses », a-t-il ajouté.